(1re partie)
Photos : Pierre Lapprand
Remarquez bien que Bébé est écrit avec un B majuscule, car je parle de… BB Nieuport. En fait, je voudrais plutôt parler de trois Bébés Nieuport, pas un mais trois! Car ils étaient trois BB que nous avons accueillis dans le hangar des Ailes d’époque du Canada (AEC) à Gatineau pendant trois semaines, et ils ont vite été adoptés et aimés. Ils sont bien restés au chaud et surtout à l’abri de la pluie, car de la pluie, il en est tombé encore en masse pendant leur séjour du 12 juin au 2 juillet dernier!
Aux AEC, nous étions heureux de recevoir les pilotes et le personnel du Vol Vimy (Vimy Flight) qui venaient ici pour marquer une étape importante de leur tournée pancanadienne dans le cadre du 150e anniversaire de la Confédération canadienne : survoler la colline parlementaire lors de notre fête nationale du 1er juillet.
Vol Vimy comprend une équipe bénévole d’une dizaine de pilotes canadiens à la retraite ou encore en fonction, certains d’entre eux sont pilotes de ligne, accompagnés de mécaniciens et d’une équipe de soutien. Ils se sont donné pour mission de célébrer le courage de nos pilotes de la Première Guerre mondiale, d’éduquer le public sur l’événement historique de la Bataille de Vimy qui a marqué le début de l’existence de notre nation, de commémorer le sacrifice des 650 000 braves Canadiens qui ont porté l’uniforme, et ne pas oublier ce qu’ils ont dû endurer pendant cette guerre qu’on se disait être la Der des Ders (il n’y en aurait plus après). De ce nombre de soldats du corps expéditionnaire canadien, 66 000 ont été tués, plus de 11 200 portés disparus et 170 000 blessés. Aujourd’hui, avec plus de 230 000 heures de vol combinées, les pilotes de Vol Vimy comprennent l’énorme risque et le courage nécessaires pour piloter ces avions fragiles.
Leurs avions sont des répliques de Bébé (BB) Nieuport XI, au 7/8e de leur véritable grandeur, leur permettant ainsi d’avoir le statut d’ultraléger, donc avec des normes de navigabilité avantageuses et moins serrées que pour les aéronefs. Leur différence de taille est si minime en comparaison de l’original que nous avons l’impression d’être réellement devant le modèle construit en 1915 par la société Nieuport. Appelé Bébé Nieuport à cause de sa petite taille, son vrai nom est en fait Nieuport type XI BB : B pour biplan et B pour chasseur, selon la nomenclature du ministère français de la Guerre. Pressé par l’urgence de se débarrasser du fléau Fokker qui décimait l’aviation alliée, l’ingénieur Gustave Delage mit au point cet avion court compact et léger, pourvu d’un moteur rotatif de 80 ch Gnome ou Le Rhône de 9 cylindres en étoile lui permettant une vitesse rapide de 155 km/h! Entré en service le 5 janvier 1916, il se fait remarquer à la Bataille de Verdun en infligeant de lourdes pertes chez l’ennemi. Ces avions sont des sesquiplans, l’aile inférieure est d’une surface allaire équivalente à la moitié ou moins de celle de l’aile supérieure, donnant au pilote une grande visibilité vers le bas, mais aussi surtout une grande maniabilité à l’avion. Son armement comprend une mitrailleuse Hotchkiss à chargeur de 27 cartouches, ou Lewis de 47 à 97 cartouches, montée sur le plan supérieur de l’aile. Le pilote devait serrer le manche entre ses genoux pour la recharger. Pesant 320 kg à vide, 480 kg en charge, son envergure était seulement de 7,52 m. Pour l’histoire, le célèbre pilote Slt Georges Guynemer de l’escadrille N 3 pilotait un BB Nieuport (N 836) baptisé Le Vieux Charles en mars 1916. D’autre part, c’est avec un avion de ce type que Charles Godefroy est passé sous l’Arc de Triomphe, à Paris, le 7 août 1919, devant quelques témoins et photographes prévenus à l’avance, voulant « venger » l’affront du commandement militaire qui avait ordonné aux aviateurs de défiler à pied le 14 juillet de l’année. C’est avec un Nieuport, mais de type 17, que le pilote canadien Billy Bishop (plus de 72 victoires, dont 29 avec un Nieuport) s’est illustré pendant la Première Guerre mondiale. En tournoyant et en abattant trois appareils allemands qui décollaient pour aller le contrer et en forçant un autre à atterrir, il fut récompensé pour sa bravoure en recevant la Croix de Victoria. Il devint alors le premier aviateur canadien à la recevoir.
Le groupe Vol Vimy, basé à Comox en Colombie-Britannique, revenait de France après avoir survolé des zones de combat dans le nord du pays, principalement le monument de Vimy, le 9 avril dernier et des cimetières militaires avoisinants les jours suivants. Leur voyage avait commencé à la mi-mars quand quatre BB Nieuport, deux Sopwith Camel Pups et un Royal Aircraft Factory S.E.5 du Canadian Museum of Flight avaient été embarqués dans un C-17 Globemaster de l’Aviation royale canadienne pour être convoyés à Lille, en France. Leur mission : marquer le centenaire de la Bataille de Vimy en ouvrant la cérémonie commémorative avec un survol du Mémorial national du Canada érigé sur la crête de Vimy, située juste à environ 10 km au nord d’Arras. Une quarantaine de personnes de Vol Vimy avaient alors traversé l’Atlantique pour y rejoindre en France une communauté de bénévoles qui les attendaient avec impatience, motivée par la passion et la fraternité, au dire de Régis Grébent, président de la Fête de l’Air, qui organisait cet événement spécial depuis quatre mois. Faisant partie de l’offensive massive d’Arras, la bataille de la crête de Vimy avait commencé le matin du 9 avril 1917. C’est dans le cadre de cette bataille de quatre jours que les quatre divisions du Corps canadien, 35 000 hommes, ont combattu ensemble en une formation unique pour la première fois. La victoire canadienne de la crête de Vimy est considérée comme un moment déterminant de l’histoire du Canada, l’essor de notre nation. Cette année, par d’heureuses circonstances météorologiques, le 9 avril fut la plus belle du mois : ciel bleu et pas de vent. (En 1917, c’était une tempête de neige). La foule comptait pas moins de 25 000 personnes. Des invités de marque ont prononcé des discours, dont le président français de l’heure, François Hollande, Charles, le prince de Galles, et notre premier ministre, Justin Trudeau.
Suite et fin de cet article au prochain numéro. Je parlerai un peu de pilotage, mais surtout d’une mésaventure qui est arrivée à l’un des pilotes de Vol Vimy en France.