GUIDE DE RÉFÉRENCE
Photos : Richard Saint-George
Plébiscité en son temps par les pilotes civils, ce push-pull a également été enrôlé dans l’armée américaine. Au Canada, on l’a surtout vu en missions de surveillance aérienne – principalement pour la détection des feux de forêts. Tombé quasiment en désuétude depuis quelques années, on dénombre encore 81 exemplaires immatriculés au pays. La plupart d’entre eux demeurent encore administrativement en état de navigation. Néanmoins, au Québec, sur la petite dizaine recensée, plusieurs ne volent plus. Cloués sur leurs tarmacs respectifs, ils attendent d’être revendus à l’export ou pire d’être cannibalisés pour satisfaire la demande du marché national, voire international.
Le prototype de ce bimoteur est testé, pour la première fois en vol, en 1961. Il s’agit d’un modèle à train fixe. C’est le modèle 336. Ce petit quadriplace économique, à atterrisseurs fixes, est bientôt remplacé par une version plus musclée, plus spacieuse et à train escamotable : le C-337. Plusieurs séries (A, B, D, E, F, G, H, etc.) apparaissent successivement sur le marché. Quelques variantes militaires (O-2, O-2B, etc.) sont parallèlement livrées à l’armée américaine. Un Skymaster turbopropulsé est même élaboré (O-2T/O-2TT) mais n’aboutit pas. Reims Aviation, en France, construit également sous licence des F-337 et FTB-337. Lorsque la production s’arrête, vers 1985, nombre d’exemplaires sont éparpillés sur et au-dessus de la planète.
Description structurelle
Comme tous les appareils de cette époque, le Cessna 337 est essentiellement bâti en alliage d’aluminium. Tout comme son prédécesseur, le 336 Skymaster, le 337 est équipé d’une voilure dont le profil varie des emplantures (NACA 2412) aux bords de fuite (NACA 2409). Cela pour maximiser le ratio portance à basse vitesse et vitesse de croisière. Dans la même optique, l’avionneur a privilégié des haubans très courts (angle prononcé). Ceux-ci se raccordent à la jonction des poutres sur les intrados. Cet assemblage extrêmement homogène minimise la traînée induite. À l’arrière, les deux imposants empennages s’élèvent relativement haut dans le ciel. Au sol, une béquille déportée doit être placée sous la poutre gauche pour éviter que l’avion bascule (risques par grand vent, accumulation de neige, etc.). Des trappes, çà et là, autorisent les inspections visuelles (câbles, poulies, corrosion éventuelle de la structure, etc.). Le Cessna 337 ne dispose que d’une seule porte d’accès (côté droit). Celle-ci est, selon le modèle, soit normale – et généralement vitrée de haut en bas – ou de type papillon comportant deux sections : une partie basse (servant de marchepied) et un ventail supérieur (intégrant le mécanisme d’ouverture-fermeture). L’accès à bord est plus ou moins facile, selon le siège visé. En effet, gagner la troisième rangée est quasiment un exercice de contorsionniste. Dans le cadre d’opérations de patrouille (reconnaissance, surveillance, etc.), cela ne pénalise personne puisque le pilote est souvent seul ou accompagné d’un copilote, voire d’un opérateur. Dans un cadre privé, cela peut s’avérer compliqué en cas d’évacuation d’urgence des pax. Du coup, les modèles de 5 ou 6 places possèdent une sortie de secours sous forme d’un hublot gauche éjectable. Lorsque le train d’atterrissage est sorti, des carénages articulés obturent les trappes. On peut néanmoins les ouvrir au stationnement à des fins d’inspection. Une démonstration durant la visite pré-vol démontrera la complexité de chaque dispositif et des circuits associés. Dans le cockpit, la configuration n’a rien d’exotique. C’est un Cessna. Seul le boîtier à 6 manettes (gaz, hélices, mixture) rappelle que nous sommes effectivement aux commandes d’un bimoteur et non d’un gros monomoteur. Question motorisation, les deux six-cylindres Continental sont identiques. Seules les hélices bipales changent : l’une pousse ; l’autre tracte. D’où ce surnom de push-pull. Au démarrage, le pilote doit lancer le moteur arrière en premier. Cela permet de l’entendre tourner correctement ou non. Test impossible en procédant inversement ! En effet, le ronronnement du Continental avant camoufle, une fois en action, tous les autres bruits et vibrations. De plus, il n’y a aucun visuel direct possible vers l’arrière. Le respect de cette procédure est donc primordial. Autre restriction : l’interdiction de décoller sur un seul moteur (AV ou AR). Plusieurs accidents se sont pourtant produits ainsi, en conditions marginales (temps chaud, altitude élevée, piste courte). En vol, à cause de l’alignement des hélices, le son du Skymaster est unique. Ce même alignement évite toute asymétrie en cas de défaillance d’un moteur (avant ou arrière). De ce fait, on considère que piloter un Cessna 337 ne s’apparente pas à la conduite traditionnelle d’un bimoteur. Malgré tout, au Canada, comme dans la plupart des autres pays membres de l’OACI, il faut détenir une qualification multimoteur pour voler sur cet appareil.
Avantages, inconvénients, consignes de navigabilité…
Un Cessna 337 n’est pas plus dispendieux à entretenir qu’un Cessna 310. Moins cher à l’achat, il se révèle également moins gourmand en 100 LL. En revanche, le modèle ne fait pas l’affaire des mécaniciens qui le trouvent complexe et exigu. Travailler sur le moteur arrière n’est pas une sinécure ! Pour y accéder intégralement, il faut déposer les sièges et une partie de l’habillage de la cabine passagers. Le système d’escamotage des atterrisseurs – principal et avant – semble aussi fort compliqué (système à pompe mixte, électrique et hydraulique). Même le pot d’échappement arrière est tarabiscoté : un conduit le traverse de part en part pour permettre la vidange du moteur. Pas très pratique ! Enfin, le reniflard d’huile (overflow) sort presque directement dans l’axe de l’hélice propulsive. Il en résulte un encrassage perpétuel des carénages. En plus d’un demi-siècle d’existence, le 337 a évidemment compilé quelques AD’s. Sans outrance toutefois. Le dernier en date (2011-15-11) concerne la détection de criques ou de dommages dans la voilure, suite à l’installation de réservoirs de bouts d’ailes. Livrés avec un certificat de type supplémentaire (STC SA5090NM) par Flint Aero Inc., ces dispositifs peuvent, à la longue, endommager la structure. Par conséquent, avant toute acquisition, il conviendra de vérifier si les consignes s’appliquant au Skymaster convoité ont été traitées. Enfin, une inspection préachat – réalisée par un mécanicien certifié et compétent sur cet appareil – est vivement recommandée avant toute transaction. Surtout si l’aéronef provient de l’étranger.
Dans L’Aviateur, Canadian Trade Plane (COPA), Trade-A-Plane et Controller
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les offres de Skymaster ne se bousculent pas dans les magazines canadiens ! En revanche, et bien que sporadiques, on trouve des petites annonces dans les deux grands journaux spécialisés américains. À titre indicatif, sur Trade-A-Plane, j’ai relevé un 337E, année 1970, basé dans l’Illinois, 2500 TTSN, en bonnes conditions mécaniques et arborant une jolie livrée blanche et bleue. Ses potentiels moteurs et hélices demeurent élevés. Seule ombre au tableau : plusieurs dommages relevés au fil des années (mais réparés). Prix demandé : 34 900 $ US. Pas cher ! À l’opposé, un propriétaire canadien vend, sur Controller, son P337H (pressurisé) de 1979 moyennant… 229 000 $ US. Cet aéronef, accusant à peine 2100 heures, semble en parfait état. Son tableau de bord intègre un double écran Garmin G500, 1 GTN 650, 1 GTN 750, 1 TAS 620, 1 EDM 960 et plus encore. Ce superbe cinq-places, intérieur cuir, est également blanc et bleu mais avec des motifs différents. Considérant la faiblesse du marché, je ne crois pas que ce soit un bon investissement. Personnellement, j’opterais plutôt pour la première annonce, voire une autre proposant une machine qui ne dépasserait pas 65 000 $ US. Pour qui cherche un de ces avions à double poutre, contactez éventuellement Bill Crews de chez Skymaster International (billcrews@skymaster.com) ou visitez son site Internet : www.skymaster.com. Ce spécialiste a vendu plus de 1000 Skymaster en 25 ans de carrière ! Pour tous conseils, échanges et rencontres, je recommanderais aussi l’association Skymaster Owners and Pilots : www.337skymaster.com
Question d’opinion
Indéniablement, le Cessna 337 attire l’attention. Un peu comme un Erco Aircoupe, un Beechcraft Bonanza V35 ou encore un Republic Seabee. Ces aéronefs d’une autre ère continueront longtemps à séduire par leur forme et leur complexité. Acheter un Skymaster, est-ce un bon placement ? Dans le cadre d’opérations commerciales : pas sûr en 2017 ! Pour voler à titre privé : un coup de cœur n’a pas de prix !
Devinettes sur le Cessna 337 Skymaster
a) Environ combien d’exemplaires ont été construits ? b) Quelles sont les 2 particularités du modèle P337G ? c) Qu’est-ce que l’AVE Mizar ?
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Réponses : a) ±3000 b) pressurisation et moteur turbocompressé c) une voiture volante créée, en 1972, sur une base Ford Pinto et un double empennage de Skymaster |
Cessna 337 Skymaster… en quelques chiffres
Envergure : 38 pi 2 po (11,63 m) Longueur : 29 pi 9 po (9,06 m) Hauteur : 9 pi 2 po (2,79 m) Places : 4, 5 ou 6 (selon configuration et certification) Masse à vide : 2969 lb (1347 kg) Masse maximale au décollage : 4630 lb (2100 kg) Moteurs : 2 x Continental IO-360-G Puissance : 2 x 210 ch Hélice avant : bipale McCauley à vitesse constante ¤ 78 po (1,98 m) Hélice arrière : bipale McCauley à vitesse constante ¤ 76 po (1,93 m) Réservoirs : 2 (3 compartiments chacun) Total : 125 gal (473 l) Facteurs de charge (volets UP) : + 3,8 g / – 1,52 g Vitesse maximale (Vne) : 198 kias (367 km/h) Vitesse de croisière @ 75 % puissance (5500 pi – 1676 m) : 165 kts (306 km/h) Composante vent de travers maxi : 20 kts (37 km/h) Distance franchissable maximale : 1121 nm (2076 km) Plafond pratique : 19 500 pi (5944 m)
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