Saviez-vous que…
Alors que l’industrie peine à trouver une relève qui permettra de soutenir le développement d’un secteur économique crucial, les femmes manquent cruellement à l’appel. Les pionnières qui ont ouvert les portes pour les femmes pilotes dans l’aviation seraient surprises de voir le manque de progrès des femmes dans le domaine depuis 100 ans.
Au début du 20e siècle, piloter un avion était considéré comme l’exploit suprême. Hommes et femmes, par centaines, avouaient leur passion pour l’aviation. Dans les années 1910, les Canadiennes qui se passionnaient pour l’aviation devaient toutefois regarder du sol les voltiges aériennes des pilotes. On considérait alors qu’il était déplacé pour une femme de piloter un avion. La presse s’est donc emballée, en 1919, quand Madge Graham, épouse du pilote de brousse Stuart Graham, a annoncé qu’elle accompagnerait son mari lors d’un vol entre la Nouvelle-Écosse et le Québec. L’expérience fut couronnée de succès et ce vol a ouvert la voie aux femmes pour prendre leur place dans un « cockpit ».
Dans les tout débuts, en 1928, Eileen Vollick devient la première Canadienne à obtenir son brevet de pilote privé. En 1932, plus d’une vingtaine de Canadiennes de toutes les régions du pays avaient obtenu leur brevet de pilote privé. Pour ce qui est de la première Québécoise dans les airs, l’honneur revient à Gertrude Dugal, née à Montréal, qui obtient son brevet en 1947, soit presque 40 ans après la première aviatrice française Raymonde de Laroche qui obtient, le 8 mars 1910, un véritable brevet d’aviatrice, une première dans le monde.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il était interdit aux Canadiennes de participer à des missions de combat. On leur réservait plutôt un rôle de soutien, qu’elles ont accompli de diverses façons. Le 2 juillet 1941, une ordonnance du Conseil privé autorise la formation de la Canadian Women’s Auxiliary Air Force. Celle-ci prend le nom de Royal Canadian Air Force Women’s Division (qui entre autres livrait des avions et du matériel militaire en Angleterre). On peut ici mentionner le nom de la Québécoise Elspeth Russell (pilote) qui fit partie de ce contingent. Le Service féminin de l’ARC atteint son effectif le plus élevé en décembre 1943, alors qu’il réunit 591 officiers et 14 562 membres de tous rangs.
L’année 1945 marquait la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Des milliers d’anciens combattants de l’Aviation royale du Canada, de retour au pays, avaient acquis beaucoup d’expérience et accumulé des centaines d’heures de vol outre-mer. Cela en faisait d’excellents candidats pilotes pour les lignes commerciales, les écoles d’aviation et les compagnies de charter. Il était difficile pour les aviatrices de rivaliser contre une aussi forte concurrence. Certaines ont pu se trouver du travail comme copilote (souvent à titre non officiel) auprès de leur mari pilote. Par exemple, Violet Milstead (Ontario), seulement six mois après sa première leçon de pilotage, avait obtenu ses licences d’aviation privée et commerciale. Elle a décroché un emploi stable comme instructrice avec Nickel Belt Airways, aux côtés de son mari, qui avait été embauché comme instructeur pilote en chef. Violet a commencé graduellement à effectuer du vol de brousse et s’est fait connaître au point d’être appelée « l’Ange de la brousse » par la revue Châtelaine.
Ce n’est qu’en 1951 que les femmes retrouveront une place au sein de l’aviation militaire canadienne, sauf comme pilotes. En effet, c’est seulement en 1980 que le Canada accepte ses premiers pilotes militaires féminins. Au cours des 30 dernières années, les pilotes canadiennes et québécoises ont fait œuvre de pionnières. En 1973, Transair embauchait une femme, Rosella Bjornson; elle était la seule et unique femme parmi 2800 pilotes professionnels hommes. Ce fut là une étape importante. Vers la fin des années 1970, plusieurs transporteurs aériens du Canada et du Québec embauchèrent des femmes pour divers emplois dans l’aviation. Air Canada a embauché sa première pilote en 1978.
Au point de vue militaire, la marche vers l’égalité ne s’est pas faite en douceur. Rien n’a été facile. Les préjugés persistent et les pilotes féminins font toujours l’objet d’une hostilité caractérisée. En 1992, Roberta Bondar (pilote de la RCAF) devenait la première Canadienne à voyager dans l’espace. Suivra, en 1999 et 2009, Julie Payette (également pilote de la RCAF), la première Québécoise à explorer l’espace. Aujourd’hui, par son titre de gouverneure générale du Canada, elle est aussi commandante en chef des Forces armées canadiennes.
En 2013 dans un article, écrit par Alexandre Faucher*, Alexandre Pouget (ex-pilote en chef chez Exact Air) affirmait que le milieu du pilotage évoluait dans le bon sens et que la femme gagnait à y faire sa place. De même, Pierre Boucher (ex-directeur du CQFA) cite que les femmes qui veulent percer dans ce milieu doivent être déterminées et doivent encore travailler pour se tailler une place.
En conclusion, il est primordial d’informer nos jeunes femmes qu’elles sont tout à fait capables d’être pilotes, contrôleuses aériennes, mécaniciennes ou ingénieures en aéronautique.
*Journaliste à la pige, cégep de Jonquière