Guide de référence


Photos de l’auteur et collection Académie de l’Aviation de Joliette

D’aspect presque contemporain, économique et fiable, ce petit bimoteur quinquagénaire plaît toujours à une clientèle privée et commerciale. Accommodant également les élèves-pilotes et les formateurs, il est plébiscité par plusieurs écoles de pilotage canadiennes.

Au Canada, on dénombre 79 Piper PA-30 immatriculés sur les 2142 exemplaires produits par Piper entre 1962 et 1972. Parmi ceux-ci, moins d’une dizaine sont basés au Québec. Deux écoles, soit Lachute Aviation (CSE4) et l’Académie de l’Aviation de Joliette (CSG3), en exploitent chacune un spécimen. Un autre centre de formation québécois, Aéro Loisirs, en avait également un jusqu’à tout récemment (l’appareil a été vendu). Ailleurs au pays, six autres écoles utilisent des Twin Comanche, soit Calgary Flying Club (Alb.), Millenium Aviation (Sask.), Kingston Flying Club (Ont.), Nova Scotia Community College – Aviation Institute (N.-É.), Regina Flying Club (Sask.) et Namao Flying Club (Alb.). Ce quadriplace a l’avantage d’être pratique et abordable à l’achat. On peut en effet dénicher un modèle à partir d’une cinquantaine de milliers de dollars. Le moins cher, trouvé sur Controller, est présentement affiché à 45 578 $ US (année 1964, 8000 heures de vol avec encore un potentiel de 750 heures sur les moteurs). C’est Apex Aircraft Sales, à Markam (Ont.), qui le propose. Avis aux amateurs ! Néanmoins, pour un avion plus récent accusant moins d’heures et mieux équipé, comptez environ 85 000 billets verts (+ taxes et frais d’importation). Les turbocompressés PA-39 CR passent allégrement la barre des 100 K$ US. Apparemment, l’investissement vaut la peine car, correctement entretenues, les deux versions se déprécient peu ou prou. Dans certains cas, ce serait même le contraire.

Gros plan sur les instruments primaires complétés par un EHSI Sandel SN3308.

Tableau de bord conventionnel, agrémenté d’un HSI Bendix King et de radios et transpondeur numériques.

Présentation technique et notifications

Dérivé du véloce Piper PA-24 Comanche 6, le PA-30 Twin Comanche dispose également d’une aile cantilever à profil laminaire (NACA 64(2)-A215). Les ailerons sont différentiels et les volets s’abaissent jusqu’à 27 degrés. La voilure intègre quatre réservoirs non structurels plus deux réservoirs optionnels ancrés en bout d’ailes. Les nacelles supportent chacune un quatre-cylindres Lycoming développant 160 chevaux. Selon François Vrana, président et chef instructeur de Lachute Aviation, ces IO-320-B sont ultra endurants. Ceux-ci tournent dans le même sens. Malgré tout, si le moteur critique [gauche] tombe en panne, la dissymétrie ne semble pas catastrophique. Pour info, la vitesse minimale de contrôle sur un moteur (Vmca) est de 90 mph, soit 78 kias (145 km/h). Les hélices d’origine demeurent de simples bipales Hartzell HC-E2YL-2. En deuxième monte, on peut néanmoins adapter des modèles Q-tips. Gigi Shamba – administrateur et chef instructeur de l’Académie de l’Aviation de Joliette, en partenariat avec Aviation D.M., basé à Saint-Hyacinthe (CSU3) – a choisi cette option afin de maximiser les performances de C-GOJD tout en limitant les nuisances sonores. Le Twin Comanche possède un fuselage semi-monocoque. On accède en cabine (largeur 45 po ou 1,14 m) par une unique porte implantée à droite façon Piper. La queue de l’appareil est également cantilever. L’empennage vertical comprend une partie fixe et un gouvernail. L’empennage horizontal est monobloc. Il partage, avec le PA-24 Comanche 6, le même arbre d’articulation. Monté sur de gros roulements, celui-ci est littéralement encastré entre l’extrados et l’intrados. Ce qui ne facilite en rien son inspection ! Évidemment, avec les années, des fissures peuvent apparaître. À ce sujet, Piper a émis, en 2005, le Service Bulletin nº 1160. Celui-ci concerne aussi bien les PA-24 que les PA-30 et PA-39 – mais également certaines séries de PA-23 Apache et Aztec. Pour info, le remplacement de cet arbre requiert le désassemblage complet dudit empennage. Attention ! Une série d’arbres neufs présentaient un défaut de perçage (mauvais alignement des trous). Piper a depuis remédié au problème en réformant le stock incriminé. La nouvelle production s’avère donc correcte. Néanmoins, il se pourrait que quelques exemplaires défectueux soient encore en réserve chez certains fournisseurs de pièces. Toujours au niveau de l’empennage, les mécaniciens recommandent une inspection minutieuse des rivets. Un jeu excessif peut trahir une fatigue des fixations et/ou du métal. Cela peut aussi révéler un problème de corrosion. Rappelons-nous que les aéronefs construits au 20e siècle étaient censés durer une quinzaine d’années, voire vingt au maximum. De ce fait, ceux-ci ne reçurent aucun traitement anticorrosion interne. Vingt mille et quelques jours plus tard, il est donc grand temps de s’inquiéter des risques encourus par l’effet insidieux du temps et des éléments ! À défaut, le risque de vibrations aéroélastiques ou flutter pourrait être accentué en vol rapide ou en descente accélérée. Cette vérification vaut également pour la voilure principale et le fuselage. Le train est entièrement rétractable. La roulette avant, asservie au sol, pivote sur un arc de 40 degrés. Les roues de l’atterrisseur principal sont dotées de freins à disque. Question électricité, le Piper Twin Comanche intègre deux batteries non couplées de 12 volts. Une dynamo, voire une seconde en option, recharge les premiers modèles (A & B), tandis qu’un alternateur équipe les séries subséquentes. Enfin, deux pompes à vide, à sec, alimentent les instruments gyroscopiques. Une inspection programmée (100 heures ou annuelle), doublée d’un changement périodique des filtres, demeure impérative.

Quatre-cylindres Lycoming d’origine, développant 160 chevaux.

La philosophie Twin Comanche

Pour avoir déjà piloté un Twin Comanche, je dirais que cet appareil est plaisant en vol. Le profil laminaire de l’aile, même s’il commande le respect des vitesses publiées, est gage de vélocité. Sa réputation de se révéler dangereux en approche dégradée ou non est une fausse vérité. Les rapports d’accidents faisant suite à une perte de contrôle ont tous démontré que les pilotes incriminés manquaient d’expérience. Y compris certains instructeurs ! En montée, à pleine puissance, ainsi qu’en croisière, le niveau sonore en cabine reste très acceptable. Même en ôtant les casques, l’équipage peut converser sans avoir à forcer la voix. Aucun bruit intempestif ou vibration anormale ne trouble le ronronnement des Lycoming. De plus, leur faible consommation globale – 13 gal/h en croisière ou 0,8 litre/min – pèse certainement dans la balance au moment de l’achat. Tout comme le coût des pièces détachées structurelles et mécaniques relativement peu élevé. L’instrumentation conventionnelle autorise un entraînement complet IFR. L’anémomètre de ce modèle étant originellement gradué en mph, les vitesses relevées sont donc à interpréter. En complétant la planche de bord avec un GPS Garmin 530, par exemple, et/ou encore un indicateur d’attitude horizontale (EHSI) Sandel SN3308, on peut aisément moderniser l’avionique sans pour autant altérer son style. Rapide et maniable, ce bimoteur facilite les transitions vers des machines plus performantes – à l’image de son concurrent de l’époque, le Grumman Cougar. L’arrêt de la production du Twin Comanche correspond à l’avènement du Piper Seneca à Vero Beach (Floride). Une nouvelle page, certes, sans pour autant effacer ce remarquable chapitre. De nos jours, les aficionados du modèle sont encore légion. Nombre d’entre eux possèdent leur PA-30 ou PA-39 depuis des lustres – 45 ans pour certains ! À l’instar des propriétaires de Comanche, ceux qui plébiscitent le Twin Comanche se regroupent en associations. De petits clubs, mêlant pilotes privés et exploitants commerciaux, existent sur tous les continents. Bien plus qu’un simple avion, cet aéronef demeure, pour beaucoup d’hommes et de femmes, un véritable symbole.

 

Devinette sur le Piper PA-30 Twin Comanche

a)      Qu’est-ce qui a sonné le glas de la production du modèle en 1972 ?

b)      Combien de PA-40 Arapaho, évolution du PA-30 et PA-39, ont-ils été construits ?

c)      Les PA-30, PA-24 et PA-39 ont constitué, durant plusieurs années, l’essentiel de la production chez Piper : vrai ou faux ?

 

 

Réponses :   a) L’inondation de la chaîne de production ; b) 3, car le modèle est resté au stade de prototype ; c) vrai

 

Piper PA-30 Twin Comanche (1964)… en quelques chiffres

 

Envergure : 36 pi (10,97 m)

Longueur : 25 pi 2 po (7,67 m)

Places : 4

Masse à vide : 2500 lb (1134 kg)

Masse maximale au décollage : 3725 lb (1690 kg)

Moteurs : 2 Lycoming IO-320-B1A

Puissance : 2 x 160 ch

Hélices : 2 bipales Hartzell, à vitesse constante, Ø 72 po (1,83 m)

Facteurs de charge (volets relevés) : +3,8 g /  -1,52 g

Vitesse maximale (Vne) : 178 kias (330 km/h)

Vitesse de croisière (75 % puissance @ 8000 pi – 2438 m) : 169 kt (313 km/h)

Distance franchissable maximale (avec réservoirs additionnels) : 1238 nm (2293 km)

Plafond pratique : 20 000 pi (6096 m)

Plafond pratique sur 1 moteur : 7100 pi (2164 m)