Le Grumman Wildcat est le tout premier chasseur de la série des « Cats » qui ont servi militairement pendant la Deuxième Guerre mondiale. D’ailleurs, cette compagnie a continué d’adopter des noms inspirés de félins au fil des ans pour désigner ses successeurs : Hellcat, Tigercat, Bearcat, Panther, Cougar, Tiger et Tomcat. Mais c’est bien le Wildcat qui mérite toute notre attention ici, car cet avion s’est inscrit au tableau d’honneur des meilleurs chasseurs pour de multiples raisons.

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Première raison : c’est le seul chasseur de l’U.S. Navy qui ait servi pendant toute la durée du conflit de la Deuxième Guerre mondiale. Quelques mots sur ses origines : parmi les entreprises qui ont produit le plus d’avions militaires et civils durant le 20e siècle, la Grumman Aircraft Engineering Corporation, fondée en 1929, voulait répondre à la nécessité de produire des avions de chasse américains pour porte-avions. Son Grumman F4F Wildcat fit son premier vol le 2 septembre 1937. Il fut mis en service au sein de l’U.S. Navy et de la Fleet Air Arm britannique en 1940 sous la dénomination de Martlet. Équipé d’un moteur Pratt & Whitney R-1830 de 1200 chevaux, il pouvait atteindre la vitesse de 530 km/h.

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Principal théâtre d’opérations : le Pacifique

En juillet 1940, les cinq premiers exemplaires prélevés sur les chaînes de montage furent expédiés au Canada, où ils reçurent la dénomination de Martlet Mk.I. Ils équipèrent d’abord l’escadron 804 de l’aéronavale britannique, appelée la Fleet Air Arm (FAA). Ajoutons une deuxième mention à son tableau d’honneur : le Wildcat fut dès décembre 1940 le premier chasseur d’origine américaine à abattre un avion allemand. Ses pilotes apprécièrent également tout au long de la guerre cet avion relativement bien blindé (cockpit et moteur, réservoirs auto-obturants) qui lui donnait une bonne capacité à encaisser les dommages. Sa puissance de feu était très respectable avec ses six mitrailleuses Browning de calibre 50. Il pouvait aussi transporter deux bombes de 100 livres ou deux réservoirs largables de 220 litres. Son train d’atterrissage était rétractable… manuellement! Cela demandait au pilote de faire environ 30 tours de manivelle pour rentrer les roues juste après le décollage. Le pilote vétéran Hugh Pawson, qui avait piloté des Corsair et des Martlet pendant la guerre, m’avait dit qu’on reconnaissait facilement un nouveau pilote de Wildcat au moment du décollage, quand sa trajectoire du vol était quelque peu erratique.

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Un rare Grumman F4F-3 Wildcat est exposé au Pacific Aviation Museum (PAM) de Pearl Harbor à Hawaii.

La Cactus Air Force, qui s’est illustrée à la bataille de Guadalcanal en septembre 1942, a utilisé des Grumman F4F-3 Wildcat comme le modèle exposé au musée d’aviation de Pearl Harbor. Puisque le chasseur Zéro japonais lui était supérieur au combat aérien rapproché, les pilotes de Wildcat devaient travailler en équipe pour arriver à les battre. Ils appliquaient la stratégie innovante appelée Thach Weave : alors qu’une formation de deux Wildcat servait d’appât et tournait en rond en se faisant suivre volontairement par des Zéro, une autre formation de deux autres Wildcat tournait en sens inverse pour pouvoir les croiser et tirer sur les ennemis de face. L’exemplaire du Pacific Aviation Museum servait d’avion d’entraînement sur le porte-avions USS Sable au lac Michigan. Des ennuis mécaniques avaient forcé son pilote George Hahn à amerrir. Remonté à la surface en 1991, on découvrit qu’il y avait toujours du carburant et de l’huile dans ses réservoirs, et que même l’un des pneus était toujours gonflé! On pourrait rajouter la mention « solidité » au tableau d’honneur! Cet exemplaire vola de nouveau en juin 1995 après quatre ans de restauration. Il est peint dans ses couleurs originales de 1943.

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Le FM-2 Wildcat de Greg Shelton photographié au Air Show de Geneseo à l’été 2015.

7885 Wildcat ont été construits. Aujourd’hui, il n’en reste environ qu’une quinzaine en état de vol. Celui-ci est un FM-2 Wildcat, la version fabriquée sous licence par Eastern Aircraft (General Motors). Assis dans son siège à l’appui-tête en « peau de léopard », son pilote Greg Shelton (www.gregsheltonairshows.com) survole la vallée de Geneseo au mois de juillet dernier.

Extrêmement agile, on surnommait le FM-2 Wildcat le meilleur chasseur de combat rapproché en bas de 10 000 pieds, cela en comparaison avec les F6F Hellcat, Corsair, P-47 et Mustang. Fabriqué sous licence par Eastern Aircraft (General Motors), son moteur était plus puissant et son stabilisateur vertical plus grand. Il était encore plus solide que la version originale construite par Grumman. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le pilote Butch O’Hare devint le premier as de l’U.S. Navy après avoir abattu cinq bombardiers japonais à bord de son FM-2 Wildcat. Autre mérite à afficher sur le tableau d’honneur du Wildcat : il s’est aussi démarqué par rapport à tous les autres chasseurs en permettant à huit de ses pilotes de remporter la plus haute distinction militaire des États-Unis : la médaille d’honneur. Le FM-2 Wildcat que Greg Shelton a acheté en 2006 fut fabriqué en 1944. Il servit de remorqueur de cibles à Alameda et à San Diego aux États-Unis. Plus tard, utilisé pour la photographie aérienne en 1956, il connut plusieurs propriétaires avant d’aboutir au musée d’aviation de Galveston au Texas pour quinze ans. Greg Shelton est considéré comme l’un des meilleurs pilotes d’acrobatie aérienne dans le domaine des spectacles aériens. Son Wildcat est basé à Collinsville en Oklahoma. Dernier point à inscrire au tableau d’honneur de ce formidable chasseur : l’expert en avions de chasse Barrett Tillman a déterminé que cette version du Wildcat fut le chasseur qui put atteindre le meilleur score en termes de victoires/pertes dans l’histoire : 32,4 avions ennemis abattus pour chaque FM-2 perdu!

Remerciements au National Warplane Museum de Geneseo (www.nationalwarplane.org), au PAM (www.pacificaviationmuseum.org), à Greg Shelton et à Wikipédia.

Photos : Pierre Lapprand