Quand la compagnie anglaise Sopwith a dû être liquidée en 1920 pour des raisons financières, c’est son pilote d’essai attitré, Harry Hawker, qui en a racheté les actifs. Aujourd’hui, la renommée de la solidité des appareils créés par la Hawker Aircraft Ltd de Kingston-upon-Thames est tout à fait reconnue. Elle a principalement pour origine un modèle bien connu, conçu par son ingénieur, Sir Sydney Camm, en 1935 : le fameux Hurricane.
Oubliez les biplans, cockpits ouverts et trains d’atterrissage fixes! Le Hurricane est tout le contraire! Il fut à son époque le plus moderne des avions de chasse britanniques, fin 1935. C’était encore la période pour battre toutes sortes de records dans le domaine de l’aviation. À la mi-septembre 1935, le milliardaire Howard Hughes venait de battre celui de la vitesse avec son mystérieux H-1, atteignant près de 590 km/h. Mais son moteur avait lâché et il s’était crashé dans un champ de betteraves. D’ailleurs, on avait craint le pire… Mais il fut retrouvé tranquillement assis sur le fuselage de son appareil en train de prendre des notes! C’est le 6 novembre 1935 que le prototype K5083 du Hurricane fit son premier vol, avec le fameux pilote George Bullman aux commandes. Au cours des essais, l’avion vola à 194 milles à l’heure (315 km/h) à 16 200 pieds d’altitude. Ça lui prenait de 5 à 7 minutes seulement pour atteindre l’altitude de 15 000 pieds. Son altitude opérationnelle avait été établie à 34 500 pieds. Ce chasseur monoplan à cockpit fermé, à trains rentrants et muni de 8 mitrailleuses, très manœuvrable et dans sa version opérationnelle capable de voler à plus de 300 milles à l’heure (488 km/h), était donc révolutionnaire.
Solidité, légèreté, succès
Dans sa production en série dès 1939, parlons d’abord de ses ailes basses cantilever tout en métal et à revêtement travaillant, fixées sur un module central d’une conception tellement unique qu’il fut breveté. Ce module était fait d’une série de tubes rendus extrêmement solides par la mise en place de trois tubes enchâssés les uns dans les autres, rattachés ensemble à des structures avec des rivets et non par des soudures. Donc, pour le construire, nul besoin de soudeurs ni de main-d’œuvre qualifiée. Ensuite, son fuselage était fait de tubes d’acier de haute résistance, entrelacés de câbles d’acier joints mécaniquement par des plaques, des rondelles et des boulons, toujours sans soudures, puis se trouvaient des garnitures en bois recouvertes de toile dopée fixées le long de ces tubes. Sa queue de type monoplan cantilever avait une ossature tout en métal, recouverte de toile. Ainsi l’avion était d’extrême résistance et de légèreté à la fois. Il était muni dès le départ du moteur Rolls-Royce Merlin V-12 à refroidissement liquide, tout comme son partenaire le Spitfire qui prit son essor quatre mois plus tard. Le train d’atterrissage était à large voie, caractéristique rare à l’époque, ce qui lui donnait une grande maniabilité au sol. Hawker trouva son avion tellement réussi qu’il décida de commander les matériaux pour en construire mille avant même de recevoir une commande du gouvernement. Or, la RAF voulait posséder au plus vite un chasseur éventuellement capable d’intercepter les bombardiers allemands. Elle commanda donc 600 appareils le 3 juin 1936. Les premiers exemplaires assignés d’abord à l’escadron 111 de Northolt devinrent opérationnels en décembre 1937. Le 11 février 1938, le chef de cet escadron, le commandant J.W. Gillan, accomplit en seulement 48 minutes un vol d’une distance de 327 milles (526 km) de Turnhouse en Écosse à Northolt près de Londres, établissant ainsi une vitesse moyenne de 409 milles à l’heure (658 km/h). Cette nouvelle fit les manchettes en Grande-Bretagne, mais on ne parla pas des vents arrière qui soufflaient ce jour-là, ni de l’effet produit par cet exploit chez les Allemands! Plus de 14 500 Hurricane seront construits. Le dernier de la ligne, produit par la Hawker Aircraft Ltd, numéro de série PZ865, est aujourd’hui toujours en état de vol.
L’Aviation royale du Canada a de son côté voulu acquérir des Hurricane dès 1937, mais en raison de l’incertitude de la capacité de Hawker Aircraft Ltd de répondre aux besoins de la RAF en priorité, cette demande canadienne fut rejetée. Cependant, en mars 1939, un accord fut conclu avec la RAF afin d’obtenir des Hurricane fabriqués au Canada par la Canada Car and Foundry. Finalement, un exemplaire de Hurricane fut expédié au Canada avec environ 82 000 pièces nécessaires à sa fabrication. En l’espace d’une année, Elsie MacGill, première Canadienne ingénieure en électricité et première femme au monde à être ingénieure en aéronautique, mit en place une usine à Fort William en Ontario (aujourd’hui Thunder Bay) d’où sortit le premier Mark 1 qui fit son premier vol le 9 janvier 1940. Pendant un an, l’usine d’Elsie produisit presque un Hurricane par jour, totalisant finalement 1451 unités à la fin de la production. Un certain nombre de Hurricane Mark 1 britanniques ont également été expédiés au Canada en 1939 pour servir d’avions d’entraînement. Contrairement au Spitfire, le Hurricane n’évoluera pratiquement pas par la suite et il s’avérera exceptionnel dans son adaptation à toutes les tâches qui lui seront demandées : interception, chasseur-bombardier, reconnaissance navale, attaque au sol. Dans sa version navale, appelée le Sea-Hurricane, certains appareils étaient directement catapultés depuis des navires marchands. Les pilotes y revenaient à la nage quand ils ne trouvaient pas de terrains à terre à la fin de leurs missions.
Le Mark XIIA, en cours de restauration aux Ailes d’époque du Canada (AEC) à Gatineau
Cet exemplaire promis à une deuxième vie pourrait être le sujet d’un roman du type « histoire vécue » tant celle-ci est riche. Construit à Fort William en 1942, il était à l’origine un Mark IIB (12 mitrailleuses de calibre 303) converti en Mark XII (4 canons de 20 mm). Il a passé toute sa vie utile au Canada. En 1944, il fut en service à Yorkton, en Saskatchewan, pour la défense contre les ballons incendiaires japonais (voir mon article publié dans ce magazine en juillet 2012). Ensuite, il se retrouva à la base de l’ARC de Bagotville, au Québec. Le 20 août 1946, il fut remis aux biens de la Couronne pour disposition avec dans son log book 312 heures et 40 minutes de vol depuis sa mise en service. Vers 1948-49, il fut acheté 50 $ comme surplus de guerre dans son état original, sauf radio et mitrailleuses, par un agriculteur de la Saskatchewan et utilisé… comme structure de jeux pour ses enfants! En 1971, il est acquis par les producteurs de blé Harry et Anne Whereatt d’Assiniboia, Saskatchewan. Ce fut alors le début d’une restauration qui allait durer 40 ans, à l’aide de pièces récupérées de plusieurs épaves. Il sera finalement peint aux couleurs de l’escadron 402 de l’ARC. Le 15 mai 2000, Whereatt demanda un permis de vol à Transports Canada pour faire les essais en vol, plus un vol de convoyage. « Cet avion a subi une importante restauration sur une longue période de temps et je tiens à le mener à Saskatoon pour sa peinture finale et l’installation de l’équipement radio. » Le lendemain, un permis de vol lui fut accordé pour les « vols d’essai tant que nécessaire » et « le convoyage aller-retour de l’appareil d’Assiniboia à Saskatoon suivant l’itinéraire le plus direct et pratique ». Ce permis était « valable jusqu’à l’accomplissement des vols prévus ou le 31 août 2000, selon ce qui allait survenir en premier ». Le premier vol eut lieu le 6 juin 2000 (durée : 15 minutes). Le deuxième vol, le 27 juin (durée : 25 minutes). Mais lors de l’atterrissage, « une pale d’hélice s’est pliée lorsque l’avion est sorti en bout de piste et s’est planté dans la boue; arbre de l’hélice vérifié, dans les limites. » Nouveau temps de vol total de l’avion : 313 h 20 minutes. Le 10 août 2001, Transports Canada émit un autre permis de vol, libellé similairement à celui du 16 mai 2000, valide jusqu’au 15 octobre 2001. Le 16 août 2001, troisième et dernier vol accompli par le propriétaire Harry Whereatt (durée : 15 minutes). Temps de vol total de l’avion : 313 h 35 minutes. Acquis par les AEC en 2006, il a été démonté complètement et sera restauré comme un Mark XIIA (version canadienne avec 8 mitrailleuses Brown de calibre 303) aux couleurs de l’escadron 242 de la RAF du temps de la Bataille d’Angleterre, et sera dédié à l’officier pilote William “Willie” Lidstone McKnight d’Edmonton, Alberta, le premier as canadien de la Deuxième Guerre mondiale, DFC avec barrette, 17 victoires.
Implication du Hurricane lors de la Bataille d’Angleterre (10 juillet au 31 octobre 1940)
Il y eut d’abord la Bataille de France, du 10 mai au 22 juin 1940. Les pilotes des 12 escadrons de Hurricane ont connu le baptême du feu. La RAF contribua durement au combat avec la perte de ses meilleurs pilotes, en plus de 386 appareils. Le Fighter Command n’avait alors pas plus d’un mois pour se préparer à la bataille suivante, si décisive quant à l’avenir du pays : la Bataille d’Angleterre. Le Hurricane était le principal chasseur allié en opération lors de ce conflit. Quelques chiffres : en juillet 40, l’Angleterre avait environ 2600 avions de tous types dont 640 chasseurs opérationnels, 347 Hurricane, 199 Spitfire, 69 Blenheim et 25 Defiant. Le 8 août 1940, cinq jours avant l’Adlertag (Jour des Aigles) de Göring, marquant le véritable début du conflit, le Hurricane équipait 28 escadrons, versus 19 pour le Spitfire, puis 31 escadrons en septembre, incluant une unité de Canadiens, une de Tchèques et deux de Polonais. Pendant cette bataille, les Allemands auront perdu 2739 appareils. Les Hurricane y auront remporté 55 % des victoires.
Remerciements et sources
Remerciement spécial aux Ailes d’époque du Canada (AEC), situé à l’aéroport exécutif de Gatineau, qui invite le public à visiter son hangar pour y découvrir ses Hurricane Mark XIIA en restauration et son Mark IV en état de vol. Le thème adopté cette année par les AEC est la célébration du 75e anniversaire de la Bataille d’Angleterre. Visitez www.vintagewings.ca et sa page Facebook pour tout renseignement sur les activités prévues ou pour organiser une visite. Autres sources : Wikipédia, Hawker Hurricane par Mister Kit et J.P. de Cock (Éditions Atlas), brochure du Musée de Hendon (GB), Aircraft of the Battle of Britain par William Green (Jane’s Publishing Company).