Évolution musclée de l’emblématique Cub, ce monomoteur traverse lui aussi les décennies avec bonheur. Remplaçant désormais la Chronique Littér’Air, cette série dédiée aux rétrospectives est augmentée d’estimations non officielles, mais aussi de quelques statistiques.
William T. Piper – cordialement surnommé le « Henri Ford de l’aviation » – n’a aucune connaissance aéronautique lorsqu’il entre chez Taylor Brothers Aircraft Corporation, dans les années 1920. Volonté et passion combinées font rapidement de lui un expert en la matière. En 1930, il rachète les actifs de cette entreprise familiale. À la suite de cette réorganisation, la Taylor Aircraft Company, ainsi renommée, produit un biplace en tandem motorisé avec un Brownbach Tiger Kitten de 20 chevaux. C’est à cause de ce modeste moteur que l’aéronef est, du reste, baptisé Cub – petit d’un animal, en français. Ce modèle est donc l’ancêtre du fameux Piper Cub. Dès 1931, un nouveau motoriste – Continental Motors – propose son moteur A-40 de 37 chevaux. On l’essaye sur la cellule redessinée du prototype numéro 12. En juillet 1931, le Taylor E-2 Cub obtient sa certification de type. La production peut donc commencer. Le premier de la série (nº 13) reçoit l’immatriculation NC10784. C’est le Cub numéro 14 qui est initialement exporté au Canada : il y arrive en août 1931. L’administration lui attribue les lettres d’appel CF-ARA. À partir de 1932, le cockpit est caréné. Vers la même époque, l’avionneur recherche des alternatives pour la motorisation, car le Continental n’est pas assez fiable… On voit donc apparaître des séries F-2 (moteur Aeromarine de 40 chevaux) et H-2 (moteur Szekeley de 35 chevaux). La Taylor Aircraft expérimente même un moteur maison, mais sans grand succès. Finalement, on revient au Continental qui a, entre-temps, résolu le problème des pannes intempestives.
Une version boostée
Les premiers Cub ont un aspect plutôt austère. Alors, les arêtes font vite place à de jolies courbes. Le train d’atterrissage est élargi. Une version J-2 et enfin J-3 achèvent le développement général. Puis la guerre s’invitant dans le décor aéronautique, la cellule du petit avion se teinte de kaki. Devenu PA-11 en 1948, l’appareil se transforme, deux ans plus tard, en PA-18-95 lorsque les ingénieurs de l’entreprise – rebaptisée Piper Aircraft – lui greffent un Continental de 90 chevaux. S’ensuivent rapidement d’autres modifs comme : l’élargissement du fuselage, la pose d’ailerons, la correction du profil de l’aile et, bien sûr, l’expansion du moteur. C’est finalement en 1955 que le modèle semble achevé. Et jusqu’à la fin de sa production, soit en 1994, le look demeure le même. Construit à Vero Beach, mais aussi occasionnellement sous licence, le Super Cub franchit le temps comme nul autre aéronef de sa catégorie. Selon certaines estimations, près de 12 000 exemplaires ont été produits. Aujourd’hui, le coucou se décline encore en différentes versions – certifiées ou non. Cela sous l’égide de CubCrafters, un avionneur basé dans l’État de Washington (lire l’essai du Carbon Cub SS, paru dans le numéro de nov-déc 2014).
Révisions et consignes
Fiable, endurant et multifonctionnel, le Super Cub ne présente pas de vice structurel notable. Il faudra néanmoins surveiller la corrosion pouvant attaquer la cellule, notamment au niveau de la jonction entre le fuselage, les empennages et la roulette de queue. Surtout sur ceux ayant servi comme avion d’épandage agricole ! À cause de l’entoilage camouflant les tubes soudés, l’acier oxydé n’est pas toujours visible. D’où l’intérêt d’une inspection physique annuelle en bonne et due forme ! Pour des raisons de sécurité évidentes, il conviendra de rejeter toute signature de complaisance… Remarque s’appliquant d’ailleurs à tous les aéronefs, petits et gros. Autres composants à contrôler : les haubans métalliques. Leur base peut être piquée, voire percée, par la rouille. Dans ce cas, leur remplacement – individuel ou total – devient obligatoire. Coût : ± 500 $ US l’unité + installation et frais annexes. À nouveau, la compétence d’un mécanicien agréé paraît
indispensable. Celui-ci devra inspecter visuellement les quatre haubans tout en testant, à l’aide d’un poinçon spécial, l’intégrité de chaque centimètre carré du métal. Les attaches et les tirants filetés feront également partie de l’examen. Quant aux A. D’s ou consignes de navigabilité, elles doivent faire l’objet d’un rapport annuel, voire ponctuel. Pour qui a consciencieusement fait entretenir son Super Cub au fil des années, la liste ne demeure qu’une formalité. Pour les autres, cette dernière peut s’avérer fastidieuse et coûteuse. Gare alors aux transactions impulsives ! Une inspection préachat, réalisée par un mécanicien indépendant, est donc expressément recommandée. Tout comme sur n’importe quel autre aéronef, en fait.
Aujourd’hui, dans le monde et au Canada
Quel que soit l’endroit où l’on se trouve sur la planète, on croise presque toujours un Super Cub au détour d’un aérodrome. Au Canada, on recense 413 PA-18 (listés sur le site du ministère des Transports), dont quelque 66 au Québec. Sans surprise, leurs propriétaires se regroupent habituellement en associations ou clubs. C’est le cas à Saint-Mathias-sur-Richelieu (CSP5) où Jean-Guy Bernier et d’autres fanas du modèle alignent leurs machines sur l’herbe jouxtant les installations d’Aviation B. L. Sympa mais aussi pratique puisque l’entreprise de réparations et de maintenance aéronautique est également compétente sur cette série. Selon les estimations
les plus récentes, basées sur des petites annonces parues dans Controller ou encore Trade-a-Plane, les prix varient évidemment en fonction de l’année, les heures, l’équipement et l’état. Par exemple, j’ai trouvé un Super Cub de 1954, paraissant en bon état et accusant 3800 heures, livré avec un jeu de skis additionnels, annoncé à 50 000 $ US. Plus récents, mieux équipés et souvent restaurés, certains se détaillent de 80 à 100 k$. Dans l’ensemble, ils affichent peu d’heures sur l’horomètre (moyenne relevée : ± 1100 heures). Les inconditionnels de la marque et du modèle pourront également se tourner vers des appareils d’exception dont les prix peuvent grimper jusqu’à 150 000 $ US et même davantage. Sky has no limit. Et le Super Cub apparemment non plus !
Piper PA-18-150 Super Cub… en quelques chiffres
Envergure : 35 pi 3 po (10,76 m)
Longueur : 22 pi 6 po (6,86 m)
Masse à vide : 998 lb
Masse maximale : 1750 lb
Moteur : Lycoming O-320
Puissance : 150 ch @ 2700 tr/min
Hélice : bipale métallique Ø 74 po (1,88 m)
Vitesse de croisière @ 75 % puissance : 115 mph (100 kts – 185 km/h)
Vitesse de décrochage pleins volets : 43 mph (37 kias – 69 km/h)
Réservoir : 36 gal (136 l)
Distance franchissable @75 % puissance : 460 sm (400 nm – 740 km)
Plafond pratique : 19 000 pi (5791 m)