Photos : Richard Saint-George

Sorti en 1964, l’emblématique six-places est toujours en production. Toutes séries confondues, près de 10 000 exemplaires furent construits pour le marché civil mais aussi militaire. À présent, Cessna livre une trentaine de Turbo Stationair HD par an.

Cessna T206H, sur flotteurs Wipaire, en finale au lac à la Tortue.

Au Canada, on dénombre 323 Cessna 206 immatriculés. Certes, la totalité du parc n’est peut-être plus en état de navigabilité. Certains spécimens, cannibalisés, n’existent même plus dans le registre de Transports Canada. En comparaison, les C150 et C172 – avec chacun plus de 1000 exemplaires répertoriés – font figure de proue. À l’opposé, le C207 – 14 machines listées – s’apparente presque à un modèle de collection. Le Cessna 206 demeure une évolution musclée du Cessna 205. L’ajout d’une double porte cargo acheva de différencier les deux modèles. Initialement, Cessna le baptisa Super Skywagon ou U206 (U pour Utility). Puis, en 1970, l’avionneur du Kansas le nomma Stationair : une contraction de Station Wagon of the Air. Sa production s’interrompit en 1986 – année durant laquelle Cessna, pour des raisons de responsabilité civile (assurance), stoppa la production des monomoteurs à pistons. La reprise des activités, en 1998, marqua implicitement la renaissance du 206. Devenu désormais Turbo Stationair HD, celui-ci se détaillait, fin 2016 et compte tenu d’un taux de change peu avantageux, à près de 850 000 $ CA, hors taxes.

Motorisations, d’hier à aujourd’hui

Originellement, Cessna monta un Continental IO-520-A sur l’U206 de 1964. Ce moteur développait 285 chevaux.

Tableau de bord d’un Cessna T206H (année 2000).

L’appareil, dérivé du Cessna 205, disposait d’une porte côté pilote et de deux portes opposées à l’arrière. Une version turbocompressée était également au catalogue (TSIO-520-C). En 1967, un moteur plus puissant, soit 300 ch, équipa le TU206. Plus bruyant et tournant plus vite, ce TSIO-520-F pouvait être utilisé à pleine puissance pendant 5 minutes au décollage. À partir de 1977, l’avionneur monta le fameux Continental IO-520-F sur l’U206 – une version aspirée, détarée à 300 chevaux. À titre comparatif, les ultimes Cessna 185 sont tractés par un IO -520-D. Virant à 2850 tr/min au maximum et de même force, les deux moteurs se différencient essentiellement par la configuration de leur système d’injection et d’accessoires associés (position du boîtier d’admission et du filtre à air, par exemple). Le TU206, quant à lui, recevait un TSIO-520-M de 310 chevaux. Lorsque s’arrêta la production, en 1986, quelque 5200 Cessna 206 étaient sortis des chaînes de montage. Douze plus tard, le 206H Stationair ou « Sport Utility Vehicle of the Air » apparaissait. Deux versions, à nouveau, se juxtaposèrent : normale (300 ch) et turbo (310 ch). Leurs moteurs respectifs évoluèrent également. Désormais, appartenant au groupe Textron, Cessna opta pour les Lycoming IO-540-AC1A et TIO-540-AJ1A. Depuis, la motorisation ne fut plus réformée. Tout du moins, dans son concept original.

Les plus et les moins

Le Cessna 206, dans toutes ses formes, jouit d’une réputation enviable. Fiable, solide et de maintenance conventionnelle, il semble apprécié par les pilotes, les exploitants et les mécaniciens. Ces derniers émettent malgré tout diverses récriminations. Le remplacement des rails supportant les sièges arrière coûte excessivement cher : de 1 200 à 2 000 $ le jeu, main-d’œuvre non comprise ! Il faut reconnaître que le tarif des pièces détachées, griffées Cessna, a bondi ces derniers temps. La pose/dépose semestrielle des flotteurs requiert également plus de temps que sur d’autres modèles de la marque. Comptez de 6 à 8 heures d’ouvrage sur un 206 versus 4 heures sur un 185 ! Dans ce cas de figure, la configuration tricycle du six-places ne favorise pas le change over. La difficulté principale résidant autour de la colonne de roue de nez et de ses corollaires. Et puisque l’on parle d’hydravion, notons que la pose d’un kit Robertson STOL améliore significativement les performances, au décollage comme à l’amerrissage. Question sécurité, on préconisera l’aménagement d’une porte pax avant. Cette option, fort dispendieuse – mais ô combien salvatrice lors d’un capotage sur l’eau – est livrée posée avec un STC (Supplemental Type Certificate ou certificat STC), en exclusivité par Wipaire.

Le mécanicien Benoît Rondeau dépose la partie supérieure gauche du capot moteur d’un Cessna T206H.

Rappelons, en effet, que lorsque les volets du 206 sont braqués, même d’un cran, la porte cargo ne peut pas s’ouvrir. Difficile alors, voire impossible, de s’extraire du piège liquide pour des passagers assis à l’arrière de l’appareil. Un vice que l’on ne retrouve pas sur le Cessna 207 – la version allongée (8 places) du 206. Critiqué à juste titre pour sa sous-motorisation, le Cessna 206 – même turbo – est certainement limité. Sur flotteurs, avec le plein d’Avgas, ce n’est plus qu’un quatre-places. Idem sur roues en plein été et sur terrain court ! Pour pallier le problème, des mécanos et techniciens ont greffé de petites turbines en lieu et place des six-cylindres montés au fil des ans. En 2002, Guy Bernier, cofondateur d’aviation B.L., et l’ingénieur Pierre Duhamel s’y sont essayés. Ayant dans un premier temps envisagé la pose d’une Soloy, ceux-ci ont finalement opté pour une Allison 250-B17C. Résultat : 420 shp sous le capot ! Pour avoir testé cette machine, je peux affirmer que ça pulsait ! Dommage que l’ambition d’obtenir une certification ait périclité ! Plus au sud, au cœur du Missouri, Van Pray Jr., pilote d’essai et parachutiste professionnel, commercialise, en partenariat avec Turbine Conversions, un kit d’installation pour Pratt & Whitney PT6, série 20 (turbine neuve ou usagée en sus). Prix : 110 000 $ US. Les performances sont, semble-t-il, époustouflantes. Je veux le croire. Autre avantage, et non des moindres, l’ensemble est livré avec un STC.

Six-cylindres Lycoming TIO-540-AJ1A, développant 310 ch, monté sur Cessna T206H.

Un marché de l’occasion limité au Québec

En compulsant les petites annonces de L’Aviateur, encarté dans Magazine Aviation, je n’ai pas trouvé un seul Cessna 206 usagé. Et cela, dans les trois derniers numéros – soit sur une période de six mois. Généralement monté sur flotteurs réguliers ou amphibies au Québec, ce modèle appartient le plus souvent à de petites compagnies aériennes ou encore à des pourvoiries. Toutefois, certains particuliers apprécient sa polyvalence. Tout comme quelques écoles de parachutisme. Du côté de la Canadian Owners and Pilots Association, j’ai trouvé dans la rubrique Adds, un P206 de 1964 (C-GRAM), accusant 1751 heures, apparemment bien équipé, livré avec un jeu de roues et une paire de flotteurs. Prix demandé : 160 000 $. Pour ceux que cela pourrait intéresser, les coordonnées du vendeur québécois se trouvent en ligne, sur le site de la COPA. En Ontario, Leggat Aviation – représentant officiel de Cessna pour l’est du Canada – tient en consigne un T206H, année 2006. L’appareil, juché sur flotteurs Aerocet amphibies, cumule quelque 1000 heures de vol. Il est équipé d’écrans G1000 et d’une porte copilote (certainement une Wipaire). Prix sur demande ! En poussant mes investigations plus loin, j’ai relevé aux États-Unis de nombreuses annonces. Beaucoup plus, d’ailleurs, dans Controller que Trade-a-Plane !

Parmi les 206 les moins chers, voici deux Cessna U206 Super Skywagon. Le premier, année 1975, est listé 90 563 $ US. Le second, année 1969, série D, a une charge utile supérieure aux modèles récents. Avec ses 3867 heures déclarées et un équipement assez correct, son proprio en demande 78 135 $ US. À voir ! De toute évidence, on peut affirmer que le Cessna 206 – quels que soient le modèle et l’année – demeure une valeur sûre. À condition, bien entendu, que la machine ait été entretenue et révisée adéquatement. Attention aux appareils vendus aux USA ! Leurs annales sont parfois compliquées, voire impossibles à retracer. Contrairement aux avions immatriculés au Canada, les N registred n’ont pas de carnet de route. Leur historique de maintenance ne correspond donc pas toujours à la réalité… Dans ce sens, la collaboration (même virtuelle) d’un mécanicien canadien semblera fort utile. Une expertise préachat est grandement conseillée. En fait, cette recommandation s’applique aussi aux aéronefs négociés sur le marché national. On n’est jamais trop prudent.

C-FHOG, un Cessna 206 devenu Bernier G-BAIR 6-T, motorisé avec une Allison 250-B17C, en vol dans la région de Rougemont (Québec).

 

Devinette sur le Cessna 206

a)      Le Cessna 210 est à l’origine des modèles 205 et 206.

b)      Le P du modèle P206 est l’initiale de : Powered, Pressurized ou People ?

c)      Une version 206RG (train rentrant) a déjà été commercialisée par Cessna.

 

 

Réponses :   a) Vrai   b) People (version avec porte passagers)   c) Faux

 

Cessna 206 Turbo Stationair HD… en quelques chiffres

 

Envergure : 36 pi (10,97 m)

Longueur : 28 pi 3 po (8,61 m)

Places : 6

Masse à vide : 2336 lb (1060 kg)

Masse maximale au décollage : 3789 lb (1719 kg)

Moteur : Textron Lycoming TIO-540-AJ1A

Puissance : 310 ch

Hélice : tripale McCauley, à vitesse constante, Ø 79 po (2 m)

Facteurs de charge (volets relevés) : +3,8 g / -1,52 g

Vitesse maximale (Vne) : 182 kias (337 km/h)

Vitesse de croisière maximale : 161 kts (298 km/h)

Distance franchissable maximale : 703 nm (1302 km) 

Plafond pratique : 26 000 pi (7925 m)

Tarif (nov 2016) : 645 000 $ US hors taxes