GUIDE DE RÉFÉRENCE
Élégant, voire réformant en son temps, ce quadriplace a été construit à plus de 4600 exemplaires. Au Canada, on en dénombre encore 202 dûment immatriculés. Au Québec, sans être ultra-populaire, celui-ci jouit d’une réputation honorable.
Considéré par certains puristes comme un ample et luxueux Cessna 172, le 177 innove par certains points sur son prédécesseur. Commercialisé en 1968, soit douze ans plus tard, ce modèle possède une aile laminaire. Le profil est un NACA 2415/64A215 (versus un NACA 2412 pour le 172). Dépourvue de haubans, cette voilure mince et ancrée plus en arrière maximise la visibilité extérieure tout en optimisant la vitesse de croisière. Malgré tout, cet aéronef ne rivalise point avec les Mooney M20 et autres Beech Bonanza de son époque. Il joue plutôt en version à train rentrant dans la cour du Piper PA28-180 Arrow. Toujours au chapitre des nouveautés du moment, le Cessna 177 se voit greffer une gouverne de profondeur monobloc – celle-là même qui était initialement prévue sur le 172J, puis finalement abandonnée. Par contre, le plan fixe vertical et le gouvernail demeurent conventionnels. Cette queue hybride et surtout l’aile laminaire éliminent implicitement cet avion du marché des trainers. Côté confort, le 177 profite d’une cabine spacieuse, munie de 2 larges portes. Configurée pour 4 personnes – 2 sièges AV + 1 banquette AR – celle-ci peut accueillir un banc d’appoint pour enfants dans son compartiment à bagages. À l’avant, le tableau de bord – à instrumentation évidemment traditionnelle – masque un peu la vue, mais la forte inclinaison du pare-brise compense la vision périphérique (et favorise la pénétration dans l’air). Volants chers à Cessna, tirette de gaz, de pas d’hélice et de mélange standard, boîte à gants style années 1960/70/80 et plancher intégralement plat composent le reste de l’architecture intérieure. Sobre mais pratique – pour ne pas dire intemporelle – la cabine du 177 satisfait respectivement pilote et passagers. Au fil des années, le Cessna 177 se décline en Model A (moteur de 180 ch permettant de gagner une dizaine de nœuds [18 km/h] en croisière), Model B (aile plus laminaire et hélice à vitesse constante), Model RG (train rentrant [plus lourd que les atterrisseurs fixes] et moteur de 200 ch contrant l’augmentation significative de la masse à vide). Dans l’ensemble, les séries les plus cotées sont B et RG.
Moteurs de 150 à 200 chevaux
Les premiers Cessna 177 ne développent que 150 ch. À peine plus (5 ch) qu’un 172 de l’époque ! Dans ses versions subséquentes (177A et B), le modèle gagne 30 ch d’un coup grâce au Lycoming O-360-A1F6. Outre sa puissance accrue, ce moteur a l’avantage d’être équipé de masselottes d’équilibrage sur le vilebrequin (comme l’indique le 6 final). Cette configuration confère à la mécanique plus de souplesse et combat les vibrations. Endurant, ce quatre-cylindres se veut fiable et économique à entretenir. Sa maintenance demeure standard. Son TBO est de 2000 heures. Chez Aéro Atelier (CSL3), il faut compter au minimum 22 000 $ CA pour un overhaul. Sur la série RG (train rentrant), l’avionneur du Kansas monte un Lycoming à injection : IO-360-A1B6D. Boostée à 200 ch, cette variante est également équipée de contrepoids de balancement. Par contre, les puristes n’apprécient guère la double magnéto (D final pour dual). Couplée sur le même engrenage, celle-ci forme un bloc compact. Toutefois, sa crédibilité semble fondée. Comptez 10 000 $ CA de plus que sur la version atmosphérique pour la révision générale ! Question : peut-on alimenter un O-360-A1F6 avec de l’essence 80/87 ? Non ! Seulement avec de l’Avgas ou d’indice 100/130.
Bipale ou tripale ?
Chaque 177 – tout type confondu – tourne avec des hélices à 2 pales. Celles équipant les 177 et 177A sont à pas fixe. Par la suite, les séries B et RG sont gratifiées de bipales à vitesse constante. Par exemple, le Lycoming du 177B entraîne une McCauley B2D34C202 (aujourd’hui suffixe C211). Transports Canada fixe son TBO à 2000 heures ou 10 ans. Chez Aviation B.L. (CSP5), une révision complète revient à 3 200 $ CA. Et pour info, une hélice neuve coûte 9 200 $ US. D’autre part, on peut raisonnablement considérer l’option tripale : meilleures performances au décollage sans pour autant trop altérer la vitesse de croisière (le 177 n’étant, de toute façon, pas super véloce) et moins de décibels. Aussi, les héliciers McCauley et Hartzell proposent chacun un modèle de substitution. Prix (commun aux deux fabricants) : 12 300 $ US. Intéressant pour qui veut profiter de son avion longtemps. Moins pour qui cherche à le vendre illico, car il serait difficile, voire impossible, à rentabiliser.
Maintenance et précautions
Le Cessna 177 est considéré par les mécaniciens comme un avion bien conçu. Toutefois, avec les années, il conviendra de surveiller des points de corrosion – notamment au niveau du longeron porteur (Carry-Thru Spar) traversant le haut du cockpit (en arrière de l’équipage) et émergeant de chaque côté (raccordement de chaque demi-aile). Cette imposante pièce structurelle, en alliage aviation, est percée d’orifices. Ceux-ci, de diamètres conséquents, permettent d’alléger l’armature mais aussi de passer les gaines de ventilation. Avec le temps et surtout l’humidité, le matériau – formant l’enveloppe des flexibles – se désagrège, laissant à nu le ressort en acier. Ce dernier, en frottant sur l’aluminium, corrode le longeron. Des fissures peuvent alors se former, créant un grave affaiblissement. L’alerte, lancée par Cessna dans sa Service Letter SEL-57-07 vise tous les 177, 177A, 177B et 177RG et F177RG. Parallèlement, la FAA vient de publier un document analogue de 30 pages (Airworthiness Concern Sheet). Ces deux communiqués évoquent la gravité du problème; précisent la fréquence des contrôles; indiquent les tolérances à respecter; expliquent comment réparer et annihiler la corrosion; etc. Ce phénomène est accentué en milieu marin. Gare aux avions en provenance des provinces maritimes ou des côtes américaines ! Une inspection préachat est toujours recommandable. Après une visite conduite par un technicien d’entretien d’aéronefs (T.E.A.) doublée d’une éventuelle restauration – incluant le remplacement des gaines d’origine (type CAT) par de nouveaux flexibles (type SCAT) – tout appareil pourra retourner en service. Dans des cas extrêmes, on devra procéder au changement du longeron porteur, ce qui pourrait engendrer des coûts parfois supérieurs à la valeur même du monomoteur. Quelle que soit l’hypothèse, l’immobilisation immédiate – voire sa réforme – est requise. Sécurité oblige ! Pour info, ce contrôle s’applique également aux Cessna 210, T210 et P210 – notamment au niveau des semelles de longeron (voir Cessna Service Letter, référencée SEL-57-01). Finalement, devant le risque couru en vol, attendons-nous à voir sortir prochainement une consigne de navigabilité ! Par ailleurs, on notera aussi quelques avaries électriques au niveau du train d’atterrissage des premiers 177RG. Jusqu’à 8 relais et contacteurs commandent le déploiement et la rétraction des atterrisseurs d’ancienne génération. Ce système complexe et fragile a heureusement été simplifié sur les ultimes séries (similaire au Cessna 182).
Un passereau rouge, en métal
Contrairement aux idées reçues, tous les 177 ne sont pas référencés Cardinal. Cette option, sortie en 1978, s’applique au modèle 177B. Il s’agit d’une variante plus luxueuse (intérieur en cuir et tablette pax AR), un chouia plus rapide, un poil plus lourde et pouvant parcourir quelques miles additionnels. En Europe, le F177RG est également catalogué Cardinal.
Le juste prix
Si, en 1976, un Cessna 177B Cardinal neuf se détaillait 27 250 $ US, cela correspondrait aujourd’hui à 123 354 $ US (environ 163 000 $ CA) : le tiers du prix d’un Skyhawk 2019 neuf ! Dans la revue L’Aviateur (insérée dans Magazine Aviation), rubrique Petites annonces de mai/juin 2019, j’ai trouvé un 177RG (année 1971) à vendre. Son propriétaire, François Charbonneau, en demandait 70 000 $ CA ou proposait des parts à vendre (2 x 30 000 $ CA). Finalement, après l’avoir joint au téléphone, ce sympathique pilote m’a assuré préférer partager son avion plutôt que de le brader. Depuis, il a commandé un nouveau transpondeur Garmin GTX345 ainsi qu’un pilote automatique TruTrak (groupe Bendix King). Une plus-value sur un appareil (C-FZWP) qui affiche seulement 2400 heures. Avis aux intéressés ! Sur Controller et Trade-a-Plane, plusieurs exemplaires sont affichés virtuellement. Les prix varient en fonction du modèle, de l’année, du nombre d’heures totales, du potentiel moteur, de l’équipement, etc. Grosso modo, avec 55 000 billets verts, on commence à repérer des 177B acceptables. En rajoutant 10 à 20 K$ US, la palette englobe quelques 177RG. Enfin, pour les bricoleurs, j’ai déniché un 177 (1968) à retaper (projet). Prix : 7 500 $ US. Reste à voir dans quel état se trouve le coucou…
En terminant…
Outre les problèmes de corrosion présents et en devenir évoqués plus haut, le Cessna 177, tout comme ses évolutions, demeure un monomoteur, peut-être pas prisé mais certainement apprécié. Son look élancé, son accès à bord facile, ses honnêtes performances et sa maintenance abordable en font désormais un vintage aircraft utilisable au quotidien. Reste à souhaiter qu’un équipementier aéro commercialise bientôt un longeron porteur adaptable bon prix ! Enfin, il existe – essentiellement aux USA – quelques clubs et associations de propriétaires de 177, comme Cardinal Flyers Online. Rencontres, annonces, conseils, adresses et forums sont au menu. D’intéressantes informations technico-pratiques sont sur le babillard. À joindre, moyennant une cotisation annuelle de 34 $ US, en tapant : https://www.cardinalflyers.com/home/_home.php. À quand un chapitre au Québec ?
Photos : Pierre Harvey
Devinettes sur le Cessna 177 et plus
a) Quelle compagnie étrangère construisit, sous licence, le F177RG Cardinal ? b) Avant sa sortie, quel(s) autre(s) Cessna monomoteur(s) à pistons possédai(en)t déjà une aile dépourvue de haubans ? c) En pourcentage, combien de 177/Cardinal sont basés au Québec ?
|
Réponses : a) Reims Aviation (France) b) les modèles 190, 195 et 210 c) 10 % |
Cessna 177B/Cardinal… en quelques chiffres
Envergure : 35 pi 8 ¾ po (10,89 m) Longueur : 26 pi 11 ½ po (8,22 m) Hauteur : 9 pi 1 po (2,77 m) Places : 4 Masse à vide : 1 430 lb (649 kg) – Cardinal : 1 480 lb (671 kg) Masse maximale : 2 500 lb (1 134 kg) – Cardinal : idem Moteur : Lycoming O-360-A1F6 – Cardinal : IO-360-A1B6D Puissance : 180 ch – Cardinal : 200 ch TBO : 2 000 h Hélice : McCauley B2D34C202 Ø 76 po (1,93 m) Réservoirs : 2 / total : 50 gal (189 l) Vitesse à ne pas dépasser (Vne) : 185 mph (161 kias – 298 km/h) Vitesse de manœuvre : 117 mph (102 kias – 188 km/h) Vitesse de décrochage, pleins volets, sans puissance : 53 mph (46 kias – 85 km/h) Distance de décollage : 750 pi (229 m) Distance franchissable @ 75 % puissance, 8 000 pi (2 438 m), sans réserve : 587 nm (1 086 km) – Cardinal : 600 nm (1 110 km) Taux de montée @ niveau mer : 840 pi/min (4,27 m/sec) Plafond pratique : 14 600 pi (4 450 m) |