Jean Ouellet

Jean Ouellet (1929 – 2015)

Par Jean-Yves Parent, Bic

Jean est né dans le village du Bic en juin 1929 et moi en février 1930. Il habitait au-dessus du magasin général avec ses parents et ses deux sœurs, Odette et Estelle. Ma famille habitait la maison voisine où se trouvait la Banque Canadienne Nationale dont mon père était gérant. Le père de Jean, Wilfrid, était propriétaire d’un garage et de la concession GM : l’idéal pour développer une fascination pour la mécanique et les chevaux qu’on trouve sous un capot. On a appris à jouer au hockey, au baseball, au golf ensemble; plus tard, on a volé ensemble. Jean était, et est resté pendant plus de 80 ans, mon grand chum.

Jean a obtenu sa licence

Jean a obtenu sa licence de pilote à 18 ans. Il a fait son premier vol solo après seulement trois heures en duo avec Paul Lapointe, alors chef pilote de Rimouski Airlines. Malheureusement, sa licence fut suspendue pour un mois après seulement 55 heures de vol lorsque des agents de la GRC ont découvert que Jean, qui ne détenait qu’une licence de pilote privé, occupait le siège de copilote du DC-3 de Rimouski Airlines qui avait dangereusement frôlé le clocher de la cathédrale!

Mais pour Jean et sa famille – Wilfrid Ouellet était copropriétaire et président de Rimouski Airlines – l’année 1948 a surtout été marquée par le sort tragique des passagers d’un vol entre l’île d’Anticosti et Gaspé. Notons que les pilotes qui volaient alors vers Gaspé devaient bien sûr consulter les conditions atmosphériques, mais aussi les tables des marées puisque c’est sur les bancs de sable qu’ils devaient atterrir jusqu’en 1951, année de l’ouverture de la piste de Gaspé. La mère de Jean, Odette et Estelle allaient prendre ce vol lorsqu’elles ont réalisé que deux travailleurs qui voulaient aller passer la fin de semaine à Gaspé n’avaient pas de place à bord. Estelle et sa mère ont décidé d’offrir leurs places aux deux hommes. C’est ainsi qu’elles ont eu la vie sauve. Odette et les autres passagers n’ont pas eu la même chance.

Cet accident n’a pas ébranlé la passion de Jean pour l’aviation. Même en amour. Jean avait des ailes lorsqu’il a épousé l’amour de sa vie en 1955, la belle Josette Paradis qui revenait des États-Unis où elle avait été hôtesse de l’air…

Le premier avion de Jean était un Tiger Moth qui avait servi à l’entraînement des pilotes de la Royal Canadian Air Force. Nous avons beaucoup « expérimenté » avec cet avion. Au grand dam de certains, comme Maurice Ouellet, futur capitaine de Quebecair, pour qui nous avons troqué la notion de rase-mottes pour rase-antenne d’automobile. Remarquez, c’était une antenne de radio amateur, donc un peu plus longue. Nous avons aussi été les premiers, et les derniers, à atterrir un avion sur le minuscule quai du Bic – un moment haut en testostérone et adrénaline, certes, mais assez bas en bon sens.

Jacques Giguère et Jean Ouellet et Louis Giguère

À gauche, Jacques Giguère, Jean Ouellet aux commandes du Beaver et Jacques, fils de Louis Giguère

Après le Tiger Moth, il y a eu un Piper Clipper que nous avons acheté ensemble suivant l’exemple de nos pères qui avaient acheté un camp de pêche avec leurs amis. Puis Jean a eu un Citabria avec lequel il aimait faire des acrobaties qui rendaient parfois ses passagers verts, et finalement deux Cessna : un 180 et un 185. Lorsque sur flotteurs, Jean s’envolait pour de longues expéditions de chasse et pêche. De la baie d’Ungava jusqu’à la rivière George en passant par Fort Chimo, Jean a vu de très beaux coins de pays, de beaux orignaux et caribous, mais il n’a jamais trouvé le mystérieux lac Miracle.

Mon grand chum qui m’a donné la piqûre de l’aviation est parti. Jean a volé partout dans le Grand Nord et moi, avec mon Mooney Super 21, j’ai piloté de Rimouski à la Barbade en solo, 5500 milles nautiques aller-retour, 26 heures à l’aller et 19 au retour.

Jean Ouellet a eu une belle vie, une vie remplie. C’était un homme bon, un visionnaire. Il a monté une entreprise respectée de tous que son fils Wilfrid pilote aujourd’hui, il a couru les 24 Heures du Mans, est devenu maître sucrier de sa cabane à sucre, passé des nuits et des nuits à établir des contacts, VE2 FGO, à la radio amateur, son Facebook avant l’heure.

Mon grand chum est parti. Sans inquiétude et sans peur, comme au décollage des centaines de vols inscrits dans son log book. Roger, mon Jean.