Une heure avant son départ, James range ses affaires personnelles dans son Magni.

James Ketchell est un aventurier britannique de 37 ans qui aime enchaîner les défis hors normes. Après avoir grimpé l’Himalaya, traversé l’Atlantique à la rame et fait un tour du monde à vélo, il s’est lancé le défi de faire le premier tour du monde continu en autogire. Il est parti d’Angleterre le 31 mars dernier et a survolé la France, l’Allemagne, la Pologne, la Lituanie, l’Estonie, la Russie, le détroit de Béring, l’Alaska, le Canada et les États-Unis. Son autogire Magni M16 à cockpit ouvert s’est posé dans chaque État américain à l’exception d’Hawaii!

Après 350 heures de vol, James était de passage à Québec les 22, 23 et 24 août dernier. Il s’est arrêté chez Gyro Aventure, à Neuville, pour se reposer avant le grand retour en Angleterre via l’Atlantique Nord. Je l’ai rencontré le jour où il décollait pour Sept-Îles. Très gentil, James a répondu à mes questions. Voici une traduction « à la bonne franquette » de notre petite entrevue.

De gauche à droite : Denis Anctil, cofondateur de Gyro Aventure, Bruno Anctil, chef instructeur, James Ketchell et Jacques Pelletier, cofondateur de Gyro Aventure.

Pourquoi avoir choisi un gyrocoptère pour faire le tour du monde?

Personne n’a officiellement volé avec un gyrocoptère autour de la Terre. C’est le dernier type d’appareil qui n’a jamais vraiment complété un tour du monde en continu jusqu’à aujourd’hui.

Selon toi, quels avantages possède le gyrocoptère en comparaison avec les autres types d’appareils?
Le gyrocoptère possède beaucoup d’avantages en comparaison avec les autres types d’appareils. Il est beaucoup plus stable, il est plus manœuvrable, il pardonne plus et nous pouvons faire plus avec l’appareil. J’ai déjà dû faire un atterrissage d’urgence sur une route et cela aurait été beaucoup plus difficile avec un avion à ailes fixes. J’aime beaucoup l’idée que le rotor soit constamment en autorotation. C’est un peu comme si on avait un parachute ouvert au-dessus de notre tête à tout moment. Aussi, sur des appareils à ailes fixes, nous allons ressentir les turbulences plus fortement tandis qu’avec le gyro nous allons couper la turbulence. Plusieurs personnes ne connaissent pas ses propriétés. C’est pourquoi, pour ce voyage, je veux démontrer que le gyro est une machine que l’on peut considérer sérieusement. C’est une machine très stable, sécuritaire et performante.

En vol de formation, James est accompagné par deux autres gyros pour un tour de ville.

Quels sont les trois conseils que tu donnerais à un pilote qui souhaiterait faire le même genre d’aventure que toi?

Mes conseils seraient de s’informer, de parler à des pilotes d’expérience qui ont fait le tour du monde ou qui ont fait de grandes distances dans différents pays. Il faut avoir une très bonne compréhension de la météo. C’est critique. Tu dois comprendre le fonctionnement de la météo. Sincèrement, voler la machine est vraiment facile, mais le plus difficile c’est tout ce qui est autour de cela. Mon conseil principal est de trouver les bonnes personnes qui peuvent te conseiller adéquatement. Ce que j’ai constaté, c’est qu’il y a des pilotes très expérimentés au top de la pyramide qui sont très favorables à l’idée de partager leur savoir. Mais il faut faire attention aux pilotes qui sont intermédiaires et qui ont une certaine expérience. En effet, il n’est pas rare de trouver des pilotes qui pensent en savoir plus qu’ils en connaissent réellement.
Aussi, il faut pratiquer et pratiquer encore. On peut commencer par un vol dans un autre pays pour dépasser sa zone de confort.

En vol de formation, James est accompagné par deux autres gyros pour un tour de ville.

Est-ce que tu as rencontré des administrations de pays qui n’étaient pas familiers avec le gyro et pour lesquels tu as eu des problèmes pour recevoir les autorisations de voler?

Non, non, tous les pays étaient familiers avec le gyro. Même en Russie où il y a moins de gyros, ça s’est bien passé. Il y avait des gens qui n’avaient jamais vu un gyro, mais ils connaissaient le concept.

Cabine ouverte ou cabine fermée. Si demain tu refaisais l’aventure, que choisirais-tu et pourquoi?

Je réutiliserais le même type d’appareil. Le M16 de Magni est probablement le gyro le plus stable sur le marché. C’est l’appareil parfait. Aussi, la plus grande partie de ce voyage a été faite à des températures clémentes. Ce n’était pas un problème.

Je remarque un réservoir d’essence supplémentaire à la place du passager. Quelles autres modifications as-tu faites à ta machine?

L’appareil est 100 % standard. La seule modification qui a été faite est l’ajout de ce réservoir supplémentaire sur le siège arrière (l’autonomie dépasse les 8 heures de vol avec le réservoir supplémentaire). Un pilote peut acheter cette machine demain matin du fabricant et partir faire le tour du monde.

Accompagné par Gyro Aventure, James passe devant les chutes Montmorency.

À quelle fréquence mettais-tu du 100LL versus de l’essence pour voitures? Est-ce que tu as eu des difficultés à te ravitailler?

J’essaye de mettre de l’essence pour voitures à la place du 100LL. Mais, dans les faits, 90 % du temps, j’utilise du 100LL car il n’y a pas d’autres alternatives. Il n’y a aucun problème à cela. Le moteur ne va pas s’arrêter. Il est conçu pour ça.

Que contiennent tes bagages? Avais-tu assez d’espace pour emporter que tu voulais?

J’ai quelques effets personnels, mon ordinateur portable, ma caméra… Je n’ai pas de superflu.

As-tu rencontré une communauté de pilotes de gyro dans tous les pays où tu as volé? Comment qualifierais-tu cette communauté?

Vraiment, vraiment bien! Aux É.-U., j’ai rencontré beaucoup de pilotes de gyrocoptère. Mais ici, c’est la première communauté de pilotes de gyrocoptère que je rencontre au Canada. Comme aux É.-U., cette communauté est très généreuse et gentille en m’assistant. Je vais être pleinement reconnaissant envers ces personnes pour le reste de ma vie.

Très bientôt, tu vas te retrouver dans les immenses étendues du nord du Canada et commencer la traversée de l’Atlantique. Quelles sont les préparations particulières que tu as faites et comment te sens-tu face à cette grosse dernière étape?

Je me sens très excité pour cette dernière étape. J’ai pensé à tous les aspects sécuritaires possibles. J’ai un tracker GPS qui me permet d’envoyer des messages textes, un téléphone satellite et un canot de survie. En Angleterre, il y a des gens qui me suivent en temps réel chaque fois que je suis en vol. Mon équipe prépare le vol en me transmettant l’information sur la météo que je valide aussi de mon côté. Peut-être que je vais être nerveux quand je vais être rendu au bord de l’Atlantique, mais je ne peux pas être mieux préparé que maintenant. J’ai traversé la Russie et j’ai déjà vécu ce genre de situation avant dans ma vie. Si je ne peux pas relever le défi maintenant avec toute la préparation que j’ai eue, alors je ne pourrai jamais le faire.

James quitte la formation de Gyro Aventure pour continuer seul en longeant la rive nord de l’île d’Orléans.

Au moment où nous écrivons ces lignes, James est à Iqaluit, la capitale du Nunavut. Il attend une fenêtre météo pour traverser en direction du Groenland. Il a pu compléter le vol vers Nunavut en quatre étapes consécutives depuis Neuville. La première était vers Sept-Îles en suivant la rive nord du Saint-Laurent; la deuxième vers Schefferville en suivant la voie ferrée; la troisième vers Kuujjuaq; et la dernière vers Nunavut. Bientôt, il sera de retour en Angleterre et partagera son aventure à travers de multiples conférences déjà planifiées.

Pour découvrir de beaux paysages et suivre les aventures de James :

http://jamesketchell.net/ ou https://www.youtube.com/user/JKpushinglimits/videos ou ses autres réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et Instagram.

Texte et photos : Franc Hauselman

Merci à Gyro Aventure de m’avoir offert un vol pour accompagner James à son départ de Québec.