Coup de cœur du magazine Aviation

Transporter du fret à bord d’un avion-cargo électrique entièrement autonome devrait être possible d’ici peu. Une équipe canadienne travaille à plein temps sur ce projet d’envergure. Rencontre avec cette nouvelle génération d’avionneurs…

SolarShip

Un « camion du ciel » !

Imaginée en 1983 à cause de difficultés de transport en Afrique, cette visée prit forme en 2008. Un premier design, conçu par des étudiants, mena à la réalisation d’un drone. Celui-ci vola une année plus tard. Ce début prometteur boosta les ambitions de l’équipe en mouvance. Dès 2011, un prototype d’avion grandeur nature prit les airs : un simple monoplace. En collaboration avec Zenair Ltd, avionneur basé à Midland (Ontario), Solar Ship Inc., entreprise implantée sur l’aéroport de Brantford (Ontario), fit rapidement évoluer l’engin. Parallèlement, le développement de hangars autonomes occupa l’équipe d’ingénieurs à demeure. Sur place, lors de ma visite ce printemps, j’ai pu découvrir l’une des concrétisations de cette idée originale. Quelque peu en marge des autres édifices, un immense hangar de 40 000 pi2, soit 3716 m2, trône in situ. Construit en toile tendue par des câbles, ce géant génère lui-même son énergie électrique grâce aux cellules photovoltaïques implantées sur le toit. Les 52 kilowatts produits sont stockés via divers modules et batteries. Supplantant de nombreux projets pancanadiens, le hangar 140 fut primé par la fameuse CanSIA en mai dernier. Cette récompense confirma le bien-fondé de l’opération.

Concept intelligent et solution alternative

Le principe fondamental de Solar Ship Inc. est de mettre en œuvre, à court et moyen terme, une gamme d’aéronefs électriques capables de rallier des lieux situés dans des régions inhospitalières ou, tout au moins, difficiles d’accès par des moyens de transport conventionnel. Là où un avion-cargo ne peut opérer, où le ravitaillement pour les aéronefs de brousse fait défaut et où les routes brillent par leur absence, les Solar Ship pourront accéder. Comment ? D’abord, grâce à leur potentialité de décollage et d’atterrissage courts, voire très courts – cela rendu possible par leurs ailes gonflables à grande portance et au super couple moteur. De plus, leur cellule modulable permettra le raccordement d’un container standard de 20 pi (6 m). Enfin, leur motorisation électrique s’affranchira de toute source d’énergie fossile. Et c’est là qu’interviendront les hangars autonomes. Ceux-ci, stratégiquement disséminés sur un vaste territoire, serviront d’escales techniques et commerciales. À la manière des relais de diligences d’autrefois. Apparaîtra donc, très bientôt, un réseau de bases espacées entre elles de quelque 200 kilomètres. Une sorte de toile d’araignée à l’échelle aéronautique. Une formule qui désenclavera définitivement des populations éloignées de la civilisation.

SolarShip

La gamme Solar Ship, en devenir

Du très concret

Aujourd’hui, près de 50 employés – ingénieurs, techniciens, électroniciens, etc. – travaillent pour le compte de Solar Ship Inc. Cette société canadienne est dirigée par son fondateur, Jay Godsall – un geek ayant déjà brillamment lancé une compagnie de haute technologie. Dans un second hangar aux dimensions plus modestes que le 140, je découvre un bâti supportant un puissant moteur électrique. L’ensemble, bardé de câbles, de sondes et autres durites, est relié à un panneau de contrôle. Sur place, Sébastien Fournier – Chief Innovation Officer – m’explique que ce n’est pas tant la capacité des batteries ou la force motrice, actuelles et en devenir, mais bien l’interface entre les deux qui représente un casse-tête. Une équation dont les variables se nomment : échauffement des accus, couple du ou des moteurs et démultiplication éventuelle. Sans tabler sur quelques subites inconnues ! Heureusement, l’équipe est confiante, comme me le confie Michel Rugema. Directeur des opérations pour le continent africain et ami de longue date de M. Godsall, celui-ci tient un discours à la fois enthousiaste et pondéré. Selon lui, la recherche et le développement vont bon train, mais rien ne sert de se précipiter. Normalement, les vols d’essais d’un nouveau prototype – plus grand et plus performant que les précédents – débuteront cet automne. Financée par des fonds essentiellement privés, l’entreprise Solar Ship Inc. profite malgré tout d’un incitatif locatif municipal et d’une maigre bourse fédérale. Bien peu, en fait, pour un projet visant à améliorer le transport aérien tout en réduisant presque à zéro l’empreinte carbone. Souhaitons alors longue vie à cette start-up canadienne et n’hésitons pas à l’encourager par tous les moyens !

Photos de Richard Saint-George et collection Solar Ship Inc.