(suite et fin)
Un autre de ces fiers destriers de la brousse est sans contredit le Fairchild FC-2W2 (aussi appelé FC-1). Sherman Fairchild fonda la Fairchild Camera and Instrument au début des années 1920, car il s’était passionné pour la photo. Cette société fournit encore de nos jours des caméras pour les avions de reconnaissance. Comme il chercha aussi à promouvoir l’utilisation de la photographie aérienne, il commença à s’intéresser à l’aviation.
Ne trouvant aucun avion capable de fournir suffisamment de confort aux pilotes effectuant des prises de vues aériennes à haute altitude, il décida de créer son propre avion et, par le fait même, sa propre compagnie.
Fairchild FC-2W-2
Le Fairchild FC-1 et ses dérivés (FC-2W-2 et autres) étaient une famille de monoplans à moteur unique, à aile haute, construits aux États-Unis dans les années 1920 et 1930 par la Fairchild Aircraft Ltd et au Canada entre 1920 et 1950 par la compagnie canadienne du même nom située à Longueuil (Québec). L’avion a été conçu à l’origine pour fournir une plateforme de caméras pour la photographie aérienne Il comportait également une cabine fermée et chauffée avec une grande fenestration permettant une vue vers le bas améliorée.
La version du FC-2W-2 (plus tard désigné FC-71) était capable d’embarquer sept passagers. Comme les versions précédentes, le fuselage du FC-71 était constitué d’une ossature en tubes d’acier pour le fuselage et de bois pour les ailes allongées, le tout entoilé. Un moteur en étoile Pratt & Whitney Wasp de 9 cylindres et d’une puissance de 420 ch assurait la motorisation de l’appareil. Il a volé pour la première fois le 31 octobre 1934. Après l’achèvement des essais de navigabilité, l’aéronef a été prêté à Canadian Airways qui a mené des essais opérationnels au Québec et en Ontario avant que l’avion ne se soit écrasé après avoir heurté une bûche submergée. Il a coulé à Sioux Lookout (Ontario), le 3 octobre 1940. Le FC-71 a eu une histoire en dents de scie, car il avait mal performé dans son rôle de prises de vue aériennes. La liste des problèmes comprenait aussi des problèmes structurels avec les flotteurs, la surchauffe du moteur, une manipulation défavorable sur l’eau comme sur le sol et des problèmes avec les freins. On trouva les solutions et on mit en chantier le super FC- 71.
Le nouveau Fairchild était équipé d’ailes repliables pour faciliter l’entreposage. Ainsi, dans le Grand-Nord, l’avion pouvait être abrité sous une toile et protégé par une clôture à neige. Le FC-71 avait un design nouveau. Il a été le premier avion de brousse civil « spécialement conçu » pour être utilisé dans des régions éloignées et nordiques au Canada.
Fait à signaler, en 1928, deux FC-2W-2 canadiens, pilotés par des pilotes canadiens de brousse, soit Duke Schiller et Roméo Vachon (pilote en chef de la Compagnie Transcontinentale Canadienne des Transports), ont été les premiers avions à porter secours à l’équipage du Junker W-33 Bremen (sujet d’une autre chronique) qui avait effectué un atterrissage d’urgence à l’île Greenly, à l’entrée du détroit de Belle-Isle, qui sert de frontière naturelle entre le Québec et Terre-Neuve au Labrador. Aussi, Richard E. Byrd utilisa un FC-2W-2 pour photographier et cartographier l’Antarctique en 1929.
Le succès immédiat des FC-2 et FC-2W-2 chez son voisin du Nord incita Fairchild à créer l’entité canadienne, soit la Fairchild Aircraft Ltd, et à construire une usine à Longueuil au Québec. Le Fairchild FC-71C (C pour Canada) fut le premier appareil mis en production à Longueuil pour répondre notamment à une commande de l’ARC. Autre fait inusité, un certain nombre de FC-71C de l’ARC rejoindront une flotte d’hydravions Canadian Vickers Vedette sur la côte Atlantique afin de lutter contre la contrebande d’alcool à destination des États-Unis durant la prohibition.
La venue des avions Fairchild coïncida aussi parfaitement avec une vaste campagne de relevés aériens, effectués par l’armée de l’air canadienne, entreprise après la Première Guerre mondiale. De vastes régions du Canada, particulièrement dans le Nord québécois, furent systématiquement photographiées grâce aux caméras et avions développés par Fairchild. Les derniers appareils FC-71C quittèrent l’ARC en 1946.
La majorité des appareils FC-71C furent toutefois acquis par des opérateurs privés d’avions de brousse au Canada et en Alaska pour assurer des services aéropostaux ainsi que le transport de passagers et de fret. De taille supérieure au FC-71, le FC-82 conçu spécifiquement par Fairchild Canada deviendra également un autre avion de brousse fort apprécié.
Malgré la popularité de ces avions de brousse, leur assemblage cessa net en 1939 pour faire place à la production prioritaire du Bristol Bolingbroke afin de répondre à une commande de l’ARC qui avait un urgent besoin d’avions de patrouille pour défendre les côtes du Canada qui venait d’entrer en guerre. La majeure partie de la production du modèle FC-71C a fini entre les mains des opérateurs d’avions de brousse au Canada et aux États-Unis. Les opérateurs civils ont également trouvé dans cet avion un transport utilitaire robuste, fiable et très utile.
Quelques appareils FC-71-C en état de vol existent encore aujourd’hui aux mains de collectionneurs privés. On peut également en admirer un exemplaire au Western Canada Aviation Museum à Winnipeg au Manitoba.
Je profite de l’occasion pour vous souhaiter à tous une prospère et très bonne année 2019!