C’est avec plaisir que le magazine Aviation présente à ses lecteurs un reportage très attendu sur le CL-84 Dynavert de Canadair. Grâce au support du Conseil de recherches pour la défense du Canada, cet aéronef fut muni de moteurs basculants pour la version décollage, atterrissage court et vol vertical.

 

Sortie de l’usine du CL-84. Photo : Bombardier inc.

Au début des années 1950, avec un engouement spécial dans le monde de l’aviation pour des avions aux décollages et atterrissages verticaux, Canadair s’y intéresse également. En 1954, M. Ken Ebel embauche M. Fred Philips comme chef de l’aérodynamique. Diplômé de l’Université de New York et du Massachusetts Institute of Technology, il passe quatre ans chez Canadair à travailler en compagnie de M. Karl Irbis. Ce dernier, un ingénieur letton de renom, oeuvrait déjà sur des travaux orientés vers les avions à décollages et atterrissages verticaux ou courts. D’ailleurs, M. Irbis mettra plus tard au point un montage d’essais avec un simulateur de vols commandés par ordinateur. En 1956, M. John Orr, du Conseil de recherches pour la défense du Canada, demande à Canadair de poursuivre ses recherches. Entre 1957 et 1963, Canadair complète ainsi plusieurs analyses de conceptions et d’essais variés vers une technologie des voilures basculantes. Entre 1964 et 1972, plusieurs prototypes seront alors à l’essai avec des modèles motorisés en soufflerie et sur des montages mobiles en plein air. Le coût sera de 10 millions de dollars, montant qui sera partagé entre Canadair et le ministère de la Défense. M. Fred Philips est alors nommé chef du programme et M. Gerry Barabé devient responsable de l’équipe de direction.

Le Canadair CL-84 Dynavert

Le 9 décembre 1964, un bimoteur expérimental CL-84 sort de l’usine de Canadair. C’est un avion qui peut voler comme un hélicoptère, se stabiliser en vol avec sa voilure basculante et peut donc atterrir à la verticale. Le pilote peut utiliser un interrupteur pour placer les ailes et les moteurs de l’avion et mettre le tout soit en mode de vol horizontal ou vertical. Il peut atterrir ou décoller sur de courtes distances et voler avec des virages serrés. La ligne d’arbres, très complexe, relie les moteurs en cas de panne pour que l’un des moteurs assure correctement la propulsion. Les moteurs et les circuits d’huile se comportent normalement dans les deux positions. La principale caractéristique du CL-84 Dynavert est donc sa voilure qui peut basculer sur 90 degrés et effectuer des décollages et des atterrissages sans problème.

Essai de largage au large de Norfolk, au-dessus du pont d’envol de l’USS Guam. Photo : Bombardier inc.

Puisqu’il est équipé de deux moteurs actionnant des hélices de grand diamètre, le décollage vertical se fait avec l’aile basculée. La transition au vol normal s’effectue en ramenant lentement l’aile en position horizontale. Pour réaliser un parfait atterrissage vertical, on inverse alors le processus. En mode vertical, ce sont les ailerons qui modifient l’angle de pale des hélices. La déflexion des ailerons permet ainsi le changement en vol vertical lorsque la gouverne de profondeur le demande, soit pour grimper ou entamer un piqué avec la voilure verticale. On peut ainsi varier la poussée du rotor de queue. À l’intérieur du cockpit, le pilote trouve un manche à balai standard, une gouverne de direction et une seule manette des gaz qui commande à la fois la puissance des deux moteurs, mais aussi l’angle de pale des hélices, que ce soit en mode vol vertical ou horizontal.

Avec une envergure 10,3 m (33 pi, 4 po), le CL-84 Dynavert a une longueur de 14,4 m (47 pi, 3 po) et une hauteur de 4,9 m (16 pi, 1 po). Son poids à vide est de 3980 kg (8775 lb), mais sa masse maximale en décollage conventionnel est de 6577 kg (14 500 lb) et en mode vertical, elle est de 5715 kg (12 600 lb). Sa vitesse de croisière est de 482 km\h (260 kn) et sa vitesse maximale peut atteindre 519 km/h (280 kn). Il est équipé de deux moteurs turbopropulseurs Lycoming T-53 Model LTC 1K-4C de 1 500 CH chacun.

La fin d’une belle histoire

Le 7 mai 1965, avec un CL-84 Dynavert, le pilote Bill Longhurst exécute un premier vol en mode vertical et peut facilement se stabiliser. Le 6 décembre 1965, le même pilote accomplit le premier vol stationnaire conventionnel. Il le répète en mode horizontal le 16 janvier 1966. En 1972, au Centre d’essais de l’US Navy, à Patuxent River, au Maryland, on poursuit le programme pendant huit mois. Le 5 avril 1973, un CL-84 réussit pour la première fois une transition de vol stationnaire vers le vol aux instruments par des essais de vols sur les porte-hélicoptères USS Guam et USS Guadalcanal.

Cartierville. Deux CL-84 avec voilures basculées, en vol à basse vitesse et stationnaire. Photo : Bombardier inc.

Il n’y eut cependant que quatre exemplaires du CL-84 Dynavert. Il faut dire que, pour l’époque, la technologie n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. En raison de bris mécaniques, deux des quatre CL-84 se sont écrasés, mais sans toutefois faire de victime. Après la guerre du Vietnam, le CL-84 semble ne plus intéresser quiconque. Canadair essaie tant bien que mal de le vendre en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Scandinavie et au Royaume-Uni, mais ce sera sans grand succès. En 1974, sans commandes fixes notables, le programme du CL-84 est finalement abandonné. Mais ce n’est pas fini pour autant ! Pour les nostalgiques du CL-84 Dynavert, il y a encore deux survivants. Le CX8402, qui a été assemblé et restauré en 1993 et 1994, est exposé au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa. Quant au CX8403, jamais restauré, il se trouve au Royal Aviation Museum of Western Canada, à Winnipeg.

 

 

 

Pour leur aimable courtoisie, les renseignements pertinents au reportage et les photographies du CL-84, le magazine Aviation remercie Mme Lyne Godin et Mme Irina Mitcul de Bombardier inc.

Photos : Bombardier inc. et Martin Cormier