Le magazine Aviation est heureux de vous offrir un bref pan de l’histoire du Ch-124 Sea King et une interview réalisée avec l’un des membres d’équipage. En service depuis 1963 avec la Marine royale canadienne, ce noble hélicoptère est indispensable au cours d’opérations maritimes et de sauvetages.
Le CH-124 Sea King fut impliqué dans la guerre du Viêt-Nam, la guerre des Malouines et au Moyen-Orient. Il a participé à la récupération d’astronautes des missions Mercury, Atlas 7 et Apollo. Encore utilisé comme hélicoptère présidentiel américain, son histoire commence durant la guerre froide. En 1957, Sikorsky construit un hélicoptère amphibie pour remplacer le HSS-1 ou le S-58. Le 11 mars 1959, avec deux moteurs, le HSS-2 fait son vol inaugural. En juin 1961, premier hélicoptère à posséder le système de pliage d’hélices du rotor principal, il entre en service avec l’US Navy avec des normes de quatre heures de vol et d’un transport d’armes de 840 lb. En 1962, il devient le SH-3A Sea King pour des missions de recherche et sauvetage, le transport ou la chasse anti-sous-marine. Dans les années 1990, il sera remplacé par le SH-60 Sea Hawk (version civile de H-60 Sikorsky) et vole à 168 mph (270 km/h). Le 27 janvier 2006, à la base de Norfolk, l’US Navy le retire officiellement.
Version canadienne
Le 20 décembre 1961, le gouvernement canadien achète 41 CHSS-2 Sea King de Sikorsky, Connecticut, É.-U. Ils seront assemblés par United Aircraft of Canada à Longueuil. C’est une version différente de l’US Navy par l’avionique et le renforcement du train principal de son système automatique de pliage de queue, incluant des sacs de flottaison, des déflecteurs FOD (Foreign Object Damage). Il peut transporter deux torpilles anti-sous-marines MK44 et MK 44 (r1) et des grenades sous-marines. La Marine royale canadienne développe un système de treuil Helicopter Hauld and Rapid Securing Device (HHRSD) ou BEARTRAP afin de permettre l’atterrissage de gros hélicoptères sur de petits ponts de navires. Le 27 novembre 1963, le Sea King canadien fait son premier atterrissage sur le destroyer NCSM Assiniboine.
Les Sea King seront aussi assignés au porte-avions HMC Bonaventure et présentement le sont aux navires de classe Iroquois qui peuvent recevoir deux appareils, de classe frégate Halifax qui peuvent recevoir un appareil et jusqu’à tout récemment aux ravitailleurs de classe Protecteur qui peuvent recevoir trois appareils. En 1968, avec les Forces armées canadiennes réunifiées, il est nommé HSS-2 et devient le CH-124 Sea King. En 1969, 41 Sea King seront livrés aux escadrons HS-50 et HU-21. En 1972, le Skip Sea King Improvement Program demande à United Aircraft of Canada de lui donner un nouveau radar de surveillance Litton APS-503 ainsi qu’un sonar Bendix AN/ASQ 502, (AN/AQS-13B) avec des bouées acoustiques améliorées. Et le Sea King devient le CH-124 U, modifié pour le transport de passagers ou de matériel. En 1973, l’un des quatre hélicoptères s’écrase. Les trois autres deviennent des CH-124 A. Dans années 1980, six Sea King seront convertis en CH-124 B, modifiés pour la guerre anti-sous-marine (ASW). De 1991 à 1992, six Sea King, transformés en CH-124 B-2, utilisent des bouées acoustiques de types passives ainsi qu’un système de détection d’anomalies magnétiques (MAD) avec un traitement de données pour détecter et localiser les sous-marins et la détection de navires de surface utilisant le système TAS (Towered Array Sonar). En 2006, l’acoustique passive est retirée de cinq hélicoptères pour le support de type Standing Contingence Task Force (SCTF). On y ajoute des sièges et une mise à jour est faite pour la réception de fréquences de radios portatives ayant pour but de déployer une force spéciale par voie maritime partout dans le monde en moins de 10 jours.
À ce jour, un seul hélicoptère a été modifié en CH-124 C, à la base de Shearwater pour des tests et évaluations. Il a été rétro-configuré en CH-124 A. Le Sea King est aussi utilisé pour des recherches et sauvetages, tels ceux du tremblement de terre en Haïti ou lors des inondations de 1996 au Manitoba. En 1991, les Sea King ont participé à des missions de surveillance maritime, à bord de navires canadiens, dans le golfe Persique, réalisant une centaine de missions de transports de troupes et d’arraisonnements de navires suspects. Les Sea King offrent aussi un support à Pêches et Océans Canada, la surveillance de pêche, la patrouille anti-pollution ainsi qu’à la GRC pour la lutte anti-drogue et anti-terroriste. Le Sea King a un équipage de deux pilotes, d’un navigateur et d’un opérateur radar/sonar (airborne electronic sensor operator). Sa longueur est de 16,7 m (54 pi 9 po). Sa hauteur est de 5,13 m (16 pi 10 po). Le diamètre du rotor principal est de 19 m. Ses deux moteurs, General Electric T-58-GE-8F/-100 (Turboshaft), possèdent chacun 1500 ch (1118 KW). Sa vitesse de 267 km/h (166 mph). Son rayon d’action est de 1000 km (621 m). Son plafond de vol est de 4481 m (14 700 pi). Son taux de montée se situe entre 1310 et 2220 pi/min (400-670 m/min). Son poids à vide est de 5382 kg (11 865 lb) et il peut contenir jusqu’à 8449 kg (18 626 lb). Muni de systèmes de contre-mesures pyrotechniques (flares and chaff) thermiques, d’une tourelle caméra infrarouge (FLIR-Forward Looking Infrared) et de torpilles MK-46 (MOD V), le Sea King transporte une mitrailleuse C-6 (7,62 mm). Les Escadrons 443, 406 et 423 utilisent le CH-124 Sea King, mais il sera remplacé en 2018 par les Sikorsky CH-148 Cyclone.
———————————————————————————————————————————————————————————————
ENTRETIEN AVEC UN OFFICIER DES RÉPARTITIONS DES VOSL DE CH-123 SEA KING
À l’aéroport de Saint-Hubert, lors de la Journée Aviation des Cadets de l’air de 2016, le magazine Aviation s’est entretenu avec le capitaine Simon Rocheleau, Escadron 423 (HM), 12e Escadre, Shearwater, Forces armées canadiennes, Nouvelle-Écosse. Voici un aperçu de ce qu’il nous a livré au sujet de son travail et de son expérience de vol avec le CH-124 Sea King.
Magazine Aviation : Capitaine Rocheleau… Au bénéfice des lecteurs du magazine Aviation, dites-nous comment s’est déroulée votre formation avec le Sea King?
Capitaine Simon Rocheleau : Après ma graduation du Collège militaire royal du Canada, à Kingston, Ontario, et du cours d’Officier des systèmes de combat aérien (anciennement Navigateur aérien) à Winnipeg, MB, j’ai finalement pu commencer mon entraînement sur le CH-124 Sea King. Durant environ huit mois, on m’a enseigné l’anatomie de l’appareil, les rudiments de la guerre anti-sous-marine et de surface, les opérations utilitaires, recherches et sauvetages, etc. Par la suite, on m’a envoyé sur un destroyer comme membre du Détachement aérien d’hélicoptères (HELAIRDET). Après quatre ans au Collège militaire et un an à Winnipeg, je pouvais finalement vivre mon rêve d’effectuer des missions aériennes avec un Sea King.
M.A. : Doit-on recevoir régulièrement des stages ou des mises à jour pour pouvoir voler avec un Sea King?
C.S.R : Dû à la nature hautement périssable des aptitudes sur le Sea King, nous avons toute une panoplie de qualifications à renouveler chaque mois/trimestre/année. L’entraînement et la pratique constituent une bonne partie de l’horaire des vols quotidiens, tant en mer qu’à la maison.
M.A. : La détection et/ou la lutte anti-sous-marine vous paraissent-elles beaucoup plus difficiles maintenant avec toutes ces nouvelles technologies modernes avancées?
C.S.R. : Il est certain que la technologie a un rôle important à jouer dans la guerre anti-sous-marine. Les récents développements dans la propulsion diesel, sans oxygène (Air Independant Propulsion), changent grandement la situation et donnent un avantage clair aux sous-marins qui sont à la fine pointe de la technologie. Cependant, notre doctrine et l’entraînement de notre équipage restent nos deux plus grands atouts qui nous permettent une compétitivité avec les meilleurs au monde.
M.A. : Quelles sont les principales difficultés rencontrées lors du pilotage d’un Sea King en haute mer?
C.S.R. : N’étant pas un pilote moi-même, je ne peux que me baser sur les commentaires de mon équipage. Mais ce qui préoccupe le plus les pilotes (et qui me rend le plus nerveux) est certainement l’atterrissage sur le pont d’un navire. Même par temps calme, la porte du hangar est à moins de deux mètres du rotor et les mouvements continuels sur le pont sont assez importants pour effrayer les pilotes les plus téméraires.
M.A. : Quel serait l’un de vos meilleurs souvenirs de missions avec un Sea King?
C.S.R. : Il y a quelques années, mon officier-commandant avait visité une jeune fille souffrant du cancer dans un hôpital pour enfants. Ayant grandi à proximité de Shearwater, son rêve était de pouvoir voler dans l’un de ces hélicoptères qu’elle avait vus si souvent. Malheureusement, sa condition à l’époque ne lui permettait pas une telle aventure, mais mon commandant lui a promis qu’il lui permettrait de voler dès qu’elle irait mieux. Elle a finalement gagné sa bataille contre le cancer et, en 2010, j’ai eu l’honneur d’emmener la jeune fille et sa maman à bord pour un vol de familiarisation. C’est un moment comme ça qui me fait réaliser ma chance de voler à bord d’un Sea King.
M.A. : Merci, Capitaine Simon Rocheleau!
Pour leur précieuse et généreuse aide, des remerciements sont adressés au Capitaine Simon Rocheleau, Officier de répartition des vols, 423e (HM) Escadron, 12e Escadre Shearwater, Forces armées canadiennes, à Mme Christine Hines, conservatrice, Musée de l’Aviation, Shearwater et à M. Daniel Lebouthillier, Caméra Combat, Forces armées canadiennes.
Photographies : Forces armées canadiennes et Martin Cormier