L’année 1930 fut marquante pour les Montréalais et les Québécois. En effet, c’est en 1930 qu’on inaugura un tout nouveau pont reliant la Rive-Sud à Montréal, le pont du Havre, que l’on rebaptisa Jacques-Cartier en 1934. Mais l’événement phare de cette année-là fut la visite à l’aéroport de Saint-Hubert (du 1er au 13 août) du dirigeable R-100.

 

R100_over_Jacques_Cartier_Bridge_August_1930

Le R-100 au-dessus du pont Jacques-Cartier, août 1930.

Comme le disait Michel Pratt, auteur de l’ouvrage Les dirigeables R-100 et R-101 (éditions Histoire Québec), « peu d’événements dans l’histoire du Québec ont connu un retentissement aussi fort que celui de la venue en 1930 du dirigeable R-100. La couverture médiatique fut exceptionnelle, comme le disait la Bolduc dans une de ses chansons Tout l’monde parle du R-100. Sur le plan régional, le vol du R-100 est le plus grand événement touristique de la Montérégie. Au niveau provincial, il n’est pas moins prestigieux que l’Exposition universelle de 1967. D’autre part, en termes de défi technologique, l’intérêt qu’il suscite est mondial. »

L’histoire du R-100, bien que de courte durée, reflète toute une décennie d’innovations dans le domaine de l’aviation. L’épopée du R-100 a marqué le temps et l’histoire du Québec. Conçu et fabriqué en Angleterre, il mesurait 219,38 mètres de long et avait un diamètre de 40,64 mètres. Il était trois fois plus long qu’un 747. Il était doté de trois nacelles motrices contenant chacune deux moteurs Rolls-Royce de 650 chevaux.

Sous le dirigeable se situait la cabine de pilotage qui était aménagée semblable à la timonerie d’un bateau. C’était sans rappeler son surnom de Titanic du ciel. Sa conception intérieure était très luxueuse. Sous le sigle R-100 de chaque côté se situaient les galeries d’observation. Sa salle à manger était digne d’un grand restaurant avec maître d’hôtel et service « gant blanc ». Lors de son voyage inaugural, le R-100 accueillit à son bord 46 passagers composés de 6 officiers, 33 membres d’équipage et 7 passagers, dont un seul était civil, un lord anglais se rendant à Ottawa. Son billet lui avait coûté près de 3 000 $ pour l’aller seulement, soit l’équivalent aujourd’hui d’un aller-retour Montréal-Londres en classe affaires.

En 1928, pour accueillir ce géant du ciel, on construisit un mât d’amarrage. On mit un an et cinq mois à le construire. D’une hauteur de 60 mètres, il était doté d’un ascenseur qui reliait la base à la passerelle, donnant ainsi accès au R-100. La facture s’éleva à 1 000 000 $. Aujourd’hui, il en coûterait plus que le double.

Durant sa visite de 13 jours dans la région montréalaise, on estime que plus de 600 000 personnes affluèrent pour jeter un regard sur le dirigeable et avoir la chance de le visiter. Des cartes postales, des macarons, des jouets, des disques et bien d’autres articles promotionnels furent vendus sur place. Les médias du monde entier s’étaient donné rendez-vous à Saint-Hubert pour couvrir l’événement.

Après un bref voyage jusqu’à la ville de Québec, le R-100 repartit vers l’Angleterre le 16 août, pour rentrer dans son hangar le lendemain. Après le crash du R-101 en octobre 1930, beaucoup de questions se posèrent quant à la sécurité  des dirigeables. C’est en mai 1931 que la Chambre des communes anglaise choisit d’abandonner le projet. Après des investissements de près de 30 millions de dollars injectés par le gouvernement et le privé, ce beau vaisseau argenté, ses aménagements et sa structure furent vendus à la ferraille. Tout était fini. La tour de Saint-Hubert fut détruite en 1937 et vendue à la ferraille. Heureusement subsistent encore sur le site de l’aéroport quelques vestiges qui nous rappellent cette épopée.

La Fondation Aérovision Québec s’est donné pour mission avec les autorités de la ville de Longueuil de doter, et ce, dans un délai prochain, la ville de Saint-Hubert d’un parc commémoratif rappelant la venue du R-100 et la fondation de son aéroport en 1927 (sujet d’une prochaine chronique).