Lorsqu’une personne suit son cours de pilote privé, il y a bien une petite section qui porte sur la mécanique, mais très peu de choses sont dites sur les obligations du propriétaire quant à la maintenance à effectuer sur son appareil.
Plusieurs d’entre vous savent déjà qu’il y a une inspection obligatoire à effectuer sur un aéronef privé. Et peut-être que le sujet est un peu redondant. Malgré tout, ce que je constate sur le terrain depuis les dernières années, c’est que très peu de pilotes propriétaires s’y retrouvent et connaissent les subtilités de leurs obligations concernant la maintenance à effectuer sur leur appareil. Nous allons donc démystifier les quatre éléments de maintenance obligatoires spécifiés par le Règlement de l’aviation canadien (RAC).
Pour le moment, nous allons nous en tenir aux petits avions de moins que 5700 kg (12 566 lb) n’incluant pas les avions turbopropulsés pressurisés ainsi que les petits hélicoptères de moins que 3175 kg (7000 lb) et qui, dans les deux cas, sont exploités de façon privée.
Lorsque l’on décortique le règlement 605.86 ainsi que sa norme, un pilote ne peut pas décoller, à moins qu’il y ait eu une inspection annuelle complétée durant la période n’allant pas au-delà du dernier jour du 12e mois suivant l’inspection précédente. Donc, si l’inspection précédente a été exécutée le 15 août 2016, le propriétaire ne pourra pas autoriser l’appareil à voler après le 1er septembre 2017. À aucun endroit, il n’est fait mention d’heures dans les airs. Donc, théoriquement, un propriétaire pourrait voler 200 heures dans son année et ne faire qu’une inspection annuelle. Est-ce que c’est une bonne idée? C’est évident que ce n’est vraiment pas à conseiller. Mais ici, on discute du minimum qui est requis par Transports Canada. Il est également à noter que la responsabilité revient encore une fois au propriétaire. C’est à lui de suivre les intervalles entre les inspections et de s’assurer de les faire effectuer dans les intervalles prescrits. Est-ce que l’on peut différer l’inspection annuelle? Eh bien, étant donné que cette maintenance est une maintenance planifiée, donc que l’on peut prévoir, Transports Canada n’autorise pas l’extension. Par contre, lors d’une situation hors de contrôle du pilote, alors qu’il n’a pas été possible de ramener l’appareil à la base de maintenance à temps, on peut faire une demande de permis de vol auprès de Transports Canada. Comme je dis aux étudiants, lorsqu’un avion a dépassé son intervalle de maintenance, il se transforme en citrouille; et une citrouille, ça ne vole pas. Le certificat de navigabilité n’est plus en vigueur et il faut donc obtenir une autre autorité de vol, soit un permis de vol.
Mais en quoi consiste cette fameuse inspection annuelle? Eh bien, Transports Canada exige que les items de la liste qui se trouve dans la partie 1 de l’annexe B de la norme 625 soient exécutés. Dans les faits, on parle encore du minimum requis et cette liste contient des items génériques qui ne sont pas nécessairement applicables à tous les types d’aéronefs en question. Serait-ce une meilleure idée de prendre les feuilles d’inspection du manufacturier? Effectivement, il serait judicieux d’utiliser celles-ci, car elles seront plus précises et beaucoup plus spécifiques au type d’aéronef en question. Par contre, il est important de s’assurer que tous les items de la partie 1 de l’annexe B de la norme 625 sont inclus dans les feuilles d’inspection. Généralement, ce n’est pas un problème. Le TEA qui effectuera la certification après maintenance devra quand même faire référence à la norme Appendice B de la norme 625.
En plus de l’inspection annuelle prescrite par l’appendice B, il faut également s’assurer d’exécuter les tâches de l’appendice C de la norme 625. Celle-ci comprend notamment les items comme la recertification de la balise de détresse, des altimètres et des transpondeurs. On y trouve également les intervalles de remise à neuf pour les hélices et les moteurs. Plusieurs de ces items peuvent ne pas être applicables à notre appareil, mais pour ceux qui le sont, il faut absolument respecter les intervalles.
Les limitations de navigabilité (s’il y en a) font également partie des items minimums obligatoires. Ce sont des actions à exécuter sur certains items que les autorités civiles (en l’occurrence la FAA) ont jugées obligatoires au moment de la certification du modèle d’aéronef pour maintenir la validité du certificat de navigabilité. Pour les trouver, il faut aller voir le certificat type du modèle de l’appareil en question. Il y aura une section spécifiant qu’il y a des limitations de navigabilité et le certificat en fera l’énumération ou indiquera où les trouver. Si les manuels de maintenance suivent le système ATA 100, vous trouverez les limitations de navigabilité dans le chapitre 4. Le meilleur exemple concerne les avions Cirrus. Le fameux parachute et la fusée doivent être remplacés tous les 10 ans et c’est obligatoire, car ces éléments se trouvent dans le chapitre 4, limitations de navigabilité. Certaines cellules peuvent également être limitées en heures de vol. Le Cirrus, encore une fois, a une limite de 12 000 heures de vol sur la cellule et les ailes.
Le dernier élément et non le moindre est l’exécution obligatoire de toutes les consignes de navigabilité applicables à l’appareil. Une consigne de navigabilité oblige le propriétaire à compléter une action. Elle peut, entre autres, prendre la forme d’une inspection unique ou répétitive, d’un remplacement de pièces ou d’un changement dans les limitations de l’appareil. Une consigne est obligatoire et l’on doit suivre à la lettre toutes les étapes selon les dates d’entrée en vigueur prévues dans la consigne. Certaines personnes mélangent consigne de navigabilité et bulletin de service du manufacturier. Ces derniers ne sont pas obligatoires par Transports Canada, mais il est très judicieux d’y jeter un coup d’œil bien qu’il demeure au propriétaire de les faire ou non. Pour des aéronefs récents sous garantie, ils seront payés par le manufacturier et permettent de garder la pleine garantie sur l’appareil.
Tous les autres items hors calendrier suggérés par le manufacturier ne sont pas obligatoires pour un petit aéronef privé tant qu’il n’est pas turbopropulsé et pressurisé. Mais il est quand même bon d’en discuter avec notre technicien pour être certain que l’on ne compromettra pas notre sécurité. Il ne faut pas oublier qu’en aviation, nous pouvons payer de la maintenance préventive maintenant, quand c’est le bon moment et que l’on contrôle les coûts, ou bien en payer de la curative quand ce ne sera pas le temps et que l’on ne contrôlera plus rien… En espérant que ce ne soit pas le contrôle de l’aéronef que l’on aura perdu.
Encore une fois, peu importe qui fera la maintenance sur votre aéronef, il est très important de mettre au clair toutes les tâches qui seront à exécuter. C’est la responsabilité du propriétaire de s’assurer que tous les items obligatoires soient faits dans les intervalles prescrits par Transports Canada. Par contre, vous pouvez donner le mandat à votre technicien de faire le tour et de vous faire rapport de ce qu’il y a à faire. Assurez-vous simplement de garder des traces de vos discussions avec celui-ci.
Pour les prochaines chroniques, j’ai plusieurs idées, mais n’hésitez pas à me faire des suggestions par courriel concernant la réglementation de la maintenance. Je prévois également faire un guide par étapes pour se retrouver sur le site de Transports Canada concernant le RAC et la recherche de consignes de navigabilité et autres documents utiles en lien avec la maintenance réglementaire. Mais s’il y a de la demande pour un autre sujet, c’est avec plaisir que je m’ajusterai.
À propos de l’auteur :
Vincent Grenon est un technicien licencié M1 et M2 avec près de 20 ans d’expérience. Il est enseignant au département pré-envol à l’École nationale d’aérotechnique (ÉNA), également formateur et auditeur pour le service aux entreprises de l’ÉNA. Il travaille en étroite collaboration avec AÉRO TEKNIC depuis la création de l’entreprise. Vous pouvez le joindre au 450 676-6299 ou via courriel à vincent@aeroteknic.com