Après vous avoir présenté leurs fiers destriers, il est temps de vous faire connaître ces preux chevaliers du ciel qui, par leur courage, leur passion, leur détermination et leur intrépidité, ont su conquérir le ciel du Québec et ainsi ouvrir la voie à de nombreuses réalisations. Parmi tous ces valeureux, un nom se distingue des autres : celui de VACHON.

Roméo Vachon

Surnommés « les Chevaliers de l’air », les frères Irénée, Donat, Fernando et Roméo Vachon sont des pionniers de l’aéropostale et de l’aviation commerciale au Canada. Joseph Pierre Roméo Vachon est le plus connu de cette célèbre famille de pilotes de brousse, originaires de Sainte-Marie-de-Beauce au Québec. Né le 29 juin 1898, le jeune Roméo grandit sur une ferme. Peu attiré par l’agriculture, tout jeune. il manifeste déjà un penchant très vif pour la mécanique,

En 1917, il prend le train en direction d’Halifax et s’enrôle dans la marine canadienne où il apprend les rudiments de la mécanique navale. Il est démobilisé en février 1919 et, en 1920, il se joint à la Royal Canadian Air Force (RCAF) nouvellement créée. À la fin de sa formation, alors que l’unilinguisme anglais est de mise dans les rangs de la RCAF, il exige et obtient que son certificat de mécanicien en aéronautique soit rédigé en français. On le considérait comme un virtuose de la mécanique et, pour preuve, lorsque les pilotes s’envolaient, ils étaient rassurés si Vachon avait vérifié leur moteur.

Sa nouvelle carrière militaire sera de courte durée, puisque dès 1921 il accepte un poste de mécanicien dans la première entreprise commerciale d’aviation au Canada, soit la Laurentide Air Services Ltd, basée à Lac-à-la-Tortue. Il effectue de nombreuses missions de détection de feux de forêt et de photographie aérienne à titre de mécanicien navigant. Durant l’hiver, Roméo se rend à Dayton, aux États-Unis, pour y suivre un cours de pilotage et obtient sa licence de pilote commercial le 6 janvier 1923. Il devient ainsi le premier pilote-mécanicien au Canada. De retour à Lac-à-la-Tortue, en 1924, il épouse Georgette Tremblay qui lui donnera quatre enfants. Pour le compte du gouvernement du Québec, il effectue des relevés aériens tout le long de la côte nord de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent durant les années 1924 et 1925. Il joint les rangs de l’Ontario Provincial Air Service de 1925 à 1927. Durant cette période, il pilote encore des hydravions Curtiss HS-2L afin d’effectuer des patrouilles de détection de feux de forêt et effectue de nombreux relevés aériens dans des régions peu ou pas encore cartographiées.

Laurentide Air Services – Curtiss HS-2L

En 1927, le gouvernement fédéral souhaite instituer, à titre expérimental, le premier service aéropostal au Canada sur la côte nord du fleuve Saint-Laurent en confiant ce mandat à l’entreprise Canadian Transcontinental Airways. Roméo est embauché pour organiser ce service devant desservir un vaste territoire s’étendant de l’embouchure du fjord du Saguenay jusqu’au détroit de Belle-Isle. Non desservies par des routes et isolées durant la saison des glaces, ces communautés égrenées le long de cette côte sauvage ne seront plus enclavées durant l’hiver. Il effectue la première desserte aéropostale entre La Malbaie et Sept-Îles, le 31 janvier 1928, à bord d’un Fairchild FC-2W. Plus tard, cette année-là, il inaugure une liaison aéropostale entre Sept-Îles et l’île d’Anticosti.

C’est également en 1928, le 1er octobre, qu’il inaugure à bord de son Fairchild la première liaison postale entre les États-Unis et le Canada au nouvel aéroport de Saint-Hubert. Pendant nombre d’années, le premier postier volant du Canada évacuera à plusieurs occasions des malades vers les grands centres, devenant également l’un des premiers ambulanciers volants. Chaque voyage était long, pénible et même dangereux. Il volait à vue seulement, sans radio et avec des instruments rudimentaires. Seul en plein ciel dans son habitacle mal chauffé, il devait surveiller attentivement la côte et prêter l’oreille aux toussotements du moteur de son Fairchild, dont on ne connaissait pas encore les performances sur de longs parcours et dans des conditions climatiques que sont nos hivers québécois.

Là où Roméo a innové, c’est en recouvrant le moteur de son avion d’une feuille de métal, le protégeant ainsi du froid et augmentant considérablement sa capacité de vol.

Fait marquant, toujours en 1928, Roméo Vachon acquiert une réputation internationale en se portant au secours de l’équipage du Junkers W-33 Bremen qui venait d’effectuer la première traversée de l’Atlantique de l’est vers l’ouest. (Article paru dans le magazine Aviation, juillet-août 2018)

La Grande Dépression marque la fin des opérations de la Canadian Transcontinental Airways, qui est reprise par la Canadian Airways. Roméo quitte l’entreprise et travaille pendant quelques années pour l’avionneur Saunders-Roe, spécialisé dans la fabrication d’hydravions. Il revient chez Canadian Airways en 1932, mais cette fois à un poste de direction. En 1934, il devient l’un des gestionnaires de l’entreprise Québec Airways qui offre les premières liaisons aériennes régulières entre les communautés de la Gaspésie et celles de la côte nord du Saint-Laurent.

Son travail de pionnier intrépide de l’aéropostale et sa contribution au développement des liaisons aériennes dans l’Est-du-Québec lui vaudront, en 1937, la distinction la plus prestigieuse de l’aviation canadienne, soit le trophée McKee (aujourd’hui le trophée Trans-Canada).

À l’âge de 40 ans, il joint les rangs de Trans-Canada Airlines (TCA) comme pilote de ligne, devenant successivement directeur de l’aéroport Dorval à Montréal, dirigeant de la Division de l’Est et finalement conseiller spécial auprès du président de l’entreprise. Durant la guerre, il participe au développement et au déploiement du British Commonwealth Air Training Plan. En 1944, le gouvernement fédéral reconnaît son exceptionnelle compétence en le nommant membre de la Commission des transports aériens. Il participe, au sein de la délégation canadienne, à la Conférence de Chicago qui fonde l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), dont le siège social est à Montréal. Il contribue également au développement de la première politique nationale visant l’essor de l’aviation commerciale au Canada.

Malheureusement à  la suite d’une courte maladie, Roméo Vachon s’éteint à Ottawa le 17 décembre 1954, à l’âge de 56 ans. Son exceptionnelle contribution au développement de l’aviation sera reconnue avec l’établissement, en 1969, du prix Roméo-Vachon, remis chaque année par l’Institut aéronautique et spatial du Canada. En 1974, il est intronisé au Panthéon de l’aviation du Canada. En 2001, le Panthéon de l’air et de l’espace du Québec reconnaît à son tour ses mérites et, en 1980, on crée la circonscription de Vachon, alors formée d’une partie de la circonscription de Taillon.

Joseph Pierre Roméo Vachon a marqué l’histoire de l’aviation au Québec. En faisant un court survol de ce que fut sa vie, on ne peut que le croire.