Un vrai passionné de l’aviation

On se souviendra qu’en août 2001, lors d’un vol transatlantique, un pilote de haut niveau et son équipage ont sauvé la vie de leurs passagers, et ce, grâce au sens exercé de pilotage du commandant Robert Piché. Avec un esprit combatif et une détermination sans pareille, il s’est finalement rendu aux îles des Açores afin de poser un Airbus A-330 d’Air Transat avec une fuite de carburant d’essence massive déclarée au beau milieu de l’océan Atlantique. Le magazine Aviation est heureux de vous offrir la suite de l’interview réalisée dans une édition précédente dans laquelle le commandant Piché révèle des aspects de son travail de pilote d’hier et de ses projets actuels de vie.

Magazine Aviation :Y a-t-il un aéronef ou un avion en particulier que vous auriez aimé piloter?

Commandant Robert Piché : Moi, c’est le F-117 Nighthawk, l’avion furtif Stealth de l’aviation américaine. La première fois que j’ai vu le Stealth, j’ai eu des frissons pour cet appareil. Pour mieux répondre à la question, si je devais refaire ma carrière, avoir su que le Stealth aurait été inventé un jour, je serais entré dans l’Armée de l’air américaine (US Air Force). De même, j’aurais demandé à mon père de m’inscrire dans l’aviation militaire américaine en tant que Canadien pour piloter le F-117. Pour moi, quand je regarde le Stealth, c’est comme quand tu vois une belle femme : tu tombes en amour avec et quand tu en vois une autre, cela ne te dérange pas! Il y a un petit quelque chose avec le F-117. Il me semble que j’aurais eu un bon contact avec cet avion furtif. La première fois que j’ai vu de près le F-117, j’étais au Salon du Bourget (Paris, France) pour l’Édition de 1991. J’étais très près. Je pense que j’aurais eu une belle synergie avec cet appareil.

M.A. : Quel est l’avion avec lequel vous avez le plus aimé voler?

C.R.P. : Personnellement, c’est le DC-4. Dans le passé, j’ai été pilote sur cet appareil et j’étais vraiment en bon contact. Professionnellement, comme avion gros porteur, j’ai bien aimé le Lockheed L-1011 TriStar. Je suis un pilote de type handler. Je ne suis pas un technicien ni un scientifique. Par contre, c’est un très bon appareil avec lequel j’aimais beaucoup voler.

 M.A. : Dans votre travail, comme pilote et commandant chez Air Transat, pour le transport aérien, avez-vous vu des changements s’opérer au plan technologique?

C.R.P. : Le trafic aérien augmente de plus en plus. En fait, toutes les infrastructures aéronautiques n’ont plus rien à voir avec un vol d’avion lui-même. Elles doivent changer et s’améliorer dans ce contexte. Dans le passé, quand nous devions traverser l’océan Atlantique, nous étions à 2000 pieds de différence avec le trafic aérien que nous rencontrions. Maintenant, c’est à 1000 pieds ou à 300 mètres. Avant, c’était 30 milles en visuel latéral et maintenant, c’est 15 milles. Dans notre milieu de travail, on mentionne que, bientôt, ça pourrait aller à 5 milles en visuel latéral.

Il y a de plus en plus de trafic. Il faut gérer une circulation aérienne intense. Je me souviens, il y a une dizaine d’années, à l’aéroport Charles-de-Gaulle (Paris), le système de gestion de cette tour de contrôle prenait 150 avions à l’heure. Aujourd’hui, il y a plus de 150 avions en déplacement. Avec la technologie infrastructurelle qui supporte l’aviation telle quelle d’un avion dans les airs, ça s’est donc beaucoup amélioré pour pouvoir entrer de plus en plus de trafic aérien.

Robert Piché, Magazine Aviation

Lockheed F-117A Nighthawk: l’avion Stealth. Photo prise lors du Spectacle aérien de Mirabel en 1995. La première fois que le commandant Robert Piché a vu le F-117, il a eu des frissons pour cet appareil! (Photo : Martin Cormier)

Nous savons que le trafic aérien dans les 20 prochaines années sera très imposant avec les pays comme l’Inde et la Chine qui s’ouvriront. Bien plus de gens prendront l’avion pour voyager dans le monde. Il y aura donc beaucoup plus de trafic aérien, de contrôle aérien et une augmentation des infrastructures aéroportuaires. Les gestionnaires devront s’adapter à cette situation. De plus, ils devront trouver de nouvelles façons de gérer ce futur trafic aérien.

Robert Piché, Magazine Aviation

Dans le temps, nous ne traversions jamais avec un appareil à deux moteurs. Jamais personne dans les années 1940, 50, 60 et 70 ne pouvait penser qu’un appareil traverserait avec seulement deux moteurs et deux pilotes à bord. Dans ces mêmes décennies, on a diminué de quatre moteurs à trois moteurs. Maintenant, c’est avec deux moteurs. Aujourd’hui, avec un avion commercial, c’est avec deux moteurs que l’on traverse l’Atlantique. La technologie de la mécanique s’est beaucoup améliorée.

Il faut être certain que les moteurs tiendront le coup et qu’ils ne rencontreront pas de bris mécanique après un certain nombre d’heures de vol. Les moteurs sont aussi vérifiés pour des tests d’endurance de la mécanique sur des bancs d’essais. Ces moteurs seront vérifiés et mis en marche pendant des heures pour tester leurs limites mécaniques. Ces limites seront enregistrées pour nos informations et les données seront envoyées au Service d’entretien de la compagnie aérienne. Les systèmes informatiques aident grandement les moteurs. Tout se fait automatiquement par l’ordinateur de bord.

De plus en plus, les compagnies auront l’obligation d’intégrer le CPDLC pour traverser l’océan Atlantique. Le CPDLC est un système qui aide à parler à la tour de contrôle sans que le pilote le fasse de vive voix. C’est l’ordinateur qui parle, via l’ordinateur de l’avion. On appuie sur un bouton et on demande l’autorisation pour monter en altitude sans parler. On a l’autorisation de la tour sans communication directe à haute voix. Ce système nous aide, vu que le trafic aérien augmente constamment. Il y a trop de discussions entre les pilotes et les contrôleurs aériens. Maintenant, si je vole au-dessus de l’Atlantique, tout le rapport de vol de l’avion se fait automatiquement. La compagnie aérienne est informée en temps réel. Les avions et l’infrastructure des appareils s’améliorent avec les nouvelles générations. Le trafic aérien international sera grand. Au niveau mondial, dans les dix prochaines années, il  y aura une forte demande pour l’embauche de pilotes.

 M.A. : Est-ce que vous pilotez encore des avions ou simplement sur simulateur avec votre ordinateur personnel durant vos congés ou vos vacances?

C.R.P. : Je réponds toujours à cette question. Je suis né avec l’aviation pour voler et pour voyager. Ce n’est pas l’avion qui m’a amené à l’aviation! C’est le voyage et la passion qui s’est développée après pour l’aviation. Mon rêve était de voyager. Dans mes temps libres, je voyage beaucoup avec ma famille. J’ai la chance et le privilège de voler à bord de l’un des meilleurs avions sur le marché. Mon intérêt est toujours pour les voyages.

M.A.: Avez-vous des projets pour votre retraite?

C.R.P. : J’ai l’intention de garder le plaisir de piloter un gyrocoptère, avec un paramoteur ou peu importe. Être dans les airs! Après avoir fait 20 000 heures de vol un peu partout sur la planète, je veux garder un pied dans l’aviation. J’aimerais plus tard voler avec un hydravion et survoler le Grand-Nord. C’est voler pour le plaisir personnel et non comme pilote de brousse.

C’est cela ma passion pour l’aviation. Je ne veux pas faire de challenge obligé, comme je l’ai fait au début de ma carrière. J’aimerais voler sur un hydravion une fin de semaine, pêcher sur un lac, être dans le bois avec ma femme. C’est le côté passionnant de ce type d’aviation. J’ai aussi une fondation qui m’occupe grandement. C’est pour m’occuper des gens qui souffrent, des alcooliques et des toxicomanes. Des développements sont en cours pour ma fondation. C’est un peu la notoriété qui m’a aidé. C’est maintenant que je peux aider des gens en difficultés.

Remerciements

Pour sa grande disponibilité, sa générosité et sa collaboration à cet article, un merci spécial est adressé au commandant Robert Piché et à Mme Madeleine Houle de la Fondation Robert Piché.