Jean-Pierre Ferron, une carrière en formation serréeDe la chasse à l’enseignement, en passant par la ligne mais aussi le ministère des Transports, ce pilote montréalais a touché quasiment à tout ce qui vole. Depuis une vingtaine d’années, nos chemins aériens se croisent. Et je lui en dois un segment…

 Sans aucune parenté dans le monde aéro, Jean-Pierre Ferron s’intéresse malgré tout très jeune aux aéronefs. Aux débuts des années 60, il lit Air Progress – un magazine américain publié de 1937 à 1997. Adolescent, il joint les Cadets de l’air. Le programme compte 35 heures sur avion, sans passer par la case planeur. Premier solo à Cartierville, le 3 juillet 1965. Puis, il entre chez Air Canada, en qualité d’apprenti mécanicien : un intermède avant de s’enrôler dans les Forces armées et suivre un cours d’anglais au Collège militaire royal de Saint-Jean-sur-Richelieu. Nous sommes en 1966. Durant l’hiver 1967, déjà pilote privé et crédité de 70 heures de vol, le jeune homme intègre directement l’école des officiers. À Borden, en Ontario, il fait ses premières armes sur de Havilland Canada DHC-1 Chipmunk, puis, dans la foulée, passe sur Canadair CT-114 Tutor. C’est ensuite à bord d’un CT-133, version canadienne du Lockheed T-33, qu’il obtient ses « ailes ». Ce jet subsonique, propulsé par une turbine Rolls Royce RB.41 ou Nene de 22,2 kN, à double entrée d’air, constitue l’un des appareils d’entraînement les plus accomplis à cette époque. Avec une autonomie moyenne d’une heure et demie, ce biplace autorise des vols-voyages raisonnables.

 

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Jean-Pierre Ferron, d’hier à aujourd’hui, et toujours la même passion!

Missions d’entraînement

 Bien noté à l’issue de sa formation, Jean-Pierre choisit la chasse et laisse les options transport et enseignement aux camarades moins doués. S’ensuivent trois mois sur North American F-86 Sabre, à Chatham (Nouveau-Brunswick). Une période où il assimilera le lâcher de bombes (factices), volera en rase-mottes nuit et jour – mais jamais en IMC – et grimpera à 45 000 pi (13 716 m) pour ensuite piquer jusqu’à 25 000 pi (7620 m). Après ce stage, il se retrouve aux commandes d’un Lockheed F-104 Starfighter sur lequel il passera Mach 2… en montée vers 39 000 pi (11 887 m). À bord de cette machine, le nouveau gradé accumulera un peu plus de 300 heures de vol. Muté en Allemagne, il connaîtra la Guerre froide et des bombes assez chaudes (sic) toujours prêtes à être larguées. Heureusement, seule la tension passera à l’histoire. Côté technique, le F-104, c’était 540 kts (1000 km/h) à 50 pi (15 m) du sol, des bords d’attaque si effilés que le givre n’y avait aucune prise, ou encore des boucles (loopings) étirées sur 10 000 pi (3048 m) avec une entrée à 550 kts (1019 km/h) en tirant de 3 à 4 g! En contrepartie, le modèle portait quelques surnoms peu élogieux tels que Cercueil volant, Faiseur de veuves, etc. La fiabilité contestée du réacteur, des obus explosant dans la soute et la manœuvrabilité restreinte à basse vitesse occasionnèrent de nombreuses pertes matérielles et humaines. Mais Jean-Pierre Ferron passe entre les mailles du filet de la Faucheuse et continue son parcours militaire. En sept ans, il va accumuler pas moins de 1000 heures de vol en formation – la plupart du temps avec un équipier (2 avions = 1 élément) ou avec trois autres (4 avions = 1 section de vol). Presque au terme de son engagement, il est affecté à Bagotville sur Canadair CF-5 – un chasseur endurant et économique, variante du Northrop F-5.

 

Jean-Pierre Ferron, une carrière en formation serrée

Deux Lockheed T33 en formation très serrée, en 1968.

De la ligne à l’instruction

 Désirant fonder une famille, Jean-Pierre quitte l’armée et entre chez Quebecair, puis chez Inter-Canadien. Il vole alors sur Fokker F-27. Au fil du temps, il se qualifie sur différentes machines. Boeing 727, BAC 1-11, Boeing 737 ainsi que d’autres courts et moyen- courriers se succéderont dans son carnet de vol. Et ce, jusqu’en 1991. Parallèlement, il donne des cours théoriques dans une école de pilotage régionale. Conséquemment, il devient instructeur de vol. C’est en 1994 que je fais sa connaissance chez Aéro Taxi. Ce grand centre de formation, aujourd’hui disparu, opère alors à Saint-Hubert. La flotte de l’époque compte de nombreuses machines récentes. Sur l’instigation de M. Michaud, le propriétaire de l’école, Jean-Pierre lance les Moustiques – une section de vol constituée de quatre Diamond Katana DA20 A1 flambants neufs. But de l’opération : participer au spectacle aérien de Val-d’Or et promouvoir les petits monomoteurs. Pour ce faire, le lead ressuscite et forme trois collègues instructeurs. Sans prétention, l’équipe évolue dans le ciel en enchaînant de simples figures. L’entraînement individuel dure 5 heures, dont 3 heures en solo. Intéressé par

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Les Moustiques – Quatre Diamond Katana DA20 en formation en diamant – au-dessus du Saint-Laurent.

l’événement, je suis invité à suivre un cours différé. C’est pour moi une révélation. En tant que pilote professionnel, spécialisé dans les vols d’évaluation pour le compte de magazines d’aviation, cette technique va me permettre de m’approcher très près des futurs appareils à photographier, mais aussi de les observer en action. L’ex-pilote de chasse me refile plusieurs ficelles du métier pour voler serré, intercepter, changer de position, rompre une formation, etc. Tout ça, bien sûr, en priorisant la sécurité! Bien que non sanctionné par une qualification ou une annotation, ce stage constitue pour moi l’un des enseignements les plus utiles que j’ai reçus dans l’aviation. Vingt ans plus tard, pas mal de pratique à mon actif et quelques sessions de perfectionnement complétées, je remercie sincèrement l’ami Jean-Pierre pour les premières leçons prodiguées. Et pour ceux qui seraient tentés par l’expérience, sachez que notre homme ne propose plus ce stage. Dommage! Après une fin de carrière chez Transports Canada, il donne désormais des cours de travail en équipage chez Air Richelieu et Pascan Aviation. Il propose également différentes remises à niveau, à la carte. À 68 ans, Jean-Pierre Ferron profite aussi de son temps libre pour danser le tango, jouer du piano et visiter ses enfants. Quelle existence accomplie, non!