Avion agricole de référence, ce monoplace peut servir également de tracteur de planeurs, voire de banderoles publicitaires, d’appareil retardateur d’incendies ou même d’aéronef de surveillance aérienne. Produit à plus de 5000 exemplaires, il en reste 81 immatriculés au Canada. Si peu pour un tel outil…

Jusqu’à la fin du siècle dernier, les pilotes d’épandage souffraient d’une réputation peu enviable – reflet d’un certain comportement. Procédures marginales, couverture aléatoire des surfaces, étiquette de pollueurs volants, politiques restrictives et plus encore sclérosèrent la profession. Résultat : en 1985, Cessna arrêtait la fabrication du modèle C-188 décliné en Agwagon, Agtruck et Agpickup. Juste avant, en 1982, les ailes des derniers Pawnee étaient entoilées chez Piper. Presque stoppé aussi, courant 2000, le Dromader chez le Polonais PZL-Mielec ! L’extinction programmée de ces avions-dinosaures et la mise au rancart des rois du rase-mottes épurèrent le milieu agricole mais laissèrent, en contrepartie, le champ libre aux organismes nuisibles. Heureusement, bientôt un nouveau courant prônant l’utilisation rationnelle des pesticides, tout en admettant la notion d’écotoxicologie, permit de mieux cibler les interventions. La nouvelle vague des turbopropulsés Trush et Air Tractor relança la corporation. De plus, l’avènement des GPS agricoles stimula cette reprise. Et même si les machines agricoles terrestres évoluèrent techniquement (surtout en taille et en fonctionnalité), leur vitesse demeura et demeure encore de nos jours passablement lente : environ 2 m/sec versus 44 m/sec pour un avion ! En termes de pollution, pour un champ de 60 hectares, cela se traduit par ±20 heures de diesel brûlé (pour un New Holland ou un Massey-Ferguson) contre 1 heure d’Avgas dans l’atmosphère (pour un Pawnee) ou encore 40 minutes de kérosène (pour un Weatherly 620-BTG) !

Piper PA-25-235 Pawnee D (année 1977), exploité par Hélico Service (CTY5).

Conception classique

Le fuselage du Piper PA-25-235/260 Pawnee et dérivés est majoritairement formé de tubes d’acier Chromoly 4130 soudés. Originellement, un traitement anticorrosion (Lionoil) protégeait l’intérieur de la tubulure basse et un apprêt (zinc chromate) + une peinture (Rexon Activated Copon) recouvraient les longerons et les tubes diagonaux. Un composé résineux aplanissait aussi les points creux. Aujourd’hui comme hier, l’ensemble est entoilé et peint. L’aile, comme chacun le sait, s’apparente à celle du Piper Cub. Un tissu synthétique thermo-rétractable enveloppe sa structure construite en aluminium. Cette dernière se raccorde au fuselage via des longerons. De chaque côté, 2 haubans profilés + quelques croisillons en alliage renforcent les ancrages. Au niveau de la queue, aussi recouverte de toile enduite et peinte, des raidisseurs latéraux soutiennent le plan horizontal. L’ensemble est de la même veine que les séries Cub et Super Cub : endurant et demandant peu d’entretien. Le train d’atterrissage classique a fait ses preuves depuis longtemps. Sa maintenance se limite au graissage des axes, voire à leur remplacement. Les cordes de l’atterrisseur principal ne requièrent guère plus que de simples contrôles périodiques. Idem pour la roulette de queue. La cuve à produits d’épandage, cubant 21 pi3 ou 0,6 m3, est en fibre de verre. Celle-ci peut supporter une charge, liquide ou solide, conséquente. En cas d’urgence, un vide-vite permet de la décharger instantanément. Côté casse, peu de cas de fissuration sont répertoriés.

Éolienne entraînant la pompe Agrinautics, entre le train principal.

Lycoming O-540-B2C5 (235 ch)

Corrosion et entretien

Comme le précise Benoit Tétreault, pilote d’épandage émérite et fondateur d’Hélico Service (Rougemont, CTY5), le Pawnee résiste bien à la corrosion. Seule la partie inférieure de la cage – là où se raccorde la roulette de queue – présente des risques de désagrégation. Pour pallier le problème, il est conseillé de laver l’aéronef après chaque opération et de le rincer à l’eau douce. Et mieux vaut éviter l’emploi d’appareils à haute pression (style Kärcher) ! À la longue, cela pourrait affaiblir l’entoilage. C’est ce que fait Benoit et son équipe – aussi bien après C-GQGX (son ultime PA-25-235) que sur les Air Tractor AT-402A et AT-504 ou encore l’antique Bell 47G-4A, composant la flotte agri-commerciale. À titre indicatif, il faut compter environ 1800 heures d’ouvrage pour un rentoilage complet (peinture incluse).

Panneau de guidage lumineux Ag-Nav Guia Gold (fabriqué au Canada) positionné sur le capot, devant le pare-bris

Moteur et hélice… au pluriel

Le six-cylindres Lycoming O-540-B2C5, en monte standard, développe 235 chevaux. Une version boostée à 260 ch (O-540-G1A5) était aussi au catalogue Piper. Cette option se déclinait, au choix, soit avec une bipale à pas fixe, soit avec deux bipales à pas variable (Hartzell HC-C2YK-1/8477 ou McCauley B2D34C16/84HF-0). Dans tous les cas, le diamètre des hélices demeurait le même, soit 84 po ou 2,13 m. Le Pawnee étant un Ag Plane, Lycoming limite le potentiel des moteurs (TBO) à 1500 heures (au lieu de 2 000 heures lorsque équipant un aéronef courant). Pour plus d’informations, on peut consulter (sur Internet) le Service Instruction No 1009BC (paru le 9 mai 2018).

 

 

Bipale McCauley à pas fixe, de série.

Espace cabine monoplace. L’accès se fait par la gauche + sortie d’urgence à droite.

Valeur marchande stable

Selon le boss d’Hélico Service, un Pawnee D (dernier modèle de la série, produit par l’avionneur de Vero Beach, Floride), en bon état et affichant un nombre raisonnable d’heures au compteur, peut valoir quelque 80 000 $ US – évaluation moyenne de C-GQGX, sorti en 1977 et accusant seulement ± 5 000 heures TTSN. Sur Controller, aucun modèle d’occasion n’apparaît. Quant à Trade-A-Plane, seule une offre est publiée : 1 PA-25-235 (1966), 3717 heures TTSN, attesté en bon état. Prix annoncé : 55 000 $ US. En fait, ce type d’avion, intégrant essentiellement un circuit parallèle, se négocie davantage entre membres de regroupements professionnels, telle la Canadian Aerial Applicators Association (https://www.canadianaerialapplicators.com/). Simple à opérer (vole sur tous les continents), fiable (peu de directives de navigabilité ou AD’s) et estimé (prix de vente constant, voire en hausse), le PA-25-235/260 représente plus qu’un avion agricole : c’est un monomoteur multifacette à valeur ajoutée. Depuis la revente de son certificat de type et des droits associés, le Pawnee est fabriqué en Argentine. Après l’avoir rebaptisé Puelche, Lavia Argentina SA le produit à Las Heras (Mendoza). Le catalogue du constructeur sud-américain affiche différentes versions de ce modèle évolutif. La clientèle nationale et internationale peut aussi se procurer toute pièce détachée certifiée, autant pour le Puelche que pour le Pawnee original. Pour en savoir plus : https://laviaargentina.com/.

Devinettes sur le Piper PA-25 Pawnee

a)      En fonction de la densité du produit épandu, la cuve peut supporter de 550 lb (249 kg) à ???? lb ?

b)      Existe-t-il des versions biplaces ?

c)      Le Gippsland GA200, clone du Pawnee fabriqué par Gipps Aero, provenait de quel pays ?

 

 

Réponses : a) 1 200 lb (544 kg)    b) oui (monoplaces modifiés)  c) Australie (lire l’essai en vol paru dans Aviation Québec, en juillet/août 2002)

 

Piper PA-25-235 Pawnee D… en quelques chiffres

Envergure : 36,2 pi (11,03 m)

Longueur : 24,7 pi (7,53 m)

Hauteur : 7,2 pi (2,19 m)

Places : 1

Masse à vide : 1 523 lb (691 kg)

Masse maximale : 2 900 lb (1 315 kg)

Moteur : Lycoming O-540-B2C5

Puissance : 235 ch

TBO : 1 500 h

Hélice : McCauley à pas fixe Ø 84 po (2,13 m)

Réservoirs : 2 (total : 38,5 gal /146 l)

Cuve d’épandage : 150 gal (568 l)

Vitesse à ne pas dépasser (Vne) : 155 mph (135 kias – 250 km/h)

Vitesse de manœuvre maximale : 120 mph (104 kias – 193 km/h)

Vitesse de décrochage, pleins volets @ masse maxi : 61 mph (53 kias – 98 km/h)

Distance de décollage @ masse maxi : 800 pi (244 m)

Distance franchissable @ 75% puissance : 290 sm (252 nm – 467 km)

Taux de montée @ masse maxi : 630 pi/min (3,2 m/sec)

Plafond pratique @ masse maxi : 13 000 pi (3 962 m)

 

Photos : Richard Saint-George