Superbe biplace tout métal, ce vintage est un avion s’adressant aux initiés. Cent trente-six exemplaires sont immatriculés au Canada, dont 9 au Québec. Sur le nombre, et toutes séries confondues, on répertorie plusieurs machines exemptes de certificat de navigabilité valide tandis que d’autres volent sous certificat spécial maintenance par le propriétaire.

Quelque 6000 exemplaires de ce semi-voltigeur à train classique et freins à tambour ont été construits. Le Luscombe, même s’il peut se révéler passionnant et de surcroît économique, n’est toutefois pas surpuissant (65 ch pour le Model 8A). Au décollage et à l’atterrissage, son pilotage paraît pointu !

Genèse et évolution

Dérivé du Phantom et du Luscombe 4, le Luscombe 8 est développé par la Luscombe Aircraft Engineering Company. Fondée par Don Luscombe, dans les années 1930, l’entreprise connaît des débuts modestes. Après cinq ans de balbutiements, les ingénieurs ressortent de leurs cartons les plans d’un biplace léger. Celui-ci est conçu pour être motorisé par un Continental A-50 (50 ch) – un tout nouveau moteur à l’époque. Malheureusement, la production du quatre-cylindres s’éternise. Les délais s’allongent. Conséquemment, le lancement du Luscombe 8 – ou Model 50 – est finalement ajourné. Ce n’est finalement qu’en 1938 que l’appareil reçoit sa certification. Dès lors, les ventes s’envolent. Les listes d’attente s’allongent car les particuliers et les écoles de pilotage jettent leur dévolu sur cet outil endurant et économique. Pendant la guerre, l’avionneur reçoit un quota d’aluminium lui permettant de poursuivre ses opérations. À la fin du conflit, l’aile entoilée devient tout métal. Moins populaire que les Piper Cub et Super Cub, moins connu que les braves Aeronca Chief et Champion, et moins cher que les Cessna 140, le solide Luscombe 8A (sorti en 1946) représente un bon compromis fiabilité-budget. Les versions subséquentes (8B, 8C, 8D, 8E et 8F) demeurent très semblables, se différenciant principalement par leurs motorisations, de petites améliorations techniques et quelques bonifications cosmétiques. Avant la fermeture de l’usine, en 1949, pour défaut de solvabilité, cet avion permettait de devenir propriétaire d’un coucou sans se ruiner. Un aéronef anti-divorce, en somme.

 

Haubanage simple, train principal étroit, freins à tambour, V-brace de série et hélice bipale à pas fixe.

Accès à bord, à droite comme à gauche, via des portières bien dimensionnées.

Empennage conventionnel tout métal.

Période d’accoutumance à considérer

Le Luscombe est un oiseau capricieux. Un rien hargneux. Ceux qui ont eu le privilège de voler dessus le savent bien. En croisière, rien à dire ! Au contraire. Cet aéronef aurait même un certain penchant pour les manœuvres acrobatiques : boucles et vrilles sont une invitation au délire. Par contre, gare au retour sur terre ! Le train est étroit et haut. Le contrôle de la trajectoire n’est pas intuitif. Douceur et (surtout) patience sont de mise. Aux commandes, il ne faut rien laisser au hasard. Ne rien négliger non plus. Dès les premiers tours de roues, une concentration maximale s’impose. Sinon, gare au cheval de bois ! Passée l’étape d’adaptation, la symbiose entre pilote et machine devient fantastique.

Maintenance et restauration

En cumulant les statistiques, j’ai remarqué que plusieurs personnes s’acquittent personnellement de la maintenance. C’est assez significatif de la facilité des travaux requis. Le Luscombe se veut ainsi moins dispendieux à entretenir et donc à opérer. D’ailleurs, même en préservant la validité de son certificat de navigabilité, le Luscombe ne génère pas des factures d’entretien exorbitantes. Techniquement, on portera une attention particulière au niveau d’huile (Royco 756) de l’amortisseur central du train principal. Ancré entre les sièges, son accès requiert peu d’ouvrage. D’autre part, comme sur tous les tail dragger, une inspection du raccord du fuselage au niveau des empennages permettra de détecter de l’éventuelle corrosion. À l’aéroport de Joliette (CSG3), Olivier Pinard – pilote privé et technicien d’entretien d’aéronefs (TEA) – restaure un Luscombe 8A (1946). Il l’a racheté à une compagnie d’assurances. Suite à un cheval de bois, C-FLWS a été endommagé au niveau de l’atterrisseur tubulaire droit. De plus, la bipale McCauley a été tordue. Bien évidemment, cette avarie a entraîné une inspection globale du quatre-cylindres Continental. Heureusement, rien de majeur ! Comme me le confirme le sympathique mécano lors de notre entrevue, on trouve facilement des pièces usagées sur Internet. Luscombe Silvaire Aircraft Company, Univair Aircraft Corporation ou encore Aircraft Spruce disposent également de stocks variés. L’adhésion (gratuite) au groupe Facebook Luscombe Parts (654 membres) peut aussi aider dans la quête de composants, d’infos et de conseils.

Olivier Pinard, mécanicien aviation (TEA) et propriétaire de C-FLWS, remonte le carénage de l’atterrisseur droit.

Vérification du niveau d’huile (Royco 756) de l’amortisseur central du train principal.

Les AD’s…

En consultant en ligne la page SWIMN de Transports Canada, les utilisateurs relèveront peu de consignes de navigabilité. En fait, depuis 1996, rien de significatif sur la cellule.  La CN 96-24- 17R1 réfère à une inspection obligatoire du longeron principal (visant à détecter de la corrosion éventuelle). Concernant le remplacement de cylindres certifiés de marque ECi, la FAA a également émis certaines directives (suite à la désagrégation partielle de têtes). On se référera alors à la CN 2016-16-12. On le voit, le Luscombe 8A (mais aussi ses successeurs) ne semble guère problématique.

L’offre et la demande

Monomoteur de grande valeur technique, le Luscombe 8 (et ses dérivés) ne se détaille néanmoins pas très cher sur le marché de l’occasion. En compulsant les dernières annonces publiées en ligne sur Controller (1 offre) et Trade-A-Plane (3 offres), je notais que les prix varient de 17 000 à 41 000 $ US. Le plus dispendieux étant un Model 8E, construit en 1947 (2230 heures totales), basé en Angleterre, joliment restauré et copieusement modifié. À l’opposé, le moins coûteux demeurant un 8A, de 1946 (1508 heures totales), apparemment en bonnes conditions et stationné dans un hangar. Peut-être une bonne affaire ! Dans la section Petites annonces du magazine L’Aviateur – encarté dans Aviation : rien dans le précédent numéro ni dans celui-ci ! À titre indicatif, Olivier Pinard envisage de céder prochainement C-FLWS. Prix estimé : ± 27 000 $ CA (incluant la révision annuelle).

Continental A65-8 positionné face à son bâti-moteur.

 

Réfection de la cabine de C-FLWS.

Une reprise pour le Luscombe ?

Les projets pour relancer le fameux biplace ne datent pas d’aujourd’hui. Ni même d’hier ! Déjà, en 1949, la marque était cédée à Temco Aircraft Corporation qui continua la production. Puis, en 1959, la Silvaire Company de Fourth Collins (Colorado) – une compagnie minière d’extraction d’uranium – racheta les droits de commercialisation. S’embourbant dans le développement d’un hypothétique quadriplace, la nouvelle direction ne réussit qu’à produire que 80 machines. En 1960, les activités cessèrent définitivement. Trois décennies plus tard, John Dearden récupéra la machinerie et l’outillage des chaînes de montage Luscombe. Laissés quasiment à l’abandon sur un terrain privé, des quantités de gabarits, outils, presses, moules, plieuses, moulurières et autres emboutisseuses dormaient ainsi depuis des lustres. Après avoir répertorié et rangé ce précieux inventaire, le pragmatique Américain (décédé en 2018) redéfinit l’application des pièces et de l’outillage. Un travail qui l’amena à retracer d’anciens ouvriers et à les sortir de leur retraite. Finalement, moult secrets furent livrés. Certains éléments demeurèrent toutefois énigmatiques. Face à ce puzzle pas tout à fait reconstitué, des techniques de substitutions durent être employées. Une nouvelle société fut alors fondée : Renaissance Aircraft, LCC. But : produire des « super » Luscombe. Dans la continuité du Model 8, le Renaissance 8F – au fuselage renforcé pour supporter une masse maxi supérieure (1800 lb – 816 kg) – développait 150 ch. À ma connaissance, un seul exemplaire fut construit. Je l’ai vu chez AMD, en Géorgie, dans les années 2000. Malheureusement, des difficultés de financement conjuguées à des litiges se rapportant au certificat d’exploitation mirent un point d’orgue à tout essor. Puis, au Sun’n Fun 2007, les visiteurs découvrirent une version Light Sport Aircraft : le Luscombe LSA-8 tracté par un Continental O-200. Ce modèle, à ce jour, semble avoir dépassé le stade de prototype. Rebaptisé Luscombe Silvaire Model 08, ce SLSA est produit (au compte-gouttes) par Luscombe Silvaire Aircraft Company (Chino, Californie). Tarif actuel du modèle de base (VFR seulement) : 89 000 $ US. Parmi les différentes motorisations proposées, on notera un Rotec 7 (radial 7 cylindres) de 110 ch. Information : www.luscombe-silvaire.com.  Plus luxueuse que jamais, chromée à souhait et simplifiée au niveau de la maintenance, cette série contemporaine contribue à la pérennité d’un avion devenu assurément mythique.

Luscombe 8A en reconstruction (Airmecanic, CSG3).

 

Devinettes sur le Luscombe 8 et dérivés

a)      Peut-on équiper cet avion de flotteurs et/ou de skis ?

b)      En pourcentage, combien de Luscombe détiennent un certificat de navigabilité spécial Maintenance par le propriétaire ?

c)      A-t-on déjà utilisé cet aéronef pour faire de l’épandage agricole ?

 

 

Réponses : a) oui (les 2)    b) environ 15 pour cent    c) oui (modèle, en tandem, T8F)

 

Luscombe 8A… en quelques chiffres

Envergure : 35 pi (10,67 m)

Longueur : 20 pi (6,1 m)

Hauteur : 6 pi 3 po (1,9 m)

Places : 2

Masse à vide : 750 lb (340 kg)

Masse maximale : 1 260 lb (572 kg)

Moteur : Continental A65-8

Puissance : 65 ch

TBO : 1 200 h

Hélice : bipale à pas fixe (Ø maxi, version sur roues : 79 po – 2 m)

Réservoir(s) : 14 gal (53 l) sur la version intégrée dans le fuselage – 12,5 gal (47 l) sur la version intégrée dans la voilure

Vitesse maximale (Vne) : 145 mph (126 kias – 233 km/h)

Vitesse de croisière normale : 105 mph (91 kts – 169 km/h)

Vitesse de décrochage, sans puissance : 45 mph (39 kias – 72 km/h)

Distance franchissable : 300 sm (261 nm – 483 km)

Consommation : 4,5 gal/h (17 l/h)

Plafond pratique : 15 000 pi (4 572 m)

 

Texte et photos : Richard Saint-George