GUIDE DE RÉFÉRENCE
Construit à seulement 115 exemplaires, ce petit bimoteur quadriplace fait désormais partie des avions orphelins. Au Canada, on en dénombre encore quatre d’immatriculés, dont deux en Alberta et deux au Québec. Machine fiable et bien élaborée, elle concurrençait honorablement – en son temps – les Piper Twin Comanche et Beechcraft Duchess.
Le Grumman Cougar GA-7 est un aéronef développé en 1974 et introduit en 1978. Victimes de l’aura de Piper, les chaînes de montage – reprises par Gulfstream American – s’arrêtent moins de deux ans après le lancement du modèle. Cette trop courte carrière n’enlève rien aux qualités de ce bimoteur léger. Facile à piloter, solide et financièrement abordable, celui-ci est encore présentement compatible avec l’entraînement multi-IR. Laurentide Aviation, basée à Les Cèdres (CSS3), en possède deux. L’un (C-GRRM, année 1978, nº de série 0013) a été remis en état de vol (octobre 2018); l’autre (C-GXKP, année 1978, nº de série 0016) a été cannibalisé (recyclage des pièces structurelles et mécaniques).
Un avion-école
D’aspect extérieur, le Grumman Cougar GA-7 est relativement imposant. Haut perché sur son train tricycle rétractable à dispositif hydraulique, il se remarque facilement sur un tarmac. Dépassant en hauteur le Piper Seneca de quelque 4 po (0,10 m), ce félin de métal dispose néanmoins d’une envergure plus petite de 2 pi 1 po (0,635 m). En contrepartie, le profil de l’aile est plus épais. Avec ses 2 x 160 ch, le GA-7 demeure moindrement motorisé (Seneca I = 2 x 200 ch). Là s’arrêtent les comparaisons, car les deux appareils ont, à la base, des vocations différentes. Le Cougar, évolution des monomoteurs de la marque, a été créé pour répondre aux exigences des écoles de pilotage désirant offrir un bimoteur quadriplace efficient et économique. Le Seneca, variante bimoteur du Cherokee Six, a été dessiné pour satisfaire des businessmen pilotes ayant à se déplacer fréquemment. C’est un aéronef évidemment plus véloce, davantage spacieux mais aussi plus dispendieux à opérer.
Admission à l’espace cabine
Comme sur la plupart des multimoteurs légers, l’accès à bord du Cougar GA-7 se fait en prenant appui sur le marchepied (non escamotable), tout en s’agrippant à la poignée de service, puis en montant sur l’aile droite. L’unique porte passager s’ouvre sur la place copilote ou instructeur. De ce côté, le siège se rabat pour permettre aux passagers arrière de se faufiler. L’embarquement ne demande pas vraiment de contorsions. Devant comme derrière, le volume est perceptible. Même les personnes souffrant de légère claustrophobie devraient supporter le relatif confinement. En cas d’urgence, la fenêtre rectangulaire arrière gauche est conçue pour faire office d’issue (réglementaire) de secours. Question bagages, deux petites soutes sont disponibles : une dans la partie cargo, autorisant jusqu’à 175 lb (79 kg) et l’autre dans le nez de l’appareil, allouant un maximum de 75 lb (34 kg).
Cela peut paraître considérable, compte tenu de la motorisation limitée et sachant qu’avec les pleins et trois passagers on défonce déjà le devis de masse et centrage. D’ailleurs, souvent, le coffre antérieur est condamné pour éviter tout risque d’erreur ou tentative excessive. À l’avant, les sièges pilote et copilote/instructeur n’offrent pas une grande gamme de réglages : on peut juste les avancer ou les reculer. Question visibilité, la configuration volontairement assez haute offre un large spectre. Indépendamment du poste, les commandes principales sont très symétriques. Naturellement, à droite, des problèmes de parallaxe pénalisent un peu la lecture des instruments. De surcroît, les commutateurs et les interrupteurs situés à l’extrême gauche du tableau de bord restent alors hors de portée de main. Côté confort, il conviendra de relativiser la note : une machine quadragénaire n’offrant plus forcément le même standard qu’à sa sortie d’usine (dégradation du capitonnage, usure de la moquette, avachissement possible des harnais de sécurité et opacité partielle des vitres). Attention aussi au blocage possible des glissières des sièges avant ! La cellule, toutefois, résiste bien aux années. Bâtis solides et protégés efficacement contre la corrosion, ailes (aux surfaces collées) et fuselage conventionnel métallique conservent normalement leur intégrité. Seul souci : l’approvisionnement des pièces de rechange spécifiques. FletchAir Aviation, basé à Comfort (Texas), dispose de quelques références dans son stock. Mais comme le souligne le TEA Jean-François Charette, il faut parfois faire usiner certains composants devenus introuvables. C’est d’ailleurs ce qui a dû être réalisé, en 2018, lors de la remise en service de C-GRRM chez Mécano Air Services (CSG3).
Pilotage précis et agréable
Voler sur Cougar, c’est faire abstraction de performances au profit d’un budget raisonnable. Le complexe du Seneca ou du Diamond DA42 est donc hors sujet. Chaque élève choisissant sa monture en fonction du volume de sa bourse ! De toute façon, sur la licence, la qualification ME n’indique pas le modèle d’avion. Quant au carnet de vol, en début de carrière, il est davantage le reflet d’un crédit d’heures qu’un répertoire d’appareils pilotés. La maniabilité est normale, mais ce qui est remarquable, c’est la hauteur par rapport au sol qui confère une vision périphérique étendue. Les six manettes en avant, le Cougar rugit sur l’asphalte. L’accélération n’est pas foudroyante, mais la vitesse augmente assez vite. À 75 kias (139 km/h), on peut tirer sur le volant. La traction demande un certain effort. Les Grumman GA-7 sont réputés pour sembler plus lourds qu’ils ne le sont réellement. À la rotation comme à l’arrondi, cette sensation se confirme. Avec 25 po d’admission et 2500 tr/min et une assiette adéquate, les 95 kias (176 km/h) correspondent à la Vy. À ce régime, en conditions standards, le gentil fauve grimpe à quelque 1150 pi/min (5,8 m/sec). En cas de panne sur un moteur, la Vyse tombe à 85 kias (157 km/h). En croisière, avec 24 po et 2400 tr/min, on obtient facilement 135 kias (250 km/h). En cabine, le niveau sonore reste acceptable. La construction de la cellule s’articulant autour de pièces pour la plupart collées, au lieu d’être rivetées, une certaine fluidité est de mise. Le peu d’éléments saillants dans l’architecture confère, de surcroît, une pénétration naturelle dans l’air. Bimoteur de technologie traditionnelle, le moteur gauche est critique. Malgré tout, les ingénieurs ont vraiment conçu cet outil à l’adresse de pilotes peu expérimentés. Aussi, les nacelles des groupes motopropulseurs sont disposées le plus près possible du fuselage. Le souffle hélicoïdal étant invariablement dissymétrique, le déséquilibre résultant sur l’empennage est, sur le Cougar, moindre que sur la plupart des multimoteurs conventionnels. Il est intéressant de noter que la Vmca (vitesse minimale de contrôle sur un moteur) est de 61 kias (113 km/h), soit inférieure de 10 kias (18 km/h) à la Vs (vitesse de décrochage lisse) donnée à 71 KIAS (131 km/h). Le positionnement des moteurs explique globalement cette performance assez rare sur ce type d’aéronef. En cas de perte totale de la motorisation, la meilleure vitesse de plané (à masse maxi) est de 98 kias (181 km/h). À l’atterrissage, le train principal s’ouvrant vers l’extérieur, le mécanisme résiste bien aux touchers obliques durs. À l’avant, la jambe se déplie face au vent relatif : cela facilitant la manœuvre et le verrouillage. Vraiment, la philosophie Cougar réside dans la fonctionnalité. Logique pour un appareil d’entraînement ! Pourtant, on ne pourra faire abstraction de la désormais obsolescence de l’avionique. Heureusement, l’avènement d’instruments numériques d’appoint (merci Garmin, Avidyne et consorts !) permet d’actualiser les planches de bord.
Valeur, AD´s, et plus
Très peu de petites annonces se rapportent au Grumman Cougar GA-7. Construit à petite échelle et seulement de 1978 à 1979, ce bimoteur a la valeur qu’on veut bien lui accorder. Sur Trade-A-Plane, j’en ai déniché deux à vendre. Prix : 92 000 et 102 000 $ US. Le premier, N37DK (année 1978, 4594 heures TTSN, basé en Floride), est en bout de potentiel moteurs (1924 heures chacun). L’instrumentation est modernisée. La cellule paraît en bon état. L’extérieur est coté 5 et l’intérieur 6. Quant au second, N727GA (année 1978, 5770 heures TTSN, basé en Floride), dispose d’un bien meilleur potentiel moteurs (671 heures chacun). L’avionique est également actualisée. Déclarée en bonnes conditions, sa cellule jouit d’une finition extérieure et intérieure supérieure. À considérer, l’un comme l’autre, avec une grande marge de négociation ! Comme pour n’importe quel aéronef, le site de Transports Canada SWIMN répertorie chaque consigne de navigabilité. En tapant l’immatriculation du Cougar GA-7 désigné, une liste chronologique s’affiche immédiatement. Par exemple, pour C-GRRM opéré par Laurentide Aviation, le dernier AD’s structurel remonte au 8 juin 1992 (grippage de l’élévateur). Il s’applique à tous les numéros de série (0001 à 0115). On peut aussi compulser ces directives ainsi que d’autres informations techniques sur https://www.grummanpilotsassociation.com/. Cette association américaine regroupe 1985 pilotes propriétaires et exploitants de Cougar, mais également de Cheetah, Lynx, Tiger, etc.
De l’extinction du Cougar à l’impossible Tangara
Le Grumman Cougar GA-7 demeure un petit bimoteur ayant fait ses preuves. Certes, il semble sous-motorisé. Par temps chaud, celui-ci s’essouffle vite et, sur un moteur, il a parfois du mal à tenir le palier (Vz sur 1 moteur, niveau mer, conditions standards : 200 pi/min, soit 1 m/sec). C’est (peut-être) ce qui est arrivé à C-GDBD (nº de série 009), le 24 avril 2013. Suite à une panne, le pilote a dû se vacher dans un champ situé à l’est de Cochrane (Alberta). Heureusement, ce dernier (seul à bord) est sorti presque indemne de la mésaventure. L’appareil, en revanche, s’est brisé au niveau de la queue et les ailes ont été sérieusement endommagées. Perte totale, cet avion – autrefois exploité par l’Aéroclub de Montréal (CYHU) – a été rayé du registre de Transports Canada en juin 2014. Aujourd’hui et à l’échelle mondiale, on dénombrerait moins de 70 Cougar en état de navigabilité. La plupart d’entre eux volent ou sont remisés aux USA. Depuis longtemps, Gulfstream ne détient plus le certificat de type de l’appareil. C’est la société française SOCATA, devenue depuis Daher, qui l’a acquis en 1995. Une version plus musclée (2 x 180 ch) et rebaptisée TBM 320/360 Tangara aurait pu sortir mais végète encore (et indéfiniment) dans les cartons de l’avionneur français. Trop complexe à produire et à commercialiser, ce bimoteur entrerait aujourd’hui en concurrence avec le Piper Seminole NXi (voire le Seneca G1000) ou encore le Tecnam P2006T. Rappelons que le Cougar a déjà été construit en Angleterre, sous licence par Britten Norman. Après les États-Unis, c’est dans ce pays que le modèle a atteint sa plus haute popularité. Sans presque aucune chance d’être ressuscité, le Grumman Cougar GA-7 s’éteindra peu à peu mais subsistera dans la mémoire collective aéro. Puis, à long terme, quelques musées exposeront de rares exemplaires pour satisfaire la curiosité de tout un chacun.
Devinettes sur le Grumman Cougar GA-7
a) Le Grumman Cougar F-9-F est une version quadrimoteur : vrai ou faux ? b) Le profil de l’aile est-il un NACA, USA ou GOTTINGEN ? c) La déflexion des volets est soit neutre, positive ou négative : vrai ou faux ?
|
Réponses : a) faux, il s’agit d’un chasseur propulsé par une Pratt & Whitney J48-P-8A b) NACA 63A415 c) seulement neutre et positive (de 0 à 30 deg) |
Grumman Cougar GA-7… en quelques chiffres
Envergure : 36 pi 10 po (11,22 m) Longueur : 29 pi 8 po (9,04 m) Hauteur : 10 pi 4 po (3,14 m) Places : 4 Masse à vide standard : 2 569 lb (1 165 kg) Masse maximale : 3 800 lb (1 724 kg) Facteurs de charge : +3,8 g / -1,5 g Moteurs : 2 x Lycoming O-320-D1D Puissance : 2 x 160 ch TBO : 2 000 h Hélice : 2 x bipales Hartzell HC‐F2YL‐2UF/FC7663D‐3 ¤ 73 po (1,85 m) à vitesse constante Réservoirs : 2 x 59 gal (2 x 223 l) Vitesse maximale (Vne) : 188 kias (348 km/h) Vitesse minimale sur 1 moteur (Vmca) : 61 kias (113 km/h) Vitesse de croisière @ 2 400 tr/min, 63 % puissance, 6 000 pi (1 829 m) : 143 kts (265 km/h) Vitesse de décrochage, sans puissance, volets et train relevés : 71 kias (131 km/h) Distance de décollage @ masse maxi, conditions standards : 1 000 pi (305 m) Distance franchissable : 1 170 nm (2 167 km) Consommation @ 2 400 tr/min, 63 % puissance, 6 000 pi (1 829 m) : 16 gal (61 l) Plafonds pratiques : sur 2 moteurs : 17 400 pi (5 304 m) – sur 1 moteur : 4 250 pi (1 295 m) |