Quand on parle de main-d’œuvre en aérospatiale, cela inclut les industries du secteur de la fabrication en aéronautique, du transport aérien ainsi que des aéroports. C’est un secteur de première importance pour l’économie québécoise puisqu’une personne sur 96 travaille dans l’aérospatiale et cette proportion monte à une sur 52 pour la grande région de Montréal.
Les intervenants
Le CAMAQ (Comité sectoriel de la main-d’œuvre en aérospatiale au Québec) a pour rôle de promouvoir les perspectives de développement professionnel et l’excellence de l’industrie aérospatiale. Le CAMAQ compile les données statistiques concernant la main-d’œuvre en aérospatiale et établit quels seront les besoins futurs.
L’ÉMAM (École des métiers de l’aérospatiale de Montréal), comme son nom l’indique, offre neuf formations professionnelles spécialisées dans l’aérospatiale. Les formations sont les suivantes :
- Montage de câbles
- Montage de structure
- Montage mécanique
- Outillage et rembourrage d’aéronefs
- Techniques d’usinage
- Tôlerie de précision
- Traitement de surface
- Usinage sur machine
L’ÉNA (École nationale d’aérotechnique) dispense trois formations qui sont :
- Techniques de maintenance d’aéronefs
- Techniques d’avionique
- Techniques de génie aérospatial
Il y a le ministère de l’Éducation ainsi que les différents ministères québécois et canadiens qui offrent des programmes de formation et de développement de la main-d’œuvre.
Les entreprises ont également un rôle à jouer dans le développement et la formation de la main-d’œuvre puisque ce sont elles qui déterminent les besoins. Les syndicats participent aussi aux différentes tables de concertation.
C’est Aéro Montréal qui a le rôle de rassembler tous les intervenants en matière de formation de la main-d’œuvre par l’entremise de son chantier Relève et main-d’œuvre dont le mandat est d’assurer la planification, la coordination et la réalisation d’un plan d’action concerté afin de répondre aux grands enjeux de la relève et de la formation de la main-d’œuvre en aérospatiale au Québec.
Les changements technologiques et l’ÉMAM
L’industrie aérospatiale est le secteur d’activité qui investit le plus dans la recherche et le développement et cela impose un défi important pour maintenir les compétences à jour. Les méthodes de production et de travail changent et il faut être disposé à se former et s’adapter afin de suivre le rythme.
En avril 2016, le chantier Relève et main-d’œuvre d’Aéro Montréal a tenu le forum Aéro Talents et un livre blanc a été produit par la suite. L’arrivée de l’industrie 4.0 a été clairement identifiée comme un enjeu majeur pour les entreprises de fabrication du secteur aérospatial.
L’ÉMAM n’a pas tardé à se mettre à l’ère de l’industrie 4.0 et elle a adapté ses formations en conséquence. Elle possède un parc machine d’une valeur de près de 30 M$. Le directeur de l’ÉMAM, M. Mario Héroux, mentionne que les techniques d’usinage ont beaucoup changé. Autrefois, un machiniste ne s’occupait que d’un seul équipement, alors que de nos jours il est responsable d’un groupe de plusieurs machines qui opèrent de manière quasi autonome. Pour être capable de bien accomplir ces tâches, les travailleurs doivent comprendre comment les machines sont programmées et leur fonctionnement.
La formation continue à l’ÉMAM
La formation continue est un secteur qui prend de plus en plus de place et l’ÉMAM offre plusieurs programmes dont certains se donnent directement chez l’employeur. Premier Aviation de Québec et AAR de Trois-Rivières sont deux entreprises qui accueillent chacune une cohorte dans leurs murs. Cela permet d’avoir un système d’alternance travail-études qui offre beaucoup plus de flexibilité financière aux personnes qui choisissent cette option.
Les formations, d’une moyenne de 975 heures, comportent 30 % de cours théoriques; la pratique représente 70 % du temps de formation. Les formations dispensées par l’ÉMAM sont donc faites sur mesure pour les personnalités manuelles. Il y a actuellement environ 400 étudiants à l’ÉMAM sur une capacité de 1200.
L’ÉMAM est à revoir le curriculum du programme de formation Montage de câbles afin de l’actualiser. Comme elle est le seul établissement d’enseignement secondaire au Québec dans le domaine, cela lui évite le long processus de consultation avec les autres établissements d’enseignement. Il faut tout de même compter une quinzaine de mois afin de revoir le programme en profondeur. D’autres programmes de formation pourraient également être revus dans les années à venir.
Le grand bond technologique de l’ÉNA
Pour l’instant, l’ÉNA n’entend pas revoir le curriculum de ses programmes de formation, mais cela ne veut pas dire que la formation dispensée aux étudiants n’évolue pas. L’arrivée à l’automne dernier du C Series FTV3 donné par Bombardier est une occasion de revoir la matière. Plusieurs professeurs de l’ÉNA sont actuellement à apprendre les manuels techniques du nouveau venu afin de pouvoir intégrer à leur cours la formation sur cet avion de ligne ultra moderne.
En ce moment, le FTV3 est gardé en état de vol et, tous les dix jours, des employés d’Airbus viennent prêter assistance au personnel de l’ÉNA afin de procéder à un démarrage des moteurs. Cela permet de faire fonctionner tous les systèmes et de vérifier leur état. Le directeur de l’ÉNA, M. Pascal Désilets, rappelle que le FTV3 a servi à la certification de l’avionique et que plusieurs consoles reproduisant tous les instruments du tableau de bord sont installées. « C’est une véritable salle de classe avec une avionique de pointe dont nous disposons maintenant », précise-t-il. Intégrer l’entretien de l’A220 à la formation des étudiants permettra à l’ÉNA de faire un bond technologique important et M. Désilets considère que c’est un privilège d’avoir un tel outil de formation.
Le CTA (Centre de technologique aérospatiale), qui est rattaché à l’ÉNA, permet de faire du transfert technologique de l’industrie privée vers l’enseignement. Quinze professeurs de l’ÉNA participent à divers programmes de recherche du CTA. Il y a quelques années, le CTA a développé une ligne de production intelligente pour Pratt & Whitney Canada; une fois le développement complété, ce sont les professeurs de l’ÉNA qui ont créé le programme de formation.
L’ÉNA est à mettre sur pied une AEC (attestation d’études collégiales) en assemblage et entretien de cabine. Cette formation a pour but de répondre à la demande grandissante de ce secteur d’activité qui se développe dans la région de Montréal. La finition intérieure d’avions d’affaires est un secteur où la précision et le souci du détail sont très importants et qui demande des compétences très particulières.
M. Désilets mentionne qu’avec l’arrivée de l’industrie 4.0, le travail en aérospatiale s’effectue de plus en plus souvent au sein d’équipes multidisciplinaires et que le savoir-être devient de plus en plus important pour les travailleurs. Les compétences relationnelles font maintenant partie des compétences transversales que l’étudiant doit acquérir.
La formation continue à l’ÉNA
La formation continue fait également partie intégrale de la mission éducative de l’ÉNA et elle offre plusieurs formations spécialisées en industrie afin de combler certaines lacunes; l’entretien et la réparation des matériaux composites en sont un exemple.
L’ÉNA offre également ses deux programmes principaux, entretien d’aéronefs et avionique. Ils sont donnés sous forme de DEC ou d’AEC. Elle offre également 13 programmes de formation complémentaire au coût de 1 $ l’heure qui sont : lecture de plans, instruments de mesure, tolérance géométrique, CMM, inspection visuelle, sensibilisation à la qualité, introduction à CATIA, dessin technique avec CATIA, création d’assemblages avec CATIA, programmation CNC avec CATIA, Bootcamp aéronautique, avionique pour mécanicien et facteurs humains.
Le défi du recrutement
S’il y a une pénurie de main-d’œuvre, il y a également moins d’étudiants à recruter et il faut sortir des sentiers battus pour inciter les élèves du secondaire à choisir une carrière en aéronautique.
C’est dans le but de rejoindre le plus grand nombre de jeunes que le chantier Relève et main-d’œuvre d’Aéro Montréal, le CAMAQ, l’ÉMAM et l’ÉNA ont créé l’initiative #OSELAERO qui vise à rejoindre le plus grand nombre possible de jeunes afin de les informer sur les perspectives de carrières en aérospatiale. Lancée au printemps 2018, #OSELAERO commence à donner des résultats alors que l’ÉMAM et l’ÉNA ont connu une forte augmentation du taux de participation aux différentes journées portes ouvertes qu’elles ont organisées depuis l’automne 2018.
À elle seule, l’ÉNA a connu une augmentation de 17 % du nombre de demandes d’admission pour la session de septembre 2019. La formation continue à l’ÉNA est aussi en forte progression alors que le nombre d’inscriptions a doublé au cours des trois dernières années.
Lors d’une analyse du nombre d’inscriptions annuelles sur plusieurs décennies, l’ÉNA a réalisé qu’il y avait une forte hausse des inscriptions à l’hiver lorsqu’il y avait eu un spectacle aérien dans la grande région de Montréal l’été précédent. Cette statistique a été un facteur déterminant dans la décision de tenir un salon aérien à l’aéroport de Saint-Hubert.
Le chantier Relève et main-d’œuvre d’Aéro Montréal collabore avec le Cosmodôme de Laval avec les initiatives passion naissante pour les élèves du deuxième cycle du primaire ainsi que passion pour l’aviation destinée aux élèves du premier cycle du secondaire. Chaque année, le Cosmodôme rejoint plus de 70 000 jeunes et leur fait découvrir les sciences de l’aéronautique par le biais de présentations, suivies d’exercices pratiques.
Une solution au manque d’employés d’expérience
L’actuelle pénurie de main-d’œuvre fait naître un nouveau problème pour les entreprises, car lorsque les baby-boomers partent à la retraite, ils apportent tout leur bagage d’expérience avec eux. Le manque de personnel d’expérience devient alors un problème.
Les besoins en formation de main-d’œuvre étant plus grands que l’offre des établissements publics, des entreprises privées de formation se développent afin de combler le vide. C’est le cas de Mentor Aero qui offre des formations spécialisées afin de combler ce qui ne l’est pas par le secteur public.
Mentor Aero offre, entre autres, une formation avancée sur l’analyse de panne et diagnostic (troubleshooting), permettant d’améliorer les performances d’une équipe de maintenance. Mentor Aero réunit une équipe de techniciens experts, capables de faire du transfert de connaissances afin de permettre à une équipe d’acquérir plus rapidement de l’expérience.
L’entreprise ayant recours aux services de Mentor Aero verra ses coûts d’entretien être réduits puisque son équipe sera alors en mesure de régler plus rapidement les problèmes les plus fréquents comme les plus rares. L’analyse de panne et diagnostic n’est qu’une des formations permettant de faire du transfert de connaissances qu’offre Mentor Aero.
Si les besoins en matière de formation de main-d’œuvre sont nombreux, les solutions existent. Les compagnies membres de la grappe aérospatiale québécoise comprennent qu’il est nécessaire d’intervenir sur plusieurs fronts afin de pouvoir combler tous leurs besoins de main-d’œuvre.