Le Critical Service Bulletin CSB09-11A, émis par Continental Motors en septembre 2009, met en garde les pilotes quant à l’adoption d’un régime moteur trop bas sur ses six cylindres. Un avertissement toujours d’actualité neuf ans plus tard !

Moteur Continental IO-520 sur un banc d’assemblage.

Les moteurs neufs et reconditionnés O-470-G; IO-470-N; IO-520-BB, CB, MB, P; IO-550-A, B, C, D, E, F, G, L, M, N, P, R; IOF-550-B, C, D, E, F, L, N, P, R; TSIO-520-AE, BB, BE, CE, DB, EB, JB, KB, LB, NB, UB, VB, WB; LTSIO-520AE; TSIO-550-A, B, C, E, K, N; TSIOF-550-D, J, K, P; TSIOL- 550-A, B, C sont concernés par ledit bulletin. En synthèse, le motoriste de l’Alabama avertit aviateurs et exploitants d’un risque de désolidarisation des contrepoids mobiles sur les vilebrequins. Un incident majeur pouvant entraîner l’arrêt intempestif de n’importe quel modèle ! La cause ? Un régime de croisière inadéquat sur les moteurs incriminés. D’où l’exigence d’appliquer, au-delà de toutes considérations économiques ou idéologiques, les directives publiées dans tout manuel d’instructions ou POH!

Principe des contrepoids dynamiques

Sur les gros moteurs Continental, l’absorption de l’énergie résultant de la torsion du vilebrequin est assurée par 4 contrepoids mobiles. Montés par deux, en opposition, ces pendulum absorbers (autre terme consacré en anglais pour les nommer) s’articulent chacun autour de 2 axes. Ces derniers possèdent un diamètre inférieur aux bagues des supports fixes intégrés au vilebrequin. Cette technologie permet auxdits mécanismes de travailler indépendamment et sous diverses perspectives. À régime adéquat, en croisière, ces contrepoids font office d’amortisseurs de résonnance (harmonic dampers en anglais aérotechnique). Pour info, la fréquence critique apparaît vers 2000 tr/min. Phénomène gravissime devant être à tout prix évité ! Le mot prix revêtant ici un caractère particulier puisque c’est essentiellement par souci d’économie que nombre de pilotes modèrent le régime des gros cubes. Une épargne qui n’en est pas une et qui, à terme, peut s’avérer catastrophique, voire fatale. Aussi, comme le stipule le bulletin cité en début d’article, les moteurs référencés ne doivent pas tourner à moins de 2300 tr/min de façon prolongée, soit en croisière soutenue.

Causes et conséquences

Lorsque la révolution d’un six-cylindres Continental se situe sous la barre des 2300 tr/min, le débattement des contrepoids mobiles n’atteint pas sa pleine amplitude. À bas régime continu, les axes de chaque masselotte finissent par déformer les bagues serties dans les supports forgés. Une telle altération générera certaines vibrations (symptôme annonciateur) et empêchera, à plus haute puissance, les dispositifs de se déployer complètement. Sans rectification (changement de comportement, lorsqu’il en est encore temps, ou réparation si nécessaire), cet enchaînement engendrera la rupture de l’un des quatre mécanismes.

Désassemblage d’un contrepoids Lycoming TIO-540 + axes, circlips et plaquettes de son socle bagué.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dispositions à prendre

Cette usure des bagues, éventuellement due à un mauvais régime, ne constitue pas la seule raison commandant une vérification, voire une restauration des contrepoids. Un bris d’hélice ou son endommagement (prop strike) inclura, dans l’inspection générale du vilebrequin, la dépose desdits mécanismes afin de s’assurer qu’aucune encoche n’existe. En cas de défectuosité, même légère, les pièces devront être réformées. À titre indicatif, ce sont surtout les axes qui souffrent lors d’un arrêt brutal. Autre aspect à considérer : le remplacement d’une hélice d’origine par un spécimen différent. Dans certains cas, il faudra changer les contrepoids initiaux. Cela pour équilibrer les masses en rotation et prévenir toute résonnance. Faciles à déposer et à remplacer – axes retenus de chaque côté par une rondelle et un circlip – ces masselottes articulées requièrent toutefois l’attention exclusive d’un mécanicien certifié spécialisé. Enfin, même si Lycoming ne publie aucun bulletin similaire – les vilebrequins de cette marque sont plus massifs que ceux de Continental et ne possèdent que 2 contrepoids (proches de l’engrenage de l’arbre à cames. Idem chez Continental) – Aéro Atelier (CSL3) conseille de toujours se référer aux tableaux de réglage édités (POH et/ou documentation du motoriste).

Vilebrequin Continental IO-520, déposé à côté de l’arbre à cames et des cylindres.

Chronique proposée par Richard Saint-George, en collaboration avec Aéro Atelier