À partir du moment où l’on détient son brevet de pilote, on acquiert de facto le privilège d’avoir la possibilité de parcourir de longues distances en un temps relativement plus court qu’en utilisant l’automobile. Je dis relativement car nombreux commenteront : l’aviation privée est un moyen de transport rapide pour les gens peu pressés!
Vrai en partie, car une bonne planification, avec toutefois certaines réserves, permet vraiment d’exploiter au maximum les heures de loisirs dont nous disposons pour parcourir en un laps de temps inaccessible jusqu’alors des trajets impensables en voiture, transport routier ou autre.
Depuis ma toute première chronique dans ce magazine, je planifiais rédiger un texte exposant les préparatifs essentiels à la réalisation de vols agréables, sécuritaires et enrichissants. Ce qui suit constitue donc le sommaire de mon expérience acquise au fil de nombreux voyages, la plupart du temps agréables et d’autres un peu moins. Somme toute, l’expérience du vécu est sans pareille et m’a conduit à établir un protocole de planification dont je vous expose l’essentiel dans ce numéro.
Que vous soyez donc propriétaire de votre appareil, d’une part dans un avion d’un bloc d’heures ou si vous louez celui-ci, vous rêvez tous un jour d’horizons lointains, qu’ils se trouvent aux confins du Québec, dans les Maritimes, sur la côte est américaine, à New York, en Floride, aux Bahamas, et j’en passe… Y penser nous fait rêver! Mais contrairement à une planification reposant sur un déplacement en voiture ou sur les lignes aériennes, il peut s’avérer problématique et laborieux de déterminer une date bien à l’avance.
Voyons ici quels sont les éléments à considérer lorsque l’on envisage un voyage échelonné sur cinq jours et plus.
Les éléments majeurs liés à une bonne planification d’un pareil voyage sont, à mon avis : l’avion, le pilote, la destination et, évidemment, la météo…
L’avion
Peu importe l’avion utilisé, celui-ci doit évidemment disposer d’un certificat de navigabilité en vigueur et être en bon état de vol, à savoir qu’il n’existe aucun motif de croire que sa mécanique ou son avionique nécessite à court terme une maintenance.
Sur ce point, il faudrait éviter de l’utiliser pour un vol-voyage de plusieurs heures loin de chez soi, au cours des 2 à 3 heures qui suivent son inspection annuelle ou autre maintenance majeure (remplacement de cylindres, de magnétos etc.). Les statistiques démontrent qu’un nombre appréciable d’incidents attribuables à un oubli mécanique ou encore à un dommage par inadvertance causé lors de l’inspection par le mécanicien (mechanical induced failure) surviennent peu de temps après de pareilles interventions intrusives.
Assurez-vous de plus d’emporter à bord une trousse de survie de base dont la composition sera déterminée par votre destination. Si votre parcours vous conduit à survoler des zones inhospitalières, par exemple des montagnes ou de larges étendues d’eau, vous prendrez soin de transporter un éventail de produits qui vous permettront à la fois d’être repéré rapidement et de survivre quelques jours adéquatement. On peut composer soi-même sa trousse ou encore s’en procurer une sur le web.
Apportez également des attaches (tie-downs) de sol si votre aéroport de destination n’est pas desservi par un FBO; je vous suggère également d’emporter quelques outils de base et au moins un à deux litres d’huile à moteur. Si possible et accessible, achetez ou empruntez un PLB (de type In Reach ou Garmin). Son usage pourrait se révéler inestimable advenant le pire des scénarios…
La destination
Choisissez votre destination à la lumière de votre degré de confort de l’environnement de la piste que vous sélectionnerez; on ne se prépare pas de la même façon si l’on va à Bonaventure, à Bar Harbor ou à New York… Si vous hésitez, faites-vous accompagner par un pilote de plus grande expérience, au moins la première fois, histoire de vous sécuriser et d’apprendre.
Inutile, par exemple, de vous souligner que les destinations situées sur la côte est des États-Unis sont souvent prisées par la communauté des pilotes et que le trafic peut s’y avérer intense. Une connaissance moyenne à approfondie des communications radio est recommandée et votre anglais parlé et compris doit être sans équivoque. À KBHB (Bar Harbor), où je vais chaque année, pour n’en citer qu’un, les week-ends d’été sont achalandés et il n’est pas rare que les deux pistes de cet aéroport soient en usage simultané, et ce, bien qu’il n’y ait pas de tour de contrôle. Il est donc bien important de visualiser mentalement votre approche de cet aéroport avant d’y arriver et, en plus, d’exercer une vigilance constante à la radio et à la vue pour bien localiser tout trafic potentiellement conflictuel. Évidemment, disposer d’un TCAS est un atout!
Côté logement, parcourez les sites internet pour les réservations d’hôtels. Il y en a plusieurs qui offrent l’annulation sans frais le jour même avant 16 h; pour aucune considération, ne réservez pas à rabais sans cette possibilité, car cela risque trop de vous influencer pour votre décision à décoller ou non le jour venu. Idéalement, ayez un plan B pour le voyage…
La veille de votre départ, validez la météo prévue à destination en portant une attention particulière aux vents de surface. Il m’est arrivé d’avoir choisi un aéroport sur un segment de route vers la Floride uniquement en raison du prix de l’essence et de la longueur de sa piste. Bien mal m’en prit, car à mon arrivée, j’ai constaté en finale des vents de travers à 90 degrés de plus de 25 nœuds. J’ai dû effectuer une remontée et opter pour une piste alternative à 35 minutes de là. Heureusement que mes réserves d’essence étaient confortables…
N’hésitez pas non plus à vous renseigner auprès de pilotes qui ont déjà posé leur appareil à la destination que vous ciblez. Consultez les forums disponibles et accédez aux outils disponibles sur Aviateurs.Québec, COPA ou AOPA. Pour le choix et la planification de la route et de ma destination, j’utilise Foreflight (quoiqu’il existe d’autres applications comme Flight Plan et Aerovie).
Optez, autant que possible, suivant la base ou le sommet des nuages, pour une altitude de croisière supérieure à 5000 pieds. La turbulence y est pratiquement nulle (les passagers apprécieront…) et les performances de l’avion seront optimales côté vitesse et consommation d’essence.
Idéalement, vous détiendrez ou projetterez d’obtenir une annotation IFR. Alors que j’avais environ 200 heures de vol en VFR, un voyage de quelques jours à Martha’s Vineyard (KMVY) s’est prolongé de quatre jours, car le matin prévu pour le retour, le plafond était à 300 pieds. Bien que l’on distinguait le disque solaire au travers, je demeurais hésitant à décoller. Un ami du voyage décolla quand même pour m’informer au retour qu’il se retrouva on top à 600 pieds et qu’il revint au Québec par ciel clair par la suite…
Je me suis inscrit au retour pour mon IFR et ne l’ai jamais regretté. Quel atout pour la sécurité si l’on entend utiliser au maximum son avion et repousser ses horizons!
La météo
Si seulement l’on pouvait se fier aux prévisions à long terme de MétéoMédia… Quand on planifie un séjour éloigné (quoique éloigné est bien relatif avec un avion), il est rassurant de valider (lire d’espérer…) qu’une bonne météo nous accompagnera à l’aller comme au retour. Même en mode IFR, il est de ces conditions qui peuvent poser problème aux pilotes qui, bien que détenant cette précieuse annotation, ne volent que très occasionnellement en conditions météo réelles, près des minimums.
Commencez (je suggère deux à trois semaines à l’avance) à cibler les dates pour votre voyage; dix jours avant la date choisie, étudiez attentivement les données météo accessibles au public et à l’aviation. Je suggère de consulter les sites internet meteocentre.com, usairnet.com, aviationweather.gov, flightplanning.navcanada.ca et les applications accuweather et windy. Inutile d’ajouter qu’un appel à la FSS la veille et le jour du départ est un must.
Pour ma part, je consulte d’abord les cartes pronostiques de surface pour la météo actuelle et celle prévue pour les 5 jours à venir; je valide ensuite ce que j’y observe à l’aide de la carte générale avec comme options le radar météo, les vents à l’altitude planifiée et les plafonds prévus. Prenez l’habitude quotidienne, dans vos moments perdus, de jeter un coup d’œil à ces prog charts. Observez les déplacements des fronts et des systèmes de haute et de basse pression. Cela vous sera des plus utiles pour anticiper les vents en croisière. Retenez qu’à l’approche d’une dépression, les vents auront tendance à souffler du sud alors qu’à l’approche d’une haute pression, ils proviendront du nord, nord-ouest.
Retenez également que ce vous voyez sur le radar NexRad est présenté avec un délai appréciable (15 à 20 minutes) et ne reflète pas toujours la réalité. Important à retenir si vous disposez à bord de l’instrumentation vous donnant accès à cette information. Depuis le sol, sur Foreflight par exemple, retenez que les zones vertes indiquent des probabilités de pluie légère alors que les zones jaunes de la pluie un peu plus dense mais ne réduisant pas de façon notable la visibilité. Voyez dans l’article d’ailleurs des photos que j’ai prises cet été dans la région de Sherbrooke de l’écran NEXRAD et de la réalité.
Le pilote
Assurez-vous d’être en forme (inutile d’en parler vous me direz… mais j’insiste quand même; j’ai tout dernièrement dû annuler un week-end à New York en raison d’une mauvaise nuit; faut dire que KTEB (Teterboro) n’accorde pas trop de marge de manœuvre…). Assurez-vous d’avoir sur vous votre PPl et médical à jour; imprégnez-vous d’aviation dans les 24 heures avant le départ et confiez à votre passager régulier ou votre personne responsable le rôle de gérer les passagers et les enfants. Votre rôle doit être strictement limité à conduire en sécurité cet appareil à destination, contre vents et marées!
Résistez à la pression de décoller le jour J si toutes les conditions anticipées ne sont pas au rendez-vous. Même si vos passagers sont emballés pour le voyage planifié, si la météo ou une défaillance soudaine, a priori bénigne, se manifeste, demeurez ferme et priorisez la sécurité de tous avant toute chose. Better be safe than sorry, comme les Anglais le disent si bien!
Cela dit, n’hésitez pas à communiquer avec moi, comme certains d’entre vous le font déjà, via mon adresse courriel, pour tous renseignements complémentaires ou interrogations, voire des suggestions de destinations et il me fera grand plaisir de vous répondre!
Joyeuses Fêtes à tous et de belles heures de vol devant vous!