GUIDE DE RÉFÉRENCE

Produit de 1947 à 1982, ce monomoteur est reconnaissable de loin avec son empennage papillon. Au Canada, toutes séries confondues, on en dénombre 138 exemplaires. Au Québec, seule une poignée sont enregistrés et volent encore.

Beechcraft Bonanza N35 (1961)

Le Model 35, en son temps, était un avion innovateur. Tout métal – excepté les quelques premières dizaines d’unités produites dont la voilure était entoilée – il concurrençait avantageusement le Cessna 195. Aile basse profilée, train tricycle rétractable, configuration jusqu’à 6 places + bagages, moteur de 285 ch, hélice à vitesse constante et – bien évidemment – queue en V, le Bonanza a été conçu pour voyager vite et loin. Annoncé à 176 kts (326 km/h) à 7000 pi (2134 m), son Continental (en bonnes conditions) consomme 15,2 gal/h (57 l/h). Avec les réservoirs de série pleins, à 45 % de sa puissance, l’avion peut parcourir 469 nm (869 km). En rajoutant des citernes optionnelles d’ailes – baptisées irrévérencieusement Dolly Parton Tip Tanks (chacun comprendra l’allusion !) – le même appareil peut plus que doubler sa distance franchissable. Malheureusement, au chapitre des surnoms, le Bonanza 35 (et dérivés A, B, C, D, etc.) traîne celui de V-tail Doctor Killer ou « Tueur de médecins ». Pourquoi ? Parce que, dans les années 1950 et 1960, nombre de médecins mais aussi d’avocats et autres représentants de professions libérales bien nantis se tuèrent peu de temps après avoir acquis un Bonanza. Mal formés et/ou avec peu d’expérience en vol IFR, ceux-ci outrepassèrent leurs compétences et défoncèrent les paramètres de leurs nouvelles machines. D’ailleurs, ce ne furent pas les seuls. Plusieurs ex-pilotes militaires payèrent aussi de leur vie quelques excès de confiance… Aux pires moments de la saga, on comptait 4,9 accidents mortels pour 100 000 heures de vol, soit plus du triple que sur un monomoteur de l’époque. Pourtant, aux dires de pilotes actuels volant régulièrement aux instruments, le Model 35 demeure un aéronef sûr et plaisant à manier pour qui respecte les limites de son enveloppe. À la décharge des malchanceux qui firent les premières statistiques, rappelons que l’avionneur de Wichita (Kansas) opéra successivement nombre de modifs structurelles pour renforcer l’empennage incriminé.

Empennages de type papillon (ci-haut: celui d’un N35 – ci-bas : celui d’un P35

Valeurs d’hier et d’aujourd’hui

Beechcraft commercialisa, en 1947, le Bonanza au tarif de 7 345 $ US, soit l’équivalent de 82 480 billets verts actuels. Pas cher en comparaison du prix de son évolution – un G36 neuf – ou de celui d’un six-places équivalent en 2018 ! On comprend mieux pourquoi les nouveaux avions se vendent moins bien de nos jours qu’il y a 71 ans ! D’ailleurs, ô paradoxe, un modèle 35 datant des années 1980, dans un état satisfaisant et avec un bon potentiel, peut dépasser les 100 000 $ US ! Exemple, relevé sur Internet : V35B, année 1981, TTSN 5000 heures, réservoirs de 74 gal (280 l), prix demandé : 114 000 $ US. Pour info, cette machine est visible chez Aeroteknic (CYHU). Un autre Bonanza, basé chez Bel Air Aviation (CSL3), est aussi sur le marché de l’occasion provincial. Cet appareil, comme bien d’autres du genre, a dû subir des réparations à cause de la corrosion. Notamment au niveau des pièces en magnésium : légères certes mais réputées sensibles ! Désormais en parfait état de navigabilité, il fera à n’en pas douter le bonheur d’un aficionado du Model 35. La plupart d’entre eux font partie d’ailleurs de la fameuse American Bonanza Society (www.bonanza.org). Basée évidemment à Wichita (Kansas), cette association regroupe plus de 9000 membres.

Focus sur l’unique marchepied (ancré à droite) et la roue droite (avec trappe) du train principal.

Jambe de l’atterrisseur avant, escamotable, incorporant un phare à iode.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AD’s et recommandations

Sans surprise, les consignes de navigabilité se rapportent essentiellement à l’empennage papillon. Pour information, on peut les consulter – tout comme n’importe quelle C.N. émise pour un avion immatriculé au pays – sur le site du ministère des Transports :

http://wwwapps3.tc.gc.ca/Saf-Sec-Sur/2/CAWIS-SWIMN/logon-cs0101.asp?lang=F

Parmi celles publiées, j’en ai relevé quatre :

  • 50-42-01 : Elevator Tab Replacement. En synthèse, on doit convertir l’intrados non cambré des compensateurs droit et gauche par un nouveau modèle cambré listé par le manufacturier. La même consigne amende le G. des aéronefs touchés.
  • 76-05-04 : Stabilizer Attach Fitting. Il s’agit de vérifier si aucune fissure n’hypothèque l’intégrité des fixations des stabilisateurs.
  • 89-05-02 : Magnesium Elevator Control Fittings. Dans ce cas, la fixation de la commande de profondeur d’origine en magnésium peut présenter des fissures. Ce qui requiert un contrôle toutes les 100 heures. En cas de dépistage positif, cela commandera un remplacement par une pièce fabriquée en alliage d’aluminium.
  • 97-06-11 : Ruddervator Differential Tail Control Rod Assy. À nouveau, cette consigne traite d’éventuels problèmes de désagrégation et/ou de craquelures sur les bielles de commande profondeur/direction. Après inspection, si aucune défectuosité n’est détectée, il faudra appliquer un inhibiteur de corrosion. Différentes méthodes peuvent être employées en accord avec les recommandations de Beech.

Bien entendu, cette courte liste ne représente qu’un échantillonnage des consignes de navigabilité émises depuis sept décennies. Chaque référence ne s’applique pas à tous les Bonanza série 35. L’interprétation et/ou son application revient au technicien détenteur d’une licence d’entretien d’aéronefs (TEA). En aucun cas, un simple pilote ou un propriétaire lambda ne peut procéder à une quelconque intervention se rapportant à un AD’s.

Bipale McCauley, à vitesse constante.

Une machine de collection

Puisque sorti entre 1945 et 1955, on peut qualifier le Model 35 d’avion classique. Aujourd’hui, mis à part le Cirrus Jet et quelques prototypes militaires, la plupart des aérodynes équipés d’une queue en V accusent plus d’un demi-siècle. À une époque où les matériaux composites n’existaient pas, le concept de l’empennage papillon – inventé en 1930 par l’ingénieur polonais Jerzy Stanislas Rudlicki – permettait d’alléger le poids à vide. Ce système diminue aussi la traînée induite. En contrepartie, la complexité des contrôles (jumelage profondeur et direction) complique les ajustements. De surcroît, cela augmente l’effort mécanique sur la queue. Enfin, un phénomène de roulis dit inverse marque ce type de construction. Pour avoir déjà piloté un V35, j’ai souvenance d’une tendance au roulis hollandais (en mode pilotage automatique). Cette attitude ne favorise pas le bien-être des pax. Et même des pilotes ! Malgré tout, j’aime bien cet avion d’un autre temps. Et je ne suis pas le seul. Les connaisseurs le convoitent. Les collectionneurs recherchent les plus beaux.

 

Devinettes sur le Beechcraft Bonanza série 35

a)      Combien de déclinaisons compte cette série (1re non lettrée, puis lettrées A, B, C, etc.) ?

b)      Le Model 35 est-il le seul Beech à posséder une queue papillon ?

c)      Dans quelle aventure de Tintin, Hergé fait-il évoluer une émulation de cet avion ?

 

Réponses : a) 18 b) non (une variante du BE33 fut livrée avec un V-tail)   c) L’affaire Tournesol

 

Beechcraft Bonanza V35B… en quelques chiffres

 

Envergure : 33 pi 6 po (10,21 m)

Longueur : 26 pi 5 po (8,05 m)

Hauteur : 7 pi 7 po (2,31 m)

Places : 5/6

Masse à vide : 2157 lb (978 kg)

Masse maximale : 3400 lb (1542 kg)

Moteur : Continental IO-520-B ou IO -520-BA

Puissance : 285 ch @ 2700 tr/min

Hélice : bipale McCauley, à vitesse constante, Ø 84 po (2,13 m)

Réservoirs : 2 x 22 gal (2 x 83 l) + réservoirs d’ailes optionnels : 2 x 37 gal (2 x 140 l)

Vitesse maximale (Vne) : 195 kias (361 km/h)

Vitesse de croisière @ 75 % puissance (6500 pi – 1981 m) : 176 kts (326 km/h)

Vitesse de décrochage pleins volets, train sorti : 55 kias (102 km/h)

Distance franchissable maximale, réservoirs standards @ 65 % puissance (10 000 pi – 3048 m) : 405 nm (750 km)

Plafond pratique : 17 500 pi (5334 m)

 

 

Texte et photos : Richard Saint-George