Au moment d’écrire cette chronique, je n’ai toujours pas lu le rapport intérimaire de l’accident du vol QZ8501 que les enquêteurs indonésiens ont fourni à l’OACI. Jusqu’à maintenant, les autorités indonésiennes ont donné très peu d’indications sur les résultats de l’enquête du vol QZ8501. Il est donc très difficile de savoir avec certitude ce qui est arrivé lors de ce vol fatidique. Les quelques bribes d’informations disponibles permettent toutefois d’échafauder quelques hypothèses, dont celle très probable d’une perte de contrôle en vol. Mais qu’est-ce qu’une perte de contrôle en vol exactement? L’OACI définit une perte de contrôle en vol comme suit : « Un angle de montée (cabré) de plus de 25 degrés ou un angle de descente (piqué) de plus de 15 degrés. Ou une inclinaison (roulis) de plus de 45 degrés. Ou toute vitesse inappropriée à la phase de vol dans laquelle se trouve l’avion. » Il va sans dire que le décrochage est une vitesse inappropriée et constitue une perte de contrôle en vol.
Dans le cas du vol QZ8501, plusieurs informations ont circulé sur la trajectoire finale de l’avion et toutes font état d’une montée rapide avec une perte de vitesse suivie d’une chute rapide. Ces informations pourraient toutefois être erronées si les sondes pitots ou les prises statiques étaient gelées, par exemple. Les ordinateurs de l’avion recevant de mauvaises informations, ils en transmettraient de mauvaises aux radars secondaires par l’entremise du transpondeur et l’enregistreur de données de vol, lui aussi, contiendrait des données erronées. Puisque ces seules informations ne suffisent pas, c’est du côté des corps et des débris retrouvés qu’il faut chercher des indices supplémentaires. Dès l’annonce par les autorités indonésiennes que des corps entiers avaient été repêchés des eaux, je mentionnais sur ma page Facebook – André Allard Aviation – la possibilité que l’équipage avait encore un certain contrôle sur l’appareil. Cette théorie s’est renforcée quand trois sections de grandes dimensions provenant du vol QZ8501 ont été formellement identifiées. L’avion était donc fort probablement encore intact juste avant de toucher l’eau. L’impact s’est fort probablement produit à une vitesse plutôt faible. Les photographies de la queue de l’appareil sont très révélatrices sur l’assiette de vol au moment de l’impact avec l’eau. Sur la première photo de la section arrière de l’avion, on constate que le stabilisateur vertical est pratiquement intact à l’avant et il en va de même pour le dessus du fuselage situé directement devant ce dernier. De toute évidence, cette partie de l’avion n’a donc pas percuté l’eau en premier et, par conséquent, l’avion ne volait pas à l’envers. Sur la deuxième photographie du fuselage, alors qu’il est soulevé, on voit très bien que le dessous est fortement endommagé. Donc, l’arrière de l’avion a touché l’eau dès le début de l’impact avec l’océan. Ajoutons à cela que la partie centrale du fuselage a été retrouvée avec des sections d’ailes y étant encore attachées et qu’une autre section de l’avant du fuselage contenant le cockpit a, elle aussi, été identifiée. J’en déduis qu’au moment de l’impact dans l’eau, l’avion avait les ailes à l’horizontale ou presque et qu’il était suffisamment cabré pour que la queue de l’avion touche l’eau en premier ou au tout début de l’impact avec une vitesse vers l’avant plutôt faible, puisque le cockpit a pu être identifié. Il y a donc beaucoup de similitudes entre les vols QZ8501 et AF447, dont l’absence de message de détresse. Après la publication du rapport du BEA sur l’accident du vol AF447, de nombreux commentaires ont circulé sur l’incapacité du pilote à récupérer d’un décrochage. Mais si vous n’avez pas lu l’analyse détaillée faite par le BEA, votre opinion n’est pas basée sur les faits complets. Quand les problèmes ont commencé, l’information transmise aux membres d’équipage du vol AF447 portait à confusion. C’est ce qui a aiguillé les pilotes sur de fausses pistes et c’est ainsi qu’ils sont descendus sans jamais avoir pleinement conscience de la situation. Cela explique aussi pourquoi aucun signal de détresse n’a été transmis. Pour ceux que cela intéresse, le rapport est disponible sur le site du Bureau d’enquête et d’analyse.
L’OACI identifie maintenant les pertes de contrôle en vol comme étant la principale cause d’accidents mortels dans l’aviation. Cela ne veut pas dire qu’il y en a plus qu’avant, mais comme la sécurité aérienne a fait des bonds de géant au cours des 40 dernières années. Les autres causes d’accidents ayant été identifiées et les mesures correctrices apportées ont eu pour effet d’amener au premier plan des problèmes qui étaient simplement moins prioritaires autrefois. Voici une statistique intéressante au sujet de la sécurité aérienne. Si on prend le taux d’accidents par million de départs de la période 1973-1983, qu’on le reporte en 2013 et tenant compte de l’augmentation du trafic aérien, en 2013 on aurait eu 214 catastrophes aériennes qui auraient fait plus de 6000 victimes. Pour ceux qui pensent que les pilotes ne savent plus piloter, les chiffres ne correspondent pas. En réalité, depuis les années 70, on peut affirmer que les avions sont mieux conçus, mieux entretenus et que les équipages sont mieux entraînés. Quel est le problème alors? De plus en plus de spécialistes et chercheurs en sécurité aérienne s’entendent pour dire que le prochain défi de l’aviation civile en matière de sécurité est d’améliorer l’interface entre l’homme et la machine. Des machines de plus en plus complexes et qui peuvent fournir de plus en plus d’informations aux pilotes, voilà la tendance des dernières années. Le défi pour l’aviation civile sera, dans les années à venir, de trouver les moyens de fournir aux équipages une information simple, concise et sans équivoque.