Par Pierre Harvey

Il y a déjà plusieurs années que je désirais obtenir une annotation sur flotteurs. En août dernier, j’ai contacté mon ami Richard Blackburn, président d’Air Richelieu qui offre ce service. Richard me met en contact avec son instructeur Georges Adam. Nous prenons donc rendez-vous un samedi de septembre chez Aviation B.L. à Saint-Mathias sur la rivière Richelieu où est basé le Cessna 182 C-FHGO.

Annotation Flotteur

Le trajet entre Trois-Rivières et Saint-Mathias dans mon Cessna 182 RG me prend 30 minutes. Quel plaisir. Je rejoins Georges qui est déjà rendu près de l’avion stationné au sol, près du quai. Il s’agit de C-FHGO, un Cessna 182 équipé de flotteurs conventionnels. Le temps est parfait, ensoleillé avec une petite brise, mais j’ai une petite inquiétude : il me semble qu’il y a beaucoup de bateaux qui descendent et montent la rivière Richelieu. Mais enfin! Avant de passer aux choses sérieuses, c’est-à-dire de prendre les commandes de l’avion, il y a bien entendu une formation théorique à faire. La fameuse théorie. Je suis attentif et Georges m’explique la réglementation et les techniques de vol sur flotteurs pendant plus d’une heure. En fait, il faut apprendre à conduire un  bateau qui devient un avion. Il faut comprendre les effets du courant et du vent sur l’avion qui n’est dirigé que par les gouvernails des flotteurs et la puissance du moteur lorsque sur l’eau.

Après la théorie, Georges saute sur les ailes pour remplir les réservoirs. Par la suite, nous vérifions l’appareil comme pour n’importe quel avion et nous portons une attention particulière aux flotteurs, aux boulons et aux câbles qui les retiennent. Nous enlevons l’eau qui s’est accumulée dans les flotteurs. Georges se met aux commandes du tracteur pour descendre l’avion sur l’eau. Nous attachons l’avion au quai, face au vent. Georges et moi enfilons nos vestes de sauvetage et déjà je me pose une sérieuse interrogation : comment allons-nous pouvoir monter dans l’avion et ne pas partir à la dérive avant le démarrage du moteur? Simple, je suis le dernier à monter, je détache la dernière corde qui est fixée et la tiens dans ma main, je grimpe dans l’avion, je ferme la porte, passe la corde par la fenêtre et la tiens fermement. Voilà. Assis dans l’avion, mais encore à quai.

Nous baissons les gouvernails des flotteurs et le moteur se met en route facilement. Immédiatement, nous nous dirigeons vers le milieu de la rivière, vent de face. L’excitation commence. Je réalise qu’une rivière est comme une autoroute : les plaisanciers voyagent à leur droite et il y a suffisamment d’espace au milieu de la rivière pour nous. De plus, il y a de nombreux avions sur flotteurs sur la rivière Richelieu et tout ce beau monde cohabite de façon sécuritaire.

Je taxie afin de réchauffer le moteur en n’oubliant pas de ne pas dépasser 1000 tr/min afin d’éviter les jets d’eau qui pourraient endommager l’hélice. Le premier exercice consiste à faire des virages à 180 degrés et passer du vent de face au vent arrière. Le temps de réaction est lent et je peux m’imaginer que par forts vents, cela doit être plus difficile, surtout pour accoster. L’exercice suivant consiste à taxier à haute vitesse : pleine puissance, manche arrière et relâche graduelle du manche pour placer l’avion en position horizontale avec une réduction de la puissance. Taxier sur le step est une bonne façon de couvrir une bonne distance rapidement.

annotations flotteurs

Enfin, le temps est venu. Je place l’avion face au vent et Georges me mentionne de ne pas oublier de lever les gouvernails, ce que je fais. Pleine puissance, le manche arrière et nous accélérons. À 60 kts, je pousse légèrement le manche. Nous sommes sur le step, je tire sur le manche et l’avion s’extirpe de l’eau. Quelle sensation! Destination : 2000 pieds ASL afin de faire des manœuvres. Curieuse sensation de voir des flotteurs à ma gauche, mais on s’habitue rapidement. Un avion sur flotteurs vole comme n’importe quel avion, mais seulement plus lentement. Après avoir pratiqué différentes manœuvres, nous passons aux choses sérieuses. Georges se propose de faire le premier posé-décollé. Afin de bien évaluer notre hauteur par rapport à l’eau, nous nous rapprochons de la rive où se trouvent des arbres. Notre taux de descente est assez important, mais dès que l’avion atteint le niveau de la cime des arbres, Georges le réduit considérablement afin de toucher l’eau le plus doucement possible. Il est plus difficile d’évaluer la hauteur du point d’amerrissage sur l’eau que sur une piste. C’est une des difficultés du vol sur flotteurs et de nombreux pilotes y ont perdu la vie, surtout en condition de miroir.

C’est à mon tour. Effectivement, il est difficile d’évaluer la hauteur par rapport à l’eau lors de l’amerrissage, mais George me donne un truc : lorsque nous nous trouvons juste en dessous de la cime des arbres, il me demande d’ajuster mon taux de descente à 100 pieds/minute et de conserver un peu de moteur. De cette façon, il est à peu près assuré que l’amerrissage se fera en douceur et c’est le cas.

J’ai eu beaucoup de plaisir lors de cette première journée. Nous avons volé de Saint-Mathias jusqu’à l’embouchure du lac Saint-Pierre, près de Sorel, quelques posés-décollés dans les îles de Sorel, vol à basse altitude en suivant les chenaux sinueux avec amerrissages courts, en tout plus de 30 amerrissages et décollages. Je ne vous cacherai pas que j’avais le bras gauche endolori au retour. La prudence est de mise au niveau des obstacles. En effet, entre deux petites îles à Sorel, nous avons eu la surprise de voir des fils électriques (installation maison évidemment!) lors d’un amerrissage. Nous avons réagi rapidement et avons évité les fils sans aucun problème. Du jour au lendemain, des obstacles peuvent apparaître au-dessus des plans d’eau, donc gardez l’œil ouvert!

Deux semaines plus tard, je revois Georges pour finir ma formation. Au menu : un vol-voyage, ma partie favorite de la formation avec des posés-décollés sur des plans d’eau de petite grandeur. Un peu comme un atterrissage court, nous approchons le plan d’eau à vitesse réduite et juste au-dessus des arbres. Lors de ce genre d’exercice, il faut s’assurer d’avoir assez de distance pour être en mesure d’effectuer un décollage sécuritaire. Par la suite, sous nous dirigeons vers le lac Memphrémagog situé en Estrie. Sur notre route, quelques posés-décollés sur de petits lacs situés entre les montagnes, question de comprendre l’effet des courants descendants et ascendants sur notre profil de descente. Après avoir conquis le lac Memphrémagog où j’ai effectué cinq posés-décollés et quelques virages à grande vitesse sur le step, nous nous dirigeons vers l’hydrobase de l’aéroport de Drummondville pour y mettre de l’essence. Nous nous posons sur la rivière Saint-François. Cette fois-ci, il y a deux composantes à maîtriser : le vent et le courant assez fort. Je parviens sans aucun problème à accoster et Georges saute sur le quai pour attacher l’avion. Le plein d’essence fait et avec un peu de repos, nous redécollons en direction les îles de Sorel pour faire des posés-décollés et par la suite la rivière Richelieu, direction sud vers Saint-Mathias. Encore une fois, nous profitons de chacune des occasions pour pratiquer des posés-décollés. De retour à la base de Saint-Mathias en fin de journée, après sept heures de formation, j’obtiens mon annotation sur flotteurs. L’annotation sur flotteurs ouvre aux pilotes un monde inaccessible aux autres pilotes. Je comprends maintenant la piqûre qu’ont certains pilotes au printemps de s’évader vers les nombreux lacs du Québec pour y taquiner la truite ou aller à la chasse une fois l’automne venu.