Avant de commenter la commande d’avions CSeries d’Air Canada, je tiens à vous parler des annonces de suppression de postes faites par Bombardier. Dans les jours et les semaines à venir, il est fort probable que des rumeurs se remettent à circuler parmi les employés de Bombardier au sujet des coupures à venir. Étant donné le caractère hautement sensible et les implications sur le moral des personnes pouvant être visées par ces rumeurs, je m’abstiendrai de les commenter. Par contre, lorsque j’aurai des faits à communiquer je le ferai, mais uniquement si ce sont des faits et non des rumeurs.
Pour revenir à la commande de 45 avions CS300 d’Air Canada, je remarque d’abord que les CS300 remplaceront à la fois les vieux A319 d’une capacité de 130 passagers et les 25 avions E-190 d’une capacité de 97 passagers. S’il est normal de voir le CS300, dont la capacité est de 130 passagers, remplacer les A319, il est surprenant qu’Air Canada ait choisi le CS300 pour remplacer ses E-190 qui n’ont même pas neuf ans d’âge moyen. Air Canada profite donc de cette commande pour passer de deux à un seul type d’appareil qu’elle exploite dans la catégorie des avions de 100 à 150 passagers. Comme elle a l’option de convertir une partie de la commande de CS300 en CS100, elle pourra toujours choisir de remplacer les E-175 par des CS100 le moment venu.
Air Canada a obtenu que le gouvernement du Québec laisse tomber sa plainte devant les tribunaux concernant son obligation de maintenir un centre d’entretien pour ses avions à Montréal. En contrepartie, elle s’est engagée à confier les révisions structurales des avions CSeries à une entreprise déjà présente au Québec. Air Canada devra aussi voir à la création d’un centre d’entretien mondial pour les CSeries. Air Canada a probablement senti que le vent avait tourné depuis l’automne dernier et a préféré cette entente qui lui est beaucoup moins dispendieuse que si elle avait perdu sa cause à la Cour suprême.
C’est bien la signature d’une lettre d’intention et non une commande ferme qu’Air Canada a signée avec Bombardier et cela veut dire qu’il lui reste encore à compléter son financement. Puisque l’acheteur et le vendeur sont canadiens, il est fort probable que la transaction se fasse en dollars canadiens, ce qui représente une économie appréciable selon le taux de change actuel. Comme le gouvernement du Québec est maintenant actionnaire à 49 % de la CSeries et que des emplois supplémentaires sont aussi en jeu avec cette possible commande, il a tout intérêt à ce qu’Air Canada réussisse à trouver du financement. Je vous en reparlerai dans un prochain texte.
Embraer perd beaucoup dans cette transaction, car non seulement c’est un concurrent qui a remporté la mise, mais Air Canada donne le signal très clair que les E-190 sont trop dispendieux à entretenir pour être rentables, et ce, même s’ils n’ont pas encore dix ans. Il ne faudrait pas se surprendre si d’autres compagnies aériennes choisissaient d’imiter Air Canada et de se débarrasser de leurs E-190.
Airbus est aussi une autre perdante, bien que cela soit beaucoup moins important pour elle. Je remarque que cela fait un bail qu’elle n’a pas vendu d’avions neufs au Canada. Air Canada compte encore des A330 dans sa flotte principale et ses autres appareils Airbus sont maintenant sous les couleurs de Rouge.
Il est bien évident que Bombardier est gagnante dans cette transaction, car c’est d’abord une victoire contre son éternel rival, Embraer. Je remarque aussi que l’avionneur montréalais semble avoir retenu les dures leçons que lui ont données Airbus et Boeing. Ainsi, Bombardier s’est servie d’un appareil plus gros sur lequel un généreux escompte a probablement été consenti afin de tasser la rivale la plus petite. De plus, la nature de la lettre d’intention me laisse croire que Bombardier est prête à faire la même chose avec le CS100 pour tasser l’E2-175. L’E2 d’Embraer pourrait donc devenir un dommage collatéral de la guerre que Boeing et Airbus ont livrée à Bombardier. Comme Alaska Airlines est présentement à la recherche d’un avion de 75 places, il sera intéressant de voir si Bombardier va tenter de l’écraser avec une super offre mettant en vedette le CS100.
Je compléterai mon analyse en vous disant que si vous pensez que la commande d’Air Canada a un lien avec l’interdiction des jets à l’aéroport Billy-Bishop et le gouvernement fédéral, eh bien vous êtes dans les patates! Pour savoir de quoi il en retourne, vous devrez lire mon autre texte.
Je conclus sur une note humoristique… Selon une rumeur non fondée venant d’une personne très loin du dossier, il semblerait que les succursales de la SAQ situées près du siège social de Bombardier sont en rupture de stock de champagne. Je vous reviendrai avec un décompte de bouteilles dès que j’aurai des chiffres plus précis.