Rares sont les occasions de croiser un avion de voltige avancée au Québec. Et encore moins dans les rangs d’une école de pilotage ! C’est pourtant le cas à présent. Tout ça grâce à la pugnacité de fervents de l’aviation.
Combien de centres proposent de l’entraînement à la voltige aérienne dans la province ? Sauf erreur, trois. En voici la courte liste : Aviation MH (CYRI), Air Richelieu (CYHU) et Lachute Aviation (CSE4). Le premier opère un Super Decathlon ainsi qu’un Christen Eagle; le second, un Super Decathlon seulement; le troisième, un Pitts S2-C. Il se pourrait qu’une ou deux écoles aient encore un Cessna A-152 parmi leur flotte, soit le modèle « acrobatique » de la marque. Encore faudrait-il que celles-ci disposent d’un instructeur, qualifié voltige, pour répondre à la demande potentielle, ce qui n’est pas légion au Québec. À titre indicatif, moins de 100 personnes détiennent cette annotation au Canada. De toute façon, le petit A-152 n’étant pas le plus démonstratif des aéronefs de voltige, l’intérêt demeurerait limité. On comprendra donc que Lachute Aviation, dirigée par François Vrana, se démarque expertement de la concurrence avec l’adjonction de ce biplan sportif.
Partenariat ingénieux
Luc Martineau est pilote de ligne chez Air Canada. Il vole sur Airbus A319/320/321. À 42 ans, le navigant cumule plus de 11 000 heures de vol et détient plusieurs endossements sur type. Qualifié instructeur voltige classe II, celui-ci enseigne sur son Pitts S2-C acheté en 2012. Il participe également à des championnats. En 2015, le pilote québécois a décroché, dans sa catégorie, deux fois une première place aux États-Unis et s’est classé deuxième aux championnats canadiens. On le retrouve également comme juge puisqu’accrédité par l’International Aerobatic Club – la plus grande association de voltige aérienne au monde. Un beau parcours ! Sa collaboration avec Lachute Aviation ne s’est pas réalisée du jour au lendemain. « Il a d’abord fallu importer l’avion et obtenir son certificat de navigabilité canadien », m’explique Luc lors de notre entrevue. Le Pitts S2-C, seul modèle certifié de la marque – les autres séries vendues par Aviat Aircraft étant classées homebuilt – ne l’était pas encore au Canada. « Ensuite, j’ai dû faire approuver le programme de maintenance commercial, le mécano et le plan de cours de voltige, poursuit l’intéressé. Après avoir passé ma qualif instructeur voltige, j’ai fait ajouter le Pitts sur le certificat d’exploitation de Lachute Aviation. Pas une mince affaire ! Le tout a pris plus de deux ans et demi, poursuit-il. Le but était de disposer d’un avion haute performance pour la compétition, mais aussi certifié afin de donner des cours de voltige en double-commande », conclut-il. Défi relevé puisque, jusqu’à ce jour, C-GMXR demeure le seul Pitts S2-C enregistré commercial au pays !
360 degrés à la seconde !
Invité à découvrir l’appareil à Lachute, je me fais offrir un vol de démonstration. Équipé d’un parachute et hyper bien sanglé, je décolle avec Luc Martineau dans un ciel parsemé de nuages cumuliformes. La base se situant à 5000 pi (1524 m) et les trous bleus étant nombreux, on n’éprouvera aucune difficulté à évoluer dans notre « box ». Pour des raisons d’assurance, il m’est toutefois impossible de prendre les commandes au décollage ni à l’atterrissage. Par contre, une fois dans les airs, Luc me cède vite le manche. Virages serrés, vrilles et tonneaux raniment chez moi de fougueux instincts. Assis à l’avant, je me régale. La puissance, la nervosité, mais aussi la précision de cette machine m’impressionnent. Souhaitant me dévoiler un domaine de vol beaucoup plus avancé, Luc se lance progressivement dans une excitante démonstration : tonneaux balistiques, demi-boucles suivies de vol inversé, hammerheads, virages serrés négatifs, vrille à plat normale puis accélérée, tonneaux verticaux suivis de torque rolls et vol arrière. N’ayant peut-être pas eu mon compte de g, je réclame même un lomcovak. Une figure que j’ai eu l’occasion d’expérimenter sur Extra 300, puis sur 330C avec nul autre que Walter Extra. C’était en 2012, en Allemagne… De retour au sol, je promets à Luc et à son collègue, le pilote François Bougie – grand spécialiste de l’histoire des Pitts et consorts – de revenir au printemps pour une autre session. Car même si l’hiver ne semble pas encore au rendez-vous, il faudra quand même bientôt remiser la fougueuse monture. C-GMXR ressortira dans quelques mois pour la plus grande joie de son heureux propriétaire, mais également pour celle de nombreux étudiants inscrits chez Lachute Aviation. D’ailleurs, devant l’engouement général pour ce Pitts S2-C, François Vrana et son équipe songent à inclure deux à trois heures optionnelles de vol acrobatique dans le cursus du pilote professionnel, voire même privé. Une option intelligente, selon moi. Maîtriser des positions inusuelles permet d’éviter les pertes de contrôle et le figeage aux commandes. Cela maximise aussi les chances de récupération après un incident. Alors, quand plaisir se conjugue avec sécurité, il n’y a pas à hésiter.