Cet ex-appareil militaire est le seul exemplaire volant au pays. Basé à Roberval, il était récemment en escale technique à Lac-à-la-Tortue (CSL3) – chez Belair Aviation : une belle occasion pour découvrir cet avion d’origine française, canadianisé au Québec !
L’ingénieur aéronautique français Max Holste s’inspira, paraît-il, du De Havilland Beaver pour créer le Broussard. C’était en 1952. Chose certaine, cette machine est officiellement une extrapolation du MH-152. Quoi qu’il en soit, le MH-1521 demeure un gros monomoteur de liaison et d’observation. Plusieurs servirent également d’avions agricoles. Quelque 360 exemplaires furent construits. À cela, il convient d’ajouter les quarante-sept prototypes civils. Oui, 47 !
Bien que la production ait cessé en 1961, nombre de Broussard volent encore. En France, bien sûr, mais aussi en Afrique où l’appareil fut abondamment exporté en son temps.
Voyage, voyage
Au Québec, on doit à Denis Lambert l’importation du modèle présenté dans ces colonnes. Ce fana de l’aviation l’acheta, en 2007, à un pilote privé français. L’engin, après déboulonnage, fut expédié outre-Atlantique dans un container. Rendu au Canada, l’aéronef fut démonté et partiellement transformé. Greffe de rallonges d’aile, aménagement d’une porte cargo, modernisation de l’instrumentation, réfection des circuits électriques, pose de flotteurs et plus encore occupèrent l’heureux acquéreur plus de 3000 heures. Sans parler de la conversion en construction amateur ! Devenu sur le certificat d’immatriculation un Super Lambair (C-FNLZ), le vieux Broussard (année 1966) repartit ainsi pour un tour. En 2013, séduit par la proposition d´Éric Tanguay – soit de l’échanger contre un Cessna 185 –, M. Lambert troqua son monoplan. Pour le plus grand bonheur du nouvel intéressé ! Deux ans plus tard, le Robervalois est toujours aussi enthousiaste.
Manon Turcotte, son épouse, itou ! Enfin, quand tout va bien mécaniquement… Ce qui n’était pas le cas la veille de notre rencontre. En effet, l’avion était immobilisé à Lac-à-la-Tortue. Un bris au niveau d’un des collecteurs d’échappement retint le couple 24 heures in situ. Le moment de déception passé, Manon avoua ensuite avoir apprécié son séjour forcé en Mauricie. Son mari, quant à lui, loua le professionnalisme des gens de Belair Aviation et apprécia le montant de la facture.
300 heures en 2 ans
Le plus souvent accompagné de Manon (pas encore pilote, mais elle y songe), Éric vole toute l’année. En hiver, son Broussard ou Super Lambair est chaussé de Wipaire 6000 transformés artisanalement en wheelskis. « C’est un avantage que procure le classement en construction amateur, précise l’intéressé. Et puis, je peux faire une bonne partie de la maintenance. » Propriétaire d’une compagnie d’excavation comptant une trentaine de machines et de camions, il détient une certaine expérience de la mécanique et pas mal d’outillage. L’été, c’est sur des EDO 5870 – provenant d’un antique Noorduyn Norseman – que l’on peut voir C-FNLZ. Ça, c’est en attendant la pose de flotteurs amphibies ! Le but ultime du pilote Tanguay avec cet avion. À en juger par sa détermination, cela ne devrait plus être très long… Cet investissement en devenir paraît justifié car, seul ou en couple, celui-ci opère fréquemment : 300 heures en 2 ans. Pour info, l’aéronef a environ 3000 heures de vol dont ±600 depuis son importation.
Comportement et chiffres
Bien que l’envie m’ait taraudé, le temps imparti ne me permit pas d’essayer ce bel hydravion. Une prochaine fois peut-être. En compensation, Éric Tanguay – incollable sur le sujet – m’abreuva d’informations technico-pratiques. Ainsi, j’appris que le double empennage a l’avantage d’être plus solide que celui du Beaver (très sensible aux vibrations) et qu’il octroie une grande maniabilité. Par contre, à basse vitesse, les empennages verticaux ne bénéficient pas du souffle résiduel de l’hélice. Il faut donc conjuguer avec la puissance pour manœuvrer. « Et mettre parfois le throttle dans le prélart ! », pour reprendre l’expression du sympathique Bleuet. Toujours selon lui, sur roues, il est préférable d’opérer sur des terrains en herbe ou en terre, le train à lames de ressort et le nez pesant du Broussard ne favorisant pas la fréquentation de pistes asphaltées. Il dit aussi apprécier les manches à balai, versus le manche central avec volants du Beaver, et la petite console au milieu. Question confort, les six sièges accommodent bien l’équipage et les pax éventuels. En croisière, sur flotteurs, C-FNLZ (masse maxi : 4989 lb – 2263 kg) atteint aisément 120 mph (104 kts – 193 km/h). Sur roues, on parle de 155 mph (135 kts – 249 km/h). Le radial Pratt & Whitney 985 AN1, développant 450 ch, entraîne une bipale Hamilton-Standard à vitesse constante. Et la consommation ? Calculez 90 l/h, soit environ 24 gal/h. Pour stocker l’Avgas, chaque aile dispose d’un réservoir de 215 l (57 gal). De quoi voler environ quatre heures et demie avec les pleins, soit entre 470 et 600 nm (870 et 1110 km) selon la configuration du train. En terminant, peut-on évaluer précisément cet appareil ? Pas vraiment. S’agissant d’un exemplaire unique, modifié et classé expérimental, je laisserais à Éric la responsabilité d’avancer un prix : environ 300 000 $. Possible. Tout étant une question d’offre et de demande. De toute façon, son joujou n’est pas à vendre. Il l’aime trop pour s’en séparer. Comme je le comprends.