Qui aurait dit il y a quelques mois que le squelette abîmé du vieux DC-3 CF-DTD, abandonné à l’aéroport de Saint-Hubert pourrait un jour faire vibrer de nouveau ses moteurs? Incroyable, mais c’est pourtant vrai! Mikey McBryan et son équipe de Buffalo Airways ont relevé ce défi grâce à la collaboration de l’École nationale d’aérotechnique!

Une partie des bénévoles de l’ÉNA s’étant investis corps et âme dans le projet : Simon Potel, professeur au Département de préenvol; Joalie Lamarche, étudiante en Techniques de maintenance d’aéronefs; Jason Webb, étudiant en Aircraft Maintenance Technology; William Levacher, étudiant en Techniques d’avionique; Benjamin Tessier, étudiant en Techniques de génie aérospatial; et Frédéric Morin, professeur au Département d’avionique. (Crédit : Hugo Lavoie, Radio-Canada)

Un avion historique

Mais l’histoire particulière de cet appareil, sorti des usines en 1944, a de quoi décoiffer! Ayant participé au parachutage lors du débarquement du 6 juin, FZ668 allait continuer sa carrière militaire et même couvrir Market Garden! Puis dans l’après-guerre, il sera modifié pour le marché civil chez Canadair en 1946 et deviendra CF-TER. Ayant volé de nombreuses années pour Trans-Canada Airlines, il a ensuite été récupéré par Transports Canada, à l’époque le Département des Transports, afin de servir comme navette pour les différentes bases, d’appareil d’inspection aérienne et de test en vol pour les pilotes pendant plus de 30 ans sous son immatriculation CF-DTD. Donné en 1992 pour un projet de musée, il fut transporté par camion d’Ottawa vers Saint-Hubert. Depuis, les années ont passé, les oiseaux ont fait leurs nids dans sa carcasse et les vandales ont arraché des morceaux du cockpit et de sa cabine. Il fut récupéré par Avialogs, puis revendu à Mikey McBryan en décembre 2018.

C’est alors que s’amorce le projet Plane Savers avec un objectif de taille : en moins de six mois, restaurer le DC-3 et le remettre en état de vol à temps pour le 6 juin 2019, jour du 75e anniversaire du débarquement de Normandie.

Au moment de commencer la restauration, en décembre 2018, voici dans quel état était l’appareil quand Mikey McBryan et son équipe ont récupéré le DC-3.
(Crédit : Benoit De Mulder, ancien propriétaire du DC-3)

Une contribution inestimable

Grâce au travail acharné et passionné de l’équipe de Mikey, aidée depuis la mi-avril par l’École nationale d’aérotechnique (ÉNA), qui a généreusement ouvert ses hangars, ainsi que par plusieurs professeurs, étudiants et diplômés passionnés qui ont offert leur expertise, le projet a avancé à vitesse grand V! Présente pendant plus de 70 jours, à plus de 12 heures quotidiennement, l’équipe rendait compte de l’avancée des travaux dans ses capsules YouTube quotidiennes qui ont permis à tous de faire partie de l’action et d’être tenus en haleine. Et quelle vue spectaculaire que de voir cet avion majestueux dans les hangars de l’ÉNA! Depuis la sortie du Beechcraft 18, aucun avion avec des moteurs radiaux n’avait franchi ses portes.

Un aéronef qui soulève les passions

Au moment de se lancer dans cette aventure, l’appareil était dans un piteux état : gouvernes de vol irrécupérables, moteurs absents, tableau de bord saccagé, puits de trains envahis par la végétation et la présence du temps, fuselage percé et couvert de graffitis. Découverte de corrosion, filage absent ou sectionné, instruments saccagés, structure déformée : toutes les étapes représentaient un défi en soi. Des compagnies et des individus ont donc proposé leur aide et leur soutien afin de trouver des solutions aux problèmes logistiques ou techniques. Que ce soit pour des livraisons spéciales de pièces urgentes, de vérins pour la rétraction des trains d’atterrissage ou même Transports Canada pour l’immatriculation, toute aide fut précieuse! L’intérêt et la passion entourant le projet ont rapidement attiré une attention internationale!

Benjamin Tessier, étudiant en Techniques de génie aérospatial, travaille sur l’appareil.
(Crédit : Denis Trudel, Club Photo ÉNA)

Dès l’arrivée du DC-3, les étudiants de l’ÉNA, guidés par leurs professeurs tout aussi engagés dans les travaux, ont mis en pratique leurs connaissances en maintenance d’aéronefs, en avionique et en génie aérospatial pour installer de nouveaux moteurs, réparer les systèmes électriques, la structure et les gouvernes, entre autres, ou concevoir des pièces manquantes à l’aide d’un logiciel 3D. Une chance inouïe pour tous les participants qui, chacun de leur mieux, soutenaient l’équipe principale. L’école ayant tous les outils et les machines afin de faire les délicates opérations, de façon surprenante, les systèmes se sont ranimés un par un. Les systèmes électriques, qui avaient subi les saccages et les effets du temps, ont été remis en fonction; la structure et les gouvernes ont été réparées. On ne saurait oublier aussi la contribution de l’ombre des techniciens de l’École qui ont veillé aux entrées et sorties du hangar de cet énorme appareil.

Le DC-3 est fin prêt pour s’envoler devant la foule de passionnés qui se sont réunis sur le tarmac de l’ÉNA. (Crédit : ÉNA)

Une expérience inoubliable

Et enfin ce vol, inimaginable quelques mois auparavant, prouve que la détermination peut franchir bien des obstacles! Le 6 juin, C-FDTD retrouva le ciel avec le fondateur de Buffalo Airways aux commandes, ainsi qu’un de ses anciens copilotes. La joie et l’émotion furent partagées par une foule de plus de 500 curieux et passionnés, rassemblés sur le tarmac de l’École nationale d’aérotechnique. Après plusieurs circuits, le DC-3 se posa et fut ouvert au public qui put constater le travail accompli.

Mais que reste-t-il de cette aventure? La présence bien réelle d’une passion pour l’aviation et son histoire à l’École nationale d’aérotechnique et au Québec! Du côté technique, le rappel des bases mécaniques, venant d’un temps où les avions étaient bâtis non pas pour leur économie de poids et de carburant, mais pour leur durabilité et leur facilité d’entretien. Pour un modèle d’aéronef fabriqué à plus de 10 000 exemplaires, un prestige et une fierté s’en dégagent.

Mais le plus important demeure le succès d’un projet aéronautique historique d’envergure et tous les individus, nombreux, qui se sont rencontrés et greffés autour de celui-ci!

À quand le prochain?

 

 

Chronologie

1944 :              Sortie d’usine à Oklahoma City

1944-1945 :    Grandes opérations de la Deuxième Guerre

1946 :              Transformation après-guerre chez Canadair

1947-1957 :    Opérations avec Trans-Canada Airlines

1960 :              Passage à Transports Canada

1989-1992 :    Retraite et don au futur musée

2017 :              Rachat par Benoit de Mulder, d’Avialogs

Fin 2018 :       Rachat par Mikey McBryan, de Buffalo Airways

avril 2019 :      Début de la remise en état de navigabilité

6 juin 2019 :    Premier vol en 30 ans!

 

Pour en savoir plus 

Revoir la chronologie de cette restauration en 156 épisodes sur la chaîne YouTube de Plane Savers

https://www.youtube.com/playlist?list=PLvbAjRGHKrqLFYaDWZmK6wxkMugq9EGSb

 

Site Web de Plane Savers :

https://www.planesavers.com/index.php/fr/

 

Revoir le premier vol de l’appareil : https://bit.ly/2R6jrHG

Programmes de formation de l’ÉNA : ena.cegepmontpetit.ca

 

Par Frédéric Morin, professeur au Département d’avionique de l’École nationale d’aérotechnique (ÉNA)