Bureau de la sécurité des transports du Canada

Cessna 185E, C-FYKU
Lac Taylor (Ontario)
le 24 mai 2014

 

Résumé

Le 24 mai 2014, un avion Cessna 185E sous immatriculation privée (immatriculé C-FYKU, numéro de série 185-1484), muni de flotteurs amphibies, a décollé de l’aéroport de Guelph (Ontario) à destination du lac Taylor (Ontario). Le pilote était le seul occupant de l’aéronef. Durant l’amerrissage sur le plan miroitant, les flotteurs ont plongé dans l’eau, le pilote a perdu la maîtrise de son aéronef, lequel a fait la roue, puis a coulé. Les forces d’impact ont endommagé le fuselage de l’aéronef, de sorte que la porte du pilote ne pouvait plus s’ouvrir. Le pilote a survécu à l’impact, mais, comme il était incapable de sortir de l’aéronef immergé, il s’est noyé. La radiobalise de détresse, dont l’aéronef était doté, s’est actionnée, mais aucun signal n’a été reçu en raison de l’immersion de l’antenne. L’accident s’est produit durant les heures de clarté, vers 7 h 40, heure avancée de l’Est.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Plus tôt au cours du mois et dans les jours qui ont précédé l’accident, le pilote avait effectué plusieurs vols en compagnie d’un pilote expérimenté. Le but de ces vols était d’exercer les manœuvres d’atterrissage et de décollage après la pause hivernale. Des amerrissages sur plan miroitant avaient été pratiqués au cours de certains de ces vols. Durant ces exercices, le pilote tentait d’atteindre ou de ressentir la surface de l’eau en position de piqué, sans réduire la puissance du moteur.

La veille de l’accident, le pilote avait tenté d’effectuer un vol vers le lac Taylor pour une fin de semaine de pêche avec des amis et des membres de sa famille, mais avait rebroussé chemin en raison des conditions météorologiques en route.

Le jour de l’accident, le pilote a décollé de l’aéroport de Guelph (Ontario) à destination de l’aéroport de Parry Sound (Ontario), où il a effectué une série de posés-décollés sur la piste avant de poursuivre sa route vers le lac Taylor (figure 1).

Figure 1. Cartes du lac Taylor, indiquant le trajet, la direction de l'approche et le lieu de l'accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Figure 1. Cartes du lac Taylor, indiquant le trajet, la direction de l’approche et le lieu de l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

 

Le lac Taylor est situé à quelque 20 milles marins (nm) au nord de Parry Sound. Il mesure environ 1,2 nm de long sur 700 pieds de large, et il est orienté du nord-est au sud-ouest. L’approche de l’aéronef était stable, et l’amerrissage a été effectué en direction sud-ouest. L’appareil s’est posé à environ 7 h 40Note de bas de page1 dans la zone centrale du lac, à quelque 1500 pieds de l’extrémité nord-est (l’extrémité d’approche). Le matin de l’accident, il n’y avait pas de vent, et la surface du plan d’eau était lisse et miroitante.

L’appareil s’est posé pratiquement à niveau de la surface du plan d’eau, le flotteur droit légèrement plus bas que le gauche. Les flotteurs se sont ensuite enfoncés dans l’eau, de sorte que l’aéronef a fait la roue et a chaviré. L’appareil a coulé rapidement, et seuls les flotteurs étaient visibles en surface (photo 1). Des témoins de l’accident se sont précipités vers l’aéronef immergé et ont tenté de secourir le pilote, mais ils ont été incapables d’ouvrir la porte pour le sortir de l’appareil. Des plongeurs de la Police provinciale de l’Ontario ont récupéré le corps du pilote plusieurs heures plus tard.

 

Conditions météorologiques

Il n’y avait pas de message d’observation météorologique régulière pour l’aviation (METAR) concernant le lac Taylor, car le centre de veille météorologique le plus proche se trouvait à North Bay (CYYB) [Ontario], à 50 nm au nord. Le METAR de 8 h pour CYYB était le suivant :

Vent 350° vrai (V) à 6 nœuds, visibilité de 15 milles terrestres, quelques nuages à 3000 pieds au-dessus du sol (agl), à 12 000 pieds agl et à 23 000 pieds agl, température de 14°C, point de rosée à 6°C et calage altimétrique de 30,12 pouces de mercure.

 

Analyse

Les renseignements issus de l’examen de l’épave indiquent que le moteur fonctionnait au moment de l’accident et qu’il n’y avait aucune anomalie des commandes de vol qui aurait pu contribuer à une perte de maîtrise. Les dommages minimes à l’intérieur du poste de pilotage et les blessures légères subies par le pilote indiquent que l’accident offrait des chances de survie. L’analyse portera sur l’état de santé du pilote, sur son expérience et sur son incapacité d’évacuer l’aéronef en position renversée.

Au cours des dernières années, le nombre d’heures de vol du pilote avait diminué, c’est pourquoi il était probablement moins compétent qu’auparavant, rendant l’amerrissage sur un plan miroitant plus difficile.

Le pilote ne portait pas de verres correcteurs lorsqu’on a récupéré son corps, et l’on n’en a pas trouvés à l’intérieur de l’appareil. Il est possible que les verres correcteurs aient été perdus au moment de l’accident ou de l’opération de récupération qui a suivi, mais, si le pilote n’en portait pas, l’amerrissage sur un plan miroitant aurait été encore plus difficile.

L’aéronef était configuré adéquatement pour l’amerrissage, et l’approche était stable, ce qui indique que le pilote avait la pleine maîtrise de l’appareil jusqu’au moment de l’accident.

Étant donné que l’amerrissage d’un aéronef sur un plan miroitant peut être très exigeant, la technique et l’assiette adéquates sont essentielles à la réussite de cette manœuvre. On recommande d’amerrir en position légèrement cabrée afin d’éviter que les flotteurs s’enfoncent au moment de toucher le plan d’eau et près du rivage afin de pouvoir mieux évaluer la hauteur de l’aéronef au-dessus de la surface de l’eau. Au moment de l’amerrissage, l’aéronef était dans une assiette horizontale, le flotteur droit légèrement plus bas que le gauche tout juste avant de toucher la surface, au centre du lac.

L’assiette horizontale au toucher laisse croire que le pilote a été surpris par le contact avec la surface du lac, vraisemblablement en raison du manque de référence pour évaluer la hauteur de l’aéronef du fait qu’il était loin du rivage, et de l’apparence miroitante de la surface du plan d’eau. Les flotteurs se sont enfoncés dans l’eau, entraînant une perte de maîtrise de l’aéronef, qui a fait la roue.

Le pilote ne portait pas sa ceinture abdominale ni ses bretelles de sécurité lorsqu’on a récupéré son corps dans l’appareil. Cependant, d’après ses antécédents et ses habitudes, il est permis de croire que le pilote les portait pendant le vol. D’ailleurs, il a survécu à l’impact, ne présentant que des blessures légères, a réussi à détacher sa ceinture abdominale et ses bretelles de sécurité, et est parvenu à déverrouiller sa porte.

Les forces d’impact ont été suffisantes pour entraîner la déformation de la cellule et de la porte, rendant cette dernière impossible à ouvrir. La fenêtre de la porte du pilote a été endommagée, mais elle était toujours fonctionnelle et ouverte au moment de l’opération de récupération, bien que la poignée de la fenêtre était en position verrouillée. On ne sait pas quand, comment et par qui elle a été ouverte, mais la fenêtre ouverte aurait pu servir à l’évacuation du pilote. Les poignées de la porte et de la fenêtre du côté passager étaient verrouillées de l’intérieur et n’étaient pas endommagées. Si le pilote avait déverrouillé la porte ou la fenêtre du côté passager, il aurait pu sortir de l’appareil par l’une ou l’autre de ces issues. Les sauveteurs n’ont pu venir en aide au pilote, car aucune des portes ne pouvait être ouverte de l’extérieur. Si les sauveteurs ne peuvent ouvrir les portes ni les fenêtres de l’extérieur, les occupants de l’aéronef courent un risque de noyade.

Les bagages et l’équipement n’étaient pas arrimés, de sorte qu’ils flottaient librement à l’intérieur de l’appareil. Ces derniers auraient pu bloquer partiellement toute issue de secours disponible et accentuer la confusion dans un tel environnement. Après avoir survécu à l’impact, le pilote était probablement désorienté en raison de différents facteurs, y compris l’impact, le fait de se retrouver à l’envers, immergé et entouré de bagages flottant librement.

Il a été démontré que la formation sur l’évacuation améliore la possibilité de sortir d’un aéronef immergé à la suite d’un accident offrant des chances de survie. Cela dit, il n’existe aucune exigence réglementaire sur ce type de formation pour les exploitations privées ou commerciales. Le pilote n’avait reçu aucune formation sur l’évacuation, et, en raison des portes verrouillées et coincées, de la désorientation et des bagages bloquant les issues, il a été incapable de sortir de l’aéronef et s’est noyé. Si les pilotes d’hydravions ne reçoivent aucune formation sur l’évacuation, ils courent un risque accru de ne pas être en mesure de sortir d’un aéronef immergé à la suite d’un accident offrant des chances de survie.

Le pilote âgé détenait un certificat médical valide de catégorie 3 et était atteint d’une affection cardiaque connue, qui faisait l’objet d’un suivi et d’une surveillance conformément aux lignes directrices actuelles de Transports Canada. Cependant, l’autopsie a révélé que la maladie du pilote était à un stade significativement plus avancé que ce qu’on avait prévu. Les processus de surveillance actuels, y compris une épreuve d’effort cardiaque, n’ont pas permis de déceler le stade avancé de la coronaropathie dont était atteint le pilote. Si les épreuves de surveillance médicale ne permettent pas de détecter avec précision le stade avancé de coronaropathie, les pilotes présentent un risque accru d’être atteints d’une affection susceptible d’endommager des biens ou de blesser des personnes grièvement ou mortellement.

Le pilote avait des médicaments et un appareil de VSPEP qui n’avaient pas été signalés à la Médecine aéronautique civile (MAC) de Transports Canada. L’omission de signaler ces articles peut avoir influé sur la décision prise par la MAC de Transports Canada de juger le pilote admissible à un certificat médical de catégorie 3. Si les pilotes et les médecins ne signalent pas tous les troubles médicaux, Transports Canada risque de ne pas être en mesure d’évaluer adéquatement l’état de santé d’un pilote.

 

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Au cours des dernières années, le nombre d’heures de vol du pilote avait diminué, c’est pourquoi il était probablement moins compétent qu’auparavant, rendant l’amerrissage sur un plan d’eau miroitant plus difficile.
  2. L’assiette horizontale au toucher laisse croire que le pilote a été surpris par le contact avec la surface du lac, vraisemblablement en raison du manque de référence pour évaluer la hauteur de l’aéronef du fait qu’il était loin du rivage, et de l’apparence miroitante de la surface du plan d’eau.
  3. Le flotteur droit a touché l’eau le premier et s’est enfoncé dans l’eau, ce qui a entraîné une perte de maîtrise de l’aéronef, lequel a fait la roue.
  4. Le pilote n’avait reçu aucune formation sur l’évacuation, et, en raison des portes verrouillées et coincées, de la désorientation et des bagages bloquant les issues, il a été incapable de sortir de l’aéronef et s’est noyé.

Faits établis quant aux risques

  1. Si les épreuves de surveillance médicale ne permettent pas de détecter avec précision le stade avancé de coronaropathie, les pilotes présentent un risque accru d’être atteints d’une affection susceptible d’endommager des biens ou de blesser des personnes grièvement ou mortellement.
  2. Si les pilotes d’hydravions ne reçoivent aucune formation sur l’évacuation, ils courent un risque accru de ne pas être en mesure de sortir d’un aéronef immergé à la suite d’un accident offrant des chances de survie.
  3. Si les sauveteurs ne peuvent ouvrir les portes ni les fenêtres de l’extérieur, les occupants de l’aéronef courent un risque de noyade.
  4. Si les pilotes et les médecins ne signalent pas tous les troubles médicaux, Transports Canada risque de ne pas être en mesure d’évaluer adéquatement l’état de santé d’un pilote.