Comme mes amis aéronautes le savent, j’adore voler en montgolfière dans la région des Pays-d’Enhaut, dans les Alpes suisses. Après sept années de vols à Château-d’Oex, j’ai fait la connaissance de plusieurs personnes de toutes les nationalités et certaines d’entre elles sont devenues des amis très proches, plus proches même que des membres de ma famille immédiate.

Par Pierre Gariépy

Raid Laponie

Décollage en ligne du chemin.

J’ai reçu l’appel d’un de ces amis en novembre dernier. Il avait l’intention de former une équipe internationale (Suisse, Belgique, Québec) afin de participer à la deuxième édition de l’Artic Ballooning Adventure, organisée depuis deux ans par un pilote français connu mondialement dans le domaine de l’aérostation. Dès le début de la conversation, le mot « Laponie » fut prononcé par mon ami… et ma réponse fut : « Oui, quelle date? »

Fred, mon ami suisse, partait de chez lui en Suisse avec la montgolfière à l’effigie de la commune de Château-d’Oex. Cette montgolfière appartient au Club alpin international de ballon à air chaud (CAIBAC) qui possède quatre ballons. Je suis membre actif de ce club depuis maintenant sept ans. Le départ de Fred était prévu le dimanche 7 février et il devait faire un arrêt à Bruxelles afin de prendre au passage un équipier de poursuite et un autre pilote belge.

Ils reprenaient ensuite le voyage pour 30 bonnes heures de route supplémentaires, entre autres par l’Allemagne, le Danemark et la Suède. Ils sont arrivés le mardi en fin d’après-midi, tout juste à temps pour le début du meeting de sept jours qui débutait le lendemain, soit le mercredi 10 février.

Nous avions donc la partie facile du voyage. Nous avons décollé de Montréal le dimanche 7 février pour un vol de nuit vers Helsinki. Nous ne sommes restés qu’une journée en visite à Helsinki, où nous avons pris un vol intérieur le lendemain, d’Helsinki vers Kittilä, via Ivalo, un périple de plus de 1100 km à plus de 250 km au nord du cercle polaire arctique, pays des aurores boréales. On atterrira sur une piste complètement enneigée, à Kittilä, un village d’au plus 1200 personnes, où je n’aurais jamais cru possible l’atterrissage d’un Airbus 321….

Une heure de route plus tard, nous arrivons enfin à Äkäslompolo, petit village de 400 âmes perdu au fond de la taïga finlandaise. Et nous n’arrivons que quatre heures plus tard que nos amis suisses belges, qui se sont tapé plus de 35 heures de route…

La Laponie est une région boréale européenne, située dans le nord des quatre pays suivants : Norvège, Suède, Finlande et Russie. La Laponie a la particularité d’être située au nord du cercle arctique, donc au nord du 66e parallèle. La taïga de sapins rabougris et la toundra sont les types de végétation qui règnent en Laponie. Les rennes, les élans et les lagopèdes des neiges y sont rois.

Les vols en montgolfière ne sont pas tellement compliqués à expliquer, mais beaucoup plus complexes à effectuer. En fait, on doit simplement décoller de l’un des rares étroits chemins (les Sammis (Lapons), eux, appellent cela des routes…) parcourant la taïga en prenant bien soin de choisir le bon chemin qui, avec les vents prévus et les vents réels (testés avec un petit ballon gonflé à l’hélium), nous mènera vers l’un des rares lacs parsemés çà et là. Chacun de ces lacs étant normalement situé tout près d’un village.

Raid montgolfière laponie

Pénombre du jour en Laponie

En Laponie, il n’est pas possible, voire même suicidaire, d’atterrir en dehors de l’un de ces lacs, car chacun d’eux est parsemé de pistes de ski de fond (sport national), sur lesquelles il est possible d’atterrir. En dehors de ces pistes, on se retrouve dans au moins un mètre, un mètre et demi de neige folle, sans compter les 30 cm d’eau fleurant la glace des lacs. Et atterrir dans la taïga? Si on exclut les fortes chances de déchirer son ballon sur un des nombreux sapins rabougris… Eh bien, bonne chance pour la récupération! Dans plus de deux à trois mètres de neige, un pilote français en a fait l’expérience et il a fallu trois équipes, donc vingt personnes au total, et plus de cinq heures de travail pour le sortir de là.

 

Comme il ne s’agit pas d’un meeting officiel et même si l’organisateur de cette rencontre amicale vole ici depuis plus de 20 ans, on ne nous transmet que la météo annoncée. La décision de vol revient donc à chacun des pilotes, à savoir s’il décolle ou non, et à quel endroit il le fera.

Cette année, l’organisateur, Jean Becker, a demandé à un ami français possédant un scooter des neiges (oui, oui, notre ski-doo en bon français..) d’aider à la récupération des équipages sur les lacs. Il en a dépanné plusieurs ayant atterri sur les pistes de ski de fond…mais à l’autre bout de certains lacs n’ayant qu’un seul accès…

El Niño a eu son effet en Laponie. Alors que la moyenne est habituellement de -30 °C en février, nous avons été gâtés de températures oscillant entre les -8 °C et -12 °C (une seule nuit, nous avons eu un -23 °C) pour la durée de notre séjour.

Chaque pilote, chaque équipe s’occupe de son logement et de son transport. Plusieurs équipes tentent de se faire commanditer pour rembourser, en partie, les frais de déplacement en échange d’articles dans les revues et journaux européens ou pour une simple mention du nom du commanditaire. Comme pour la plupart des vols d’hiver, un vol par jour était programmé, pour une possibilité de sept vols. Nous n’avons pu en faire que trois.

raid laponie

Côté dépaysement, la Laponie est une région nordique qui nous rappelle le Grand Nord québécois ou les Territoires du Nord-Ouest. On y voit une grande similitude de paysages et de faune. Les maisons sont toutes construites en bois et sont entièrement chauffées à l’électricité, les Finlandais bénéficiant d’un prix de vente de l’électricité très intéressant.

Tout comme la plupart des pays européens, les gens sont très axés sur l’écologie et l’économie. Par conséquent, aucun sel ni sable n’est épandu sur les routes l’hiver. La température étant constamment sous le point de congélation, il n’y a pas comme chez nous de gel et dégel occasionnant des congères de glace et de gadoue. Il y a donc en permanence une belle petite couche de neige de deux à trois pouces d’épaisseur sur les routes, ce qui rend la conduite beaucoup plus facile. On y roule à 110 km/h sans problème sur des routes qui sont tout juste assez larges pour y laisser passer une voiture et un camion, sans compter les bords de routes à plus de quatre pieds de hauteur. Et, toujours suivant cette mentalité écologique, il n’y a pas de pick-up en Laponie, seulement des petites voitures équipées de pneus à clous.

Pour ma part, ce fut une superbe expérience à recommencer. Déjà, les dates de notre visite en Laponie sont fixées pour l’an prochain.