Une époustouflante équipe de voltige!

En mai dernier, lors du magnifique spectacle aérien de Gatineau-Ottawa, c’est avec grand plaisir que le magazine Aviation a pu assister à une superbe démonstration de la Patrouille de France. Par la suite, nous avons pu recueillir les propos du capitaine Hervé Aubert, l’un de ses ambassadeurs émérites.

Rencontre du reporter Martin Cormier avec un capitaine de Patrouille de France.
Crédit Photo : Martin Cormier

Magazine Aviation : Bonjour, Capitaine Aubert! Comment vous est venue cette passion pour l’aviation?

Capitaine Hervé Aubert : Lorsque j’étais enfant, un de mes grands-oncles possédait un avion, un D140 mousquetaire. J’ai donc pu voler très jeune et me souviens d’avoir à la fois été curieux du fonctionnement du manche à balai et joyeux de sentir « mon ventre remonter ». Lorsque j’étais adolescent, la première guerre du Golfe a éclaté. On a pu suivre à la télévision le travail des chasseurs bombardiers avec, en particulier, les images prises par les « pods » de désignation laser, l’utilité de l’aviation de chasse pour libérer un peuple. La technicité des moyens utilisés m’a alors motivé à tenter de devenir pilote militaire.

 M.A. : Avant d’intégrer la Patrouille de France, quel a été votre parcours de pilote et sur quels avions?

C.H.A. : J’ai réalisé l’ensemble de ma carrière sur la version défense aérienne du Mirage 2000, le -5, de 2001 à 2012, entrecoupé de deux années passées comme instructeur sur le TUCANO.

 M.A. : Que faut-il faire pour accéder au sein de la Patrouille de France?

C.H.A. : Il est nécessaire d’être volontaire et chef de patrouille (4 ship lead) pour postuler à la Patrouille de France. Les candidats sont reçus pendant une à deux journées pour une immersion au sein de l’équipe et pour réaliser des entretiens. Les pilotes sont choisis pour leur capacité à intégrer au mieux l’équipe. Ce sont donc principalement des critères humains et non pas techniques qui font la différence.

Photo de groupe des Snowbirds et de la Patrouille de France.
Crédit Photo : Martin Cormier

 M.A. : Comment se fait la rotation des postes?

C.H.A. : La rotation annuelle des postes permet à chaque pilote de progresser tout au long de son parcours. La découverte de nouvelles figures et l’apport au programme de la touche personnelle de chaque pilote permettent une remise en question vitale pour la sécurité des vols.

 M.A. : Comme pilote senior et expérimenté avec la Patrouille de France, quel est votre rôle?

C.H.A. : Le principe est celui d’un compagnonnage. Les anciens pilotes sont chargés d’expliquer les figures à l’étude et de briefer et de débriefer les pilotes plus jeunes. C’est un fonctionnement assez similaire à celui d’un escadron de chasse.

M.A. : Quelle est la relation des pilotes avec les mécaniciens de votre équipe?

C.H.A. : La relation pilote/mécanicien est particulièrement marquée à la Patrouille de France. Nous passons une année aux côtés de notre mécanicien. Chaque vol de transit se fait avec celui-ci, en place arrière. Il est le seul à intervenir quotidiennement sur notre avion. Cela crée des liens très forts.

 M.A. : Combien de temps faut-il pour se préparer à un pageant aérien?

C.H.A. : L’entraînement nécessaire à la préparation d’une nouvelle série se déroule sur une durée de cinq mois au cours desquels nous réalisons environ 150 vols d’une durée moyenne de 50 minutes.

 M.A. : Avec huit appareils en formation, quelle est la principale difficulté rencontrée?

C.H.A. : Les deux difficultés initiales rencontrées lors des vols en formation sont la régularité du geste du leader et la stabilité des équipiers intérieurs. Lorsque ces deux conditions sont réunies, les difficultés viennent ensuite de la météorologie et de l’environnement immédiat dans lequel évolue la Patrouille, la facilité à repérer l’axe d’évolution au sol, le relief environnant, etc.

 M.A. : Quels seraient les risques encourus dirigés par le seul facteur humain?

C.H.A. : Deux facteurs de risques dirigés par le facteur humain sont la perte de confiance envers un autre membre de l’équipe et le manque de concentration. Dans le premier cas, on comprend aisément que pour bien réaliser sa tâche, il ne faut pas être en train de surveiller le travail de son voisin. Concernant le manque de concentration, nous utilisons souvent l’expression « rester dans le moment présent ». Lorsqu’on commet une petite erreur pendant le vol, celle-ci est avant tout une source de déconcentration. II s’agit d’oublier cette erreur et de se concentrer de nouveau sur les tâches à venir pour ne pas réaliser de nouvelles erreurs!

M.A. : Quelle est la situation imprévue avec laquelle vous devez composer?

C.H.A. : Toute situation de panne lorsque nous sommes en patrouille serrée est une situation délicate à gérer. Dans ce cas, nous nous raccrochons aux procédures maintes fois répétées et appliquons celles-ci de manière la plus méthodique possible.

M.A. : Vos démonstrations aériennes vous semblent-elles similaires ou plutôt différentes des autres équipes de voltige?

C.H.A. : J’ai le sentiment que chaque patrouille nationale a un style bien à elle. Nous le voyons régulièrement en Europe avec la Patrouille anglaise et la Patrouille italienne dont les identités sont très marquées. Nous avons retrouvé cela avec les patrouilles nord-américaines que nous avons eu le plaisir de voir évoluer.

Formations des Snowbirds et de la Patrouille de France au-dessus d’Ottawa.
Crédit Photo : ©epaa/arméedel’air

Formation de la Patrouille de France au-dessus de Montréal.
Crédit Photo : ©epaa/arméedel’air

M.A. : Au sujet de la bravoure des pilotes versus la sécurité, comment composer cela avec la présence de spectateurs?

C.H.A. : Pour réaliser ce métier de présentateur aérien, il est vital de garder la tête froide. Les règles de sécurité sont là pour nous protéger, mais aussi et surtout pour protéger le public. Et je dois dire que j’aborde les vols de la même façon, qu’il y ait une dizaine de spectateurs comme c’est le cas lors de nos entraînements ou qu’il y ait plusieurs dizaines de milliers de spectateurs lors d’événements importants. Un de nos anciens pilotes a coutume de dire : « Aucun public ne mérite qu’on prenne des risques pour lui. ». Nous appliquons ce proverbe à la lettre!

Malgré la pluie, la Patrouille de France était au rendez-vous lors du spectacle aérien Gatineau-Ottawa 2017.
Crédit Photo : ©epaa/arméedel’air

M.A. : Lors de votre présentation à l’Aéroport exécutif de Gatineau-Ottawa, comment a été votre contact avec les Snowbirds et avec le pilote no 7 de l’équipe canadienne?

C.H.A. : Nous avons sincèrement apprécié la rencontre avec les Snowbirds. Nous avions échangé avec quelques-uns un d’entre eux l’hiver dernier pour obtenir des conseils lors de la préparation de notre tournée nord-américaine. Et c’était un plaisir de pouvoir rencontrer ces pilotes. J’ai le sentiment que nous partageons les mêmes valeurs d’humilité et de rigueur face à notre mission et j’étais ravi de voir avec quelle simplicité ils échangeaient avec le public. Macie (Snowbird-7) a tout simplement été super! Il est passionné par son métier. J’ai pu voir lors de la préparation du vol conjoint que nous avons réalisé sur Ottawa et Montréal à quel point il est créatif et dynamique. J’espère que nous aurons l’occasion de croiser à nouveau les Snowbirds, mais cette fois pour échanger des « pax » avec eux!

Les deux no 7 des Snowbirds et de la Patrouille de France.
Crédit Photo : Martin Cormier

M.A.: Qu’avez-vous retenu au sujet du spectacle aérien de Gatineau-Ottawa?

C.H.A. : Je retiens du spectacle de Gatineau la motivation et le sens de l’organisation des responsables, la présence d’un public nombreux malgré une météo difficile, la chaleur du public envers les militaires, la présence de membres de ma famille installés au Canada et la prestation très dynamique des Snowbirds! En résumé, un excellent souvenir!

M.A. : Merci et au revoir, Capitaine Hervé Aubert!