Été 1981, jeune vingtaine, je me retrouve loin de chez moi, à Val-d’Or, afin de poursuivre mon rêve de travailler en aviation. Eh non, je ne suis pas instructeur en pilotage ou je ne vole pas un Aztec dans toutes sortes de conditions météo afin d’accumuler des heures pour monter dans la hiérarchie vers un poste de pilote de ligne, comme mes amis Gilles ou Nicol! Moi, je reste au sol, ou plutôt à quelques dizaines de pieds du sol, dans la tour de contrôle…

Trois années d’aventures abitibiennes, autant dans la tour qu’à l’extérieur, et il est déjà temps pour moi de gravir les échelons. Bénéficiant d’une promotion, l’automne suivant les Grands Voiliers, je me retrouve dans la belle ville de Québec, travaillant dans une tour plus occupée et plus complexe, mais qui remplit le besoin de ce jeune de 25 ans de performer dans sa vie professionnelle, mais aussi qui lui permet de découvrir un peu plus la VIE.

Quelques années plus tard, soit en 1987, je quitte Québec pour Montréal et l’attrait d’une autre promotion. Cette fois-ci, je devrai dire adieu aux grandes fenêtres des tours de contrôle, car je me retrouve au terminal de Montréal, à travailler les arrivées et départs des aéroports de la région métropolitaine. Mon principal outil sera maintenant un écran radar, un genre de grosse télé qui projette sur une carte géographique les représentations des aéronefs sous mon contrôle. Pendant toutes ces années, c’est la même constatation. La routine n’existe pas dans ce milieu, car même si les horaires des compagnies aériennes sont assez stables et si les situations peuvent se ressembler d’une journée à l’autre, il y a toujours un ingrédient qui vient mêler les cartes. Certains jours, la météo vient tout brouiller, que ce soit des lignes d’orages, des vents extrêmes ou des tempêtes de neige, tout peut très vite dégénérer. Il y a aussi toutes ces situations hors de l’ordinaire, une urgence déclarée alors que le taux d’occupation est déjà limite et qui nous force à improviser les meilleures solutions; un pilote perdu en météo marginale qui demande de l’aide alors que tout autour est IMC ou même une panne dans un de nos systèmes qui demande une réaction immédiate et dosée. Dans toutes ces situations, une chose demeure : le travail d’équipe est à la base de tout. Oui, les procédures sont présentes pour nous aider à réagir, mais on doit aussi pouvoir compter sur une équipe solide, que ce soit nos coéquipiers immédiats ou ceux des unités et tours voisines, afin de résoudre les situations extrêmes.

Pour conclure sur une note humoristique, il y a cette anecdote que je racontais aux recrues qui venaient en visite. Alors que j’étais à l’école primaire, mon professeur me disait souvent : « Drapeau, tu ne feras jamais rien de bon à regarder dehors par la fenêtre! » Puis, adolescent, ma mère me répétait : « Pierre, tu n’iras pas très loin à rester planté devant ta télé! » Eh bien, après une carrière de 37 ans à regarder par les fenêtres des tours de contrôle et à guider les avions sur ma télé, je dois dire que je les ai fait mentir tous les deux… Je prends donc ma retraite du contrôle aérien, après une carrière remplie et très enrichissante. J’aimerais encourager les jeunes qui ont un attrait pour l’aviation à regarder du côté des services de navigation aérienne, car plusieurs carrières très intéressantes sont disponibles. De mon côté, je vais profiter de mon côté pilote un peu plus souvent, mais je reste à l’affût des développements afin de mettre mon expérience à contribution.

Bons vols!