VALEUREUX PILOTE DE COURSE ET TRÈS GRAND PASSIONNÉ D’AVIATION

Partie 2

St-Hyacinthe, 2018, Bertrand Godin avec un Cessna d’AVIATION D.M. inc.
Photo : Martin Cormier

Le magazine Aviation ne fut pas en reste pour prolonger le plaisir qu’il a eu de s’entretenir dans une première édition avec M. Bertrand Godin, ce pilote émérite autant en course automobile qu’en aviation. L’homme est généreux et il partage volontiers sa vision et des parallèles entre ces deux mondes.

Préambule : Certaines personnes me demandent s’il y a une grande différence entre le pilotage en course automobile et celui en avion. Malgré mes 200 heures d’expérience en pilotage d’avions, je dirais qu’il n’y a pas de différence. Je dirais que piloter sur une piste ou dans les airs, c’est la même approche.

Bertrand Godin, 1997, avec Kelly Lowen, mon ingénieur. Les stratégies, secrets des performances.
Photo : Daniel Cyr

Bertrand Godin, 2012, la voltige avec Martin Hivon. Plaisir fou de piloter!
Photo : David-Étienne Durivage

Magazine Aviation : Quelles ont été vos premières embûches?

Bertrand Godin : Avoir cette chance de me trouver derrière un volant ou des commandes, c’est un privilège et une grande motivation. Au début de ma carrière, j’avais l’impression d’être en exploration de certaines limites. Mais j’ai dû faire attention, car cette motivation n’a pas toujours été contrôlée. Quand j’ai eu ma première voiture, j’ai voulu impressionner un copain. À 170 km/h, j’ai perdu le contrôle dans un virage et j’ai percuté le fossé pour complètement détruire mon nouveau bolide. Cette motivation n’était pas la bonne. Par miracle, nous n’avons eu que des courbatures.

Bertrand Godin, 1997, en Formule Atlantique. Avant la course, inspection rigoureuse de la voiture.
Photo : Daniel Cyr

M.A. : Quelle est votre philosophie sur le pilotage?

B.G. : Quand j’ai commencé à piloter un avion, mon approche a changé. Le sport automobile m’avait appris le respect que l’on doit avoir avec une activité à risques. Vivre sa passion, c’est bien, mais pas à n’importe quel prix. Dans une voiture de course ou dans un avion, j’ai un immense respect. Je sais que par mon attitude, je peux faire la différence. Ça commence bien avant d’être derrière un volant de voiture ou de commandes d’avion. Que ce soit pour le bolide, la piste, les conditions climatiques ou sur soi-même, on doit toujours chercher à apprendre, à être en contrôle.

M.A. : Parlez-nous de similitudes entre un départ de course et celui d’un avion…

B.G. : Sur un circuit, rien n’est laissé au hasard. Nous avons des réunions avec des ingénieurs pour parler de stratégies, de modifications apportées à la voiture ou sur les pièges de la piste. J’ai eu la chance de rencontrer des gens très professionnels, tel M. Claude Rouelle, ingénieur en Indy Light, qui m’a appris que la chance dans la vie, c’est la préparation qui rencontre l’occasion. En aviation, j’ai la même approche. Avant chaque vol, j’essaie de mettre beaucoup de rigueur dans la préparation, que ce soit pour la navigation, la masse, le centrage, l’inspection et tout ce qui regarde l’avion. Observer si tout est normal, c’est vital.

M.A. : Selon vous, quelles sont les similitudes ou différences entre la conduite automobile et le pilotage d’avions?

B.G. : Pour moi, dès que je mets mon casque pour l’auto ou pour l’avion, je deviens une pièce de l’appareil. Je ne m’appartiens plus. Mon esprit et mon corps sont à l’écoute de tous les détails qui m’amènent à prendre des décisions. Je le ressens davantage dans les phases de décollage et d’atterrissage ou pendant les situations où je sors de ma zone de confort. Une attention constante et une concentration extrême sont exigées quoiqu’une différence importante l’est à cause du temps. En course automobile, c’est d’une durée de 2 heures, à la limite des capacités de la voiture, dans son environnement. En avion, la situation peut changer radicalement en quelques secondes. C’est un exercice qui peut amener à une fatigue mentale. On peut dire que la course automobile m’a bien entraîné sur l’endurance psychologique.

M.A. : Vous pilotez des voitures de course avec grand succès et vous avez un étonnant talent de pilote d’avion. En quoi ces deux activités vous ont-elles servi pour votre vie professionnelle actuelle?

B.G. Comprendre le pilotage, c’est une école de vie. Tout m’a servi. Depuis 7 ans, j’enseigne la conduite d’urgence à l’École nationale de police du Québec. Ça m’a servi pour la compréhension, le développement de certains cours et pour mon rôle d’instructeur. L’utilisation d’outils modernes, tel le simulateur, permet non pas de faire seulement des exercices de pilotage, mais également de mettre l’étudiant dans un vrai contexte. De faire vivre et faire comprendre que pour la conduite, ce sont les connaissances directement liées au sens de l’observation qui sont nécessaires comme, par exemple, établir pourquoi j’ai eu un accident, je n’ai pas vu ou je ne pensais pas… Savoir reconnaître les priorités au bon moment et être conscient que tout ça peut être influencé par des facteurs humains, tels le stress, la pression que l’on se met et celle venant de facteurs extérieurs.

Quand on réalise que les facteurs humains affectent la façon de faire, ça motive à mieux se connaître et constamment s’ajuster mentalement. Les rétroactions sont très formatrices et développent la remise en question et l’humilité pour ne pas toujours être dans l’obligation d’utiliser nos habiletés exceptionnelles. Grâce à l’aviation, je me suis intéressé à certains aspects plus étendus que la simple technique de pilotage. Car piloter est ce que j’aime faire le plus dans la vie. J’ai toujours pensé que c’est la compétition qui m’amène à me dépasser. Grâce à l’aviation, j’ai découvert que je n’ai pas besoin d’adversaire dans ma motivation à devenir meilleur dans toutes mes activités professionnelles ou de loisirs.

M.A. : Merci, M. Bertrand Godin!

St-Hyacinthe, 2018, le reporter Martin Cormier et Bertrand Godin.
Photo : Bertrand Godin

 

Pour ses photographies et son aimable collaboration, un merci spécial est adressé à M. Bertrand Godin, instructeur en conduite automobile, Institut de police de Nicolet, conférencier et chroniqueur automobile.

 

SOURCES

  1. Bertrand Godin et :

Bertrand Godin, Piloter son avenir, autobiographie par Bertrand Godin et Charles-André Marchand, Éditions ADA, 20-10-2017

Les Incollables par Bertrand Godin et Marc Bouchard, Les Éditions Transcontinental, 17-09-2014

https://www.leslibraires.ca/livres/piloter-son-avenir-bertrand-godin-9782897862213.htmsources

https://www.journaldemontreal.com/2017/01/21/de-pilote-a-instructeur-de-conduite