Bâtis-moteur : pensez aux inspections préventives !

Chronique proposée par Richard Saint-George, en collaboration avec Aviation B.L.

Tout support de moteur devrait être impérativement inspecté à chaque grande révision mécanique ou overhaul. Cette opération – réalisée dans un atelier certifié – inclut un contrôle non destructif. Toutefois, presque aucun avionneur n’impose un contrôle horaire ou calendaire.

Servant de jonction entre le moteur et la cellule, le bâti peut résister aux pires contraintes mécaniques. Malgré tout, avec le temps ou sous certaines contraintes physiques, voire une quelconque avarie, des défectuosités peuvent surgir. Des déformations infimes, dues à divers chocs, peuvent également affaiblir cet assemblage fait en tubes d’acier Chromoly 4130 soudés. Détectée rapidement, toute anomalie pourra être traitée, et ce, sur une base durable. Dans le cas contraire, l’intégrité structurelle du support négligé pourrait, à moyen terme, être hypothéquée. D’où l’intérêt d’une inspection préventive ! Patrice Dumont, technicien et soudeur certifié chez Aviation B.L., recommande un contrôle, lors de toute dépose – programmée ou ponctuelle – d’un moteur. Pour une surcharge au reconditionnement ou à l’échange, comprise entre 400 et 700 $ CA (tarif fluctuant en fonction de la grandeur du bâti et de sa quantité de tubes), propriétaires privés comme exploitants commerciaux « achèteront la tranquillité d’esprit ».

Recommandations

Charles Riberdy, technicien chez Aviation B.L., sable un bâti-moteur (provenant d’un Cessna 172) en pulvérisant des microbilles.

À priori, actuellement, seul Cessna inclut le contrôle des bâtis-moteur à travers son vaste programme SID ou Supplemental Inspection Documents. De l’avis des professionnels, les autres manufacturiers devraient suivre cet exemple. Question de sécurité ! Même si ce n’est pas encore obligatoire, de plus en plus d’organismes de maintenance agréés (OMA) canadiens recommandent désormais un test non destructif ou NDT à leur clientèle. À titre de comparaison, Aviation B.L. procédait, en 2008, à une vingtaine d’inspections préventives annuellement. Aujourd’hui, c’est plus du triple ! Pourquoi ? Parce que le monde a été conscientisé. D’ailleurs, les statistiques démontrent le bien-fondé d’une telle procédure : deux inspections sur trois conduisent à une réparation. Et pas toujours mineure… Et puis, la prévention permet aussi et souvent d’économiser de l’argent. Quelques heures de travaux de soudure reviennent forcément moins cher que le remplacement intégral d’un bâti-moteur. En contrepartie, un support neuf de Cessna 172N coûte environ 9 000 $ US et près de 45 000 $ US pour celui d’un modèle XP ! À bon entendeur…

Processus, détection et cure

Trace de corrosion, due à une friction intempestive, sur un tube de bâti-moteur.

Après dépose, le support-moteur est sablé avec des microbilles. Une vérification visuelle subséquente permet de repérer toute trace de corrosion, usure ou coup. S’ensuit une magnétisation de la pièce en prévision de l’épreuve NDT, communément appelée Magnaflux©. Lorsque tout est prêt, le technicien asperge, par étape, chaque section de l’engine mount d’un liquide vert. Lorsqu’il y a une fissure ou une rupture de soudure, le champ magnétique brisé laisse apparaître une ligne fluo claire. Même la plus mince des fêlures peut ainsi être détectée. Après l’examen, le bâti-moteur est complètement démagnétisé et, si nécessaire, dirigé vers l’atelier de réparations. Dans le cas de déficiences, le soudeur procède alors au changement du ou des tubes défectueux (toujours au complet) ou à la pose de renforts (pattes, croisillons, etc.). Cela en conformité avec le manuel AC43.13-1b/2b. Aucune déformation ou dégradation du métal ne peut être remplie avec de la soudure ! Afin de conserver les proportions et les angles exacts, l’opérateur doit utiliser un gabarit. Puis une petite quantité de composé anticorrosion ACF-50, CorrosionX ou d’huile de lin est injectée dans les tubulures via de minuscules trous. Ces produits pénétreront le métal interne par capillarité et inhiberont la corrosion consécutive à différents facteurs : milieu salin, proximité d’une batterie, pollution, etc. Chaque orifice est ensuite rebouché, soit par une pointe de soudure, soit à l’aide d’un rivet. Ce type d’intervention ne peut pas être exécuté par un particulier ou un ouvrier non qualifié ! Une fois remis en état, le bâti-moteur est repeint. Un apprêt époxy est tout d’abord appliqué au pistolet pneumatique. Après séchage, une succession de couches fines de peinture polyuréthane (gris perle, blanc ou jaune) est pulvérisée. Pour des raisons pratiques, la tendance actuelle vise les couleurs claires. En effet, une pièce peinte en noir (souvent la couleur d’origine) ne permet pas de déceler à l’œil nu d’éventuels défauts structurels. Durant la repose, le mécanicien doit aussi remplacer les blocs élastiques en caoutchouc, communément appelés silentblocs ou rubber mounts. Interposés entre le groupe motopropulseur et ledit bâti, ces gros pavés absorbent une grande partie des vibrations. Avec le temps, ceux-ci finissent par se détériorer et même s’effriter. Sur les appareils privés, c’est donc leur âge – et non le nombre d’heures de vol – qui détermine leur changement. Il en est de même pour les boulons de fixation du moteur/bâti ainsi que pour ceux du bâti/cloison pare-feu.

Renfort en étoile soudé (réparation conforme aux recommandations publiées dans le manuel AC43.13-1b/2b).

Précautions et conseils usuels

Les bâtis-moteur encaissent des facteurs de charge importants mais résistent mal à la friction. L’épaisseur des tubes étant mince, le moindre frottement peut vite user une section. De ce fait, on proscrira les colliers en plastique ou Ty-Rap®. Avec les vibrations, ceux-ci finiraient par entamer le métal. Pour arrimer un tuyau ou un faisceau électrique le long d’un tube, on choisira plutôt un collier homologué aviation (MS21919WDG) ou encore une cordelette spéciale en caoutchouc (Koroseal Lacing Cord). Une éraflure ou la chaleur dégagée par les collecteurs d’échappement risque aussi d’éroder des tubes proches. L’ajout de déflecteurs, fixés aux endroits stratégiques, s’avérera utile. Par ailleurs, les mécaniciens penseront à connecter le câble de mise à la masse sur la cloison pare-feu ou sur la platine du régulateur de tension, et non directement sur le support du moteur. Bien protégé, entretenu et inspecté régulièrement, tout bâti-moteur devrait alors durer très longtemps.