Savoir sortir de positions inusuelles fortuites, récupérer une assiette instinctivement et sans paniquer, réaliser des acrobaties simples mais démonstratives sont autant d’options, et plus encore, proposées aux commandes de ce singulier biplace.

La saison estivale est propice à plusieurs activités aériennes. La voltige intègre naturellement une liste exhaustive. Tout comme l’hydraviation n’est pas seulement l’apanage des C185 et Beaver sur flotteurs, celle-ci ne se limite pas aux Sukhoi SU-26 et autres Extra 330 ultra-vitaminés ! Ainsi, chez Lachute Aviation (CSE4), la clientèle peut – outre s’infliger un max de g sur Pitts – s’initier à la voltige sur un simple Cessna 152 Aerobat. Pratique, économique et plein de ressources, cet appareil est une version structurellement renforcée du modèle original (+6 g/-4 g). Ni plus puissant ni plus maniable, l’Aerobat ne se distingue même pas par une alimentation carbu inversée ou encore de manches à balai au lieu de volants.

François Vrana et l’auteur à bord de C-GRHT.

Stages à la carte

François Vrana – président et chef instructeur de Lachute Aviation, mais aussi instructeur Classe I voltige – propose deux cours d’acrobatie à bord de C-GRHT : un complet + un limité aux assiettes inusitées. Il est secondé dans son entreprise par Luc Martineau, commandant de bord chez Air Canada et maître incontesté sur Pitts, et Raphaël Langumier, pilote de ligne également et formateur émérite sur plusieurs machines spéciales, dont le Yak 52. Tous les trois ne chôment pas. Chaque année, la demande augmente. Il faut dire qu’au-delà des arguments sportifs et techniques, le tarif ne laisse personne indifférent. Moyennant 130 $ de l’heure (plus taxes et instructeur), soit 5 $ de plus que sur un Cessna 152 normal, élèves et pilotes licenciés peuvent parfaire leur expérience. De surcroît, la rareté du modèle au Québec (seulement deux autres Aerobat volent en école mais ne font pas de voltige) joue en la faveur du team de Lachute Aviation. Invité en juillet dernier à jouer le rôle de stagiaire d’un jour, j’ai pu goûter au programme et renouer avec un modèle piloté voici longtemps.

Sortie quasiment sur le dos

Après un court briefing au sol, François m’invite à prendre place à bord de C-GRHT. Pas de parachutes ! Par contre, de solides harnais nous maintiendront fermement sanglés. Les vérifications d’usage complétées, nous décollons vers l’ouest puis bifurquons vers la zone d’entraînement située au sud de la rivière des Outaouais. La météo est acceptable même si, d’ici peu, le temps tournera à l’orage. Dix minutes plus tard, nous joignons notre « box » délimité par ladite rivière, la classe C de YMX, les planeurs de Hawkesbury et les parachutistes d’Alexandria. Question altitude, on évoluera entre 3500 et 6000 pi (1067 et 1829 m). En guise de réchauffage, j’exécute quelques décrochages, deux amorces d’autorotations et enfin une vrille. Contrairement aux idées reçues, les Cessna A et C152 ne sortent pas forcément de vrille en « lâchant tout ». Pour preuve, la procédure publiée dans le POH, section 3, pages 12 et 13 (Emergency Procedures) – tous modèles confondus – indiquant qu’après avoir appliqué de la pédale opposée à la rotation, il faut repousser le manche vivement (briskly) en avant pour interrompre le décrochage. Pertinent ! François me propose maintenant de faire un quart de tonneau par la gauche puis de récupérer l’assiette. Plein volant à gauche jusqu’en butée et pied du même côté en conséquence, sans retouche de puissance, l’Aerobat s’incline progressivement. Maintenant, au lieu de continuer à tourner, François m’ordonne de remettre le volant au neutre et d’attendre que la gravité fasse baisser le nez. La vitesse augmente alors. À ce stade, il est temps de redonner du volant à gauche toute, puis de tirer dessus pour récupérer. Placidement, C-GRHT reprend sa ligne de vol. Cette manœuvre, simple au demeurant, demande un peu d’entraînement pour l’exécuter correctement. Comme tous les appareils ayant un taux de roulis lent, le Cessna 152 Aerobat impose plus de technique, plus de précision. Dans ce sens, cet exercice, comme ceux qui suivront, permet d’affiner le pilotage et de sortir prestement de situations anormales. Exemples : demi-tonneau manqué, turbulence de sillage, désorientation spatiale en sortant d’un nuage, etc.

Rotation franche et piqué prononcé, résultant d’une mise en assiette inusuelle.

Récupération d’une assiette prononcée, en piqué

Après un départ volontaire en spirale, l’Aerobat de service accélère rapidement. Les commandes se durcissent. Pas de problème si l’on réagit prestement ! En fonction de la vitesse et du facteur de charge, il suffit de remettre les ailes à l’horizontale et de tirer sur le volant – tout en restant dans l’enveloppe. La sortie se fait en cadence, sans brusquerie ni retard.

Quelques boucles basiques

Inventée en 1908 par le Français Adolphe Pégoud, cette manœuvre est référencée dans le fameux catalogue Aresti. À l’extrême, c’est aussi une vieille technique de combat aérien. Dirigeant C-GRHT sous la directive de l’ami François, je prends d’abord de la vitesse en piquant sobrement. Le moteur tourne à 2300 tr/min quand j’atteins 115 kias (213 km/h). En tirant graduellement 4 g (lus sur l’accéléromètre d’origine), le biplace monte dans le ciel et ne tarde pas à passer sur le dos. Là encore, on est loin des sensations offertes par un vrai avion de voltige, mais ça marche ! En amorçant le troisième quart du cercle, je remets le volant au neutre et laisse l’A152 redescendre naturellement, à puissance réduite. Puis, je tire à nouveau sur la profondeur pour terminer ce looping et ranime les chevaux. La trajectoire a été maintenue et nous sortons sans effort.

4 g positifs en départ de boucle !

Croisement des commandes, lors d’une remise de gaz

Dans cette configuration, il s’agit de simuler une erreur de pilotage commune aux pilotes peu expérimentés, jamais recyclés ou encore stressés. Mal gérée, son issue peut être tragique lorsque survenant à très basse altitude. Dans notre cas, nous avons de l’eau sous la quille. En montée et en virage léger à droite, j’applique alors une pression franche sur la pédale gauche du palonnier. Immédiatement, l’aile gauche décroche. S’ensuit une spectaculaire amorce de vrille ! Immédiatement, je réduis le moteur, mets du pied à l’opposé et repousse franchement le volant. En quelques secondes, sans avoir sacrifié trop d’altitude et désormais sur un cap pratiquement opposé, je repositionne l’Aerobat en ligne de vol. Démonstratif !

En conclusion

Ces quelque 90 minutes passées en l’air et dans tous les sens m’ont paru productives. Déroutantes parfois aussi ! Le fait, par exemple, de mettre le volant en butée requiert beaucoup d’amplitude – par opposition à une butée manche ! La relative sous-motorisation constitue un autre défi. Et puis, faire de l’acro en 152 n’est pas habituel. Cela commande, en quelque sorte, une reprogrammation du cerveau. Enfin, pour ceux que la discipline interpelle, Lachute Aviation organise des sessions théoriques (individuelles ou en groupe), à l’année. Contrairement au Pitts, l’A152 de l’école vole aussi en hiver (limite : -10 ºC). De surcroît, on peut le louer en solo (sous certaines conditions). Un must !