Lors de ma dernière chronique, j’ai abordé le sujet des consignes de navigabilité comme faisant partie de la maintenance obligatoire. Ce sujet mérite certainement d’être approfondi, car, encore une fois, mon expérience avec les pilotes propriétaires me démontre clairement un manque de connaissances sur le sujet.
Il y a quelques semaines à peine, j’ai croisé un propriétaire qui était paniqué, car son technicien venait de l’aviser que son avion n’allait plus pouvoir voler bientôt et qu’il devrait remplacer tous les cylindres du moteur. Tout cela à cause d’une nouvelle consigne de navigabilité. Le propriétaire ne comprenait pas très bien en quoi consistait une consigne de navigabilité et n’avait aucune idée comment faire sa propre opinion sur le sujet. Il est également possible que le technicien essayait aussi de profiter de la situation ou que celui-ci manque tout simplement de connaissances sur le sujet, ce que j’ai également constaté avec certains de mes confrères TEA au cours des dernières années. Dans les faits, la consigne en question n’était aucunement applicable aux cylindres installés sur l’aéronef. Donc, aucune action n’était nécessaire autre qu’une inscription dans les livrets de l’appareil.
Voici la définition du terme « consigne de navigabilité » tel qu’énoncé dans le Règlement de l’aviation canadien (RAC) :
« Instruction délivrée par le ministre ou par une autorité de l’aviation civile responsable de la définition de type d’un produit aéronautique qui rend l’autorisation obligatoire d’un travail de maintenance ou une action opérationnelle afin d’assurer qu’un produit aéronautique est conforme à sa définition de type et que son état en permet l’utilisation en toute sécurité (airworthiness directive). »
Bien que cela semble assez simple, cette définition nous permet de bien saisir ce qu’est une consigne. La première partie de la définition indique d’où peuvent provenir les consignes. La deuxième partie fait état de l’obligation d’effectuer une action pour maintenir un produit aéronautique en état de navigabilité.
Maintenant, voici en quelques étapes la façon de trouver, sur le site de Transports Canada, les consignes attachées à un aéronef en particulier.
- En utilisant Google, effectuez une recherche avec les termes « SWIMN Transports Canada ». SWIMN signifie Système Web d’information sur le maintien de la navigabilité.
- Le premier lien devrait vous donner accès à la page SWIMN de Transports Canada.
- Cliquez sur « consignes de navigabilité ».
- Si vous désirez faire une recherche en lien avec une immatriculation en particulier, inscrivez-la dans le champ « Marque d’immatriculation » à gauche. Sinon, vous pouvez effectuer une recherche pour une consigne en particulier en inscrivant son numéro dans le champ identifié « Numéro de CN ». Il est également possible d’effectuer une recherche avancée par manufacturier avec le lien « Recherche avancée ».
Pour notre exemple, nous allons utiliser un appareil de l’ÉNA, C-GQIT.
Nous voyons dans cet exemple que le système a effectué un tri selon le modèle de l’aéronef, du moteur et de l’hélice. Et tel que décrit dans la définition de « consigne de navigabilité », on y retrouve des consignes émises par Transports Canada ainsi que des consignes émises par l’aviation civile responsable de la définition de type, en l’occurrence, la FAA. Transports Canada ajoutera également les consignes provenant d’autres autorités civiles qui sont responsables de composantes qui peuvent potentiellement être installées dans l’aéronef. Une consigne qui apparaît dans la liste de notre aéronef peut donc être en lien avec la cellule, le moteur, l’hélice et des composantes possiblement installées. Certaines consignes peuvent même être émises concernant un organisme de maintenance agréé (OMA).
Prenons l’exemple de la consigne CF-2005-40 qui apparaît pour pratiquement tous les moteurs Continental et Lycoming.
Cette consigne concerne des moteurs ayant eu de la maintenance exécutée par un OMA dans l’Ouest canadien. Une consigne peut également être en lien avec de la quincaillerie aéronautique ayant des défauts de fabrication et même de l’huile moteur contaminée.
Il est important de comprendre que Transports Canada crée une banque de données seulement avec les consignes qui ont un potentiel d’applicabilité. Ce n’est pas parce que la consigne apparaît sur la liste qu’il y a obligatoirement une action à effectuer. Il faut prendre le temps d’aller lire les premiers paragraphes en premier lieu pour vérifier si la consigne est applicable à notre aéronef. Si le propriétaire est en mesure de s’assurer que la consigne ne s’applique pas à son aéronef et à ses composantes, il peut alors lui-même indiquer dans le carnet de route et dans les livrets techniques que la consigne n’est pas applicable et en donner la raison. Par contre, si elle est applicable, il faut évaluer quelle est l’action. Si celle-ci inclut de la maintenance, le propriétaire devra avoir recours à un TEA.
Une note que je vois régulièrement en parcourant certains carnets de bord d’aéronef, c’est que certains TEA inscriront au moment de l’inspection annuelle que la responsabilité des consignes de navigabilité revient au propriétaire. Il n’y a rien de mauvais en soi, car c’est effectivement le cas. Le problème est que trop souvent le service de vérifier les consignes n’a même pas été offert au client et que ce dernier est tout simplement heureux d’avoir potentiellement économisé de l’argent sans même le savoir. Par contre, le fait de ne pas se conformer à une consigne de navigabilité révoque le certificat de navigabilité de l’appareil. Bah! Les conséquences avec Transports Canada sont très minimes, malheureusement, il pourrait y avoir des problèmes beaucoup plus graves avec la compagnie d’assurance en cas d’accident, car l’avion aurait volé sans un certificat de navigabilité valide.
Il est donc de la responsabilité du propriétaire de vérifier lui-même l’applicabilité d’une consigne ou bien de clairement déléguer la tâche à son technicien. En ce sens, les techniciens se devraient d’offrir également ce service, du moins durant l’inspection annuelle et de bien expliquer les conséquences. Donc, si le propriétaire ne souhaite pas effectuer la tâche, il l’aura clairement indiqué à son technicien et celui-ci pourra se protéger en inscrivant dans la certification après maintenance que le client est responsable des consignes.