Ah! TOP GUN! Pour toute une génération de jeunes rêveurs d’aviation que nous étions alors, ce film mythique de 1986 a vécu pendant longtemps en nos mémoires. Pour souligner le 30e anniversaire de sa sortie, le magazine Aviation nous donne ici un aperçu de l’école américaine de pilotes d’élite.

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Deux formations en vol de F-16N et d’A-4 E Skyhawk de l’école TOP GUN au-dessus du Lower-Otay Reservoir, San Diego County, Californie. (Photo : U.S. Defense Imagery VIRIN: DN-SC-04-17201)

Commençons ici l’histoire de TOP GUN par une certaine scène du film. Sur un hangar, on peut lire l’inscription « Fightertown USA », ce qui signifie textuellement La ville de la chasse. La base aéronavale de Miramar est située à une quinzaine de kilomètres au nord de San Diego. À l’époque, la moitié des escadrons embarqués de l’US Navy s’y trouvaient. Durant les années 1970-1980 et jusqu’à la moitié des années 1990, c’était la base des F-14 Tomcat. On y effectuait des exercices de défense aérienne au-dessus de l’océan Pacifique et des simulations de combats aériens au-dessus du désert du Nevada. En s’activant de l’aube jusqu’à minuit, autant les activités au sol que celles des opérations aériennes démontraient une vitalité constante. Cette base aérienne avait deux pistes parallèles et une piste transversale où se stationnaient 250 avions sur le tarmac. Au plan statistique, on comptait 20 000 mouvements aériens par mois pour une population de 12 000 personnes.

F-14 A Tomcat

F-14 A Tomcat de l’Escadron VF-41 Black Aces du porte-avions de l’USS Entreprise (CVN-65). (Photo : Marc-André Valiquette)

Maintenant, parlons de la célèbre et prestigieuse école des pilotes américains qu’est la Navy Fighter Weapons School (TOP GUN). Reconnue par les pilotes de chasse du monde entier, elle fut créée le 3 mars 1969, à la Naval Air Station of Miramar. En pleine période de développement des missiles air-air, l’école a été conçue à la suite des pertes excessives d’avions et des nouvelles difficultés engendrées lors de combats aériens durant la guerre du Viêt Nam. Les pilotes avaient perdu l’art du combat au canon et au combat rapproché, fréquemment appelé « Dog Fight ». L’école va donc permettre aux pilotes de l’US Navy de se perfectionner avec une formation adaptée afin d’améliorer leurs techniques lors de combats aériens. Ceux-ci nous semblent parfois spectaculaires, mais ils sont plus que nécessaires pour ensuite pouvoir se mesurer à n’importe quel adversaire dans le monde. Seuls les meilleurs pilotes de chaque escadron de chasse de l’US Navy y étaient envoyés pour une durée de cinq semaines. Lors de cette formation, des pilotes de F-4 Phantom, de F-14 Tomcat et de F/A-18 Hornet pouvaient, à l’occasion, perdre dans un combat aérien contre des instructeurs de TOP GUN. Cependant, avec l’expérience acquise, ils arrivaient quand même à finir par leur damer le pion. Il faut mentionner ici que lors de la création de TOP GUN, il n’y avait que des T-38 Talon et que par la suite, en 1975, des F-5 E Tiger II et des A-4 E/F Skyhawk furent ajoutés pour les simulations de combat avec des MIG-21 et MIG-17.

Vers le milieu des années 1980, dû à une évolution avec les avions de chasse de type soviétique de 4e génération, l’école TOP GUN introduisit le F-16 N pour des simulations de combat et en imitant des MIG-29 Fulcrum et SU-27 Flanker. À cette même période, une douzaine de F-21A Kafir, de fabrication israélienne, furent utilisés par un escadron des US Marines et l’un d’eux par l’US Navy. Ils le furent pendant quelques années, de 1985 à 1989, pour le combat dissymétrique afin d’opposer ces différents avions lors de combats simulés. Ce type d’appareil avait pour but d’imiter réellement des avions de types MIG-21 et MiG-23. Dans les années 1990, l’US Navy intégra des F/A-18 Hornet et quatre F-14 Tomcat aux diverses couleurs de type « aggressor » aux divers escadrons en vue de l’entraînement des pilotes de TOP GUN. Quelques F-14 Tomcat seront alors peints selon des couleurs spécifiques, dont l’une iranienne et l’autre russe, tel le SU-27 Flanker. En 2002, l’US Navy reçoit quatorze F-16 (modèles A et B) venant d’un ancien lot de ventes prévues pour le Pakistan. Gardés sous embargo militaire par le gouvernement américain, ils avaient été conservés à l’Aerospace Maintenance and Regeneration Center (AMARC). Ces vieux F-16 seront peints de couleurs exotiques et seront utilisés comme avions ennemis lors des simulations de combats aériens. Les élèves pilotes sortaient donc de TOP GUN beaucoup plus aguerris et avec de meilleures tactiques de combats rapprochés.

F-5 E Tiger

Non ce n’est pas un MIG-28! C’est un F-5 E TIGER II « Aggressor » du VFC-13 Saints (US Navy). (Photo : Martin Cormier)

Avec ce stage, le ratio de victoires/pertes était renouvelé de 3,7/ 1 à 13/1. En 1996, avant le transfert de l’école à la Naval Air Station Fallon, dans l’État du Nevada, plus de 1000 pilotes de l’aéronavale de l’US Navy avaient reçu cette formation comprise dans plus de 25 années de formations en combats aériens. L’école TOP GUN, nommée maintenant Naval Strike and Air Warfare Center (NSAWC), dispose aujourd’hui de plusieurs versions de F/A 18 Hornet (modèles A-B-C-D), de F/A-18 E/F Super Hornet, de F-16 (versions A-B) et de quelques escadrons de F-5 E Tiger II. Par cet entraînement militaire des plus performants, l’école qualifie d’émérites pilotes vers des destinations de menaces ou de conflits dans le monde. Elle forme également de quatre à six contrôleurs d’interceptions (AIC) par session qui seront affectés au guidage de combats avec des E-2 C Hawkeye.

Quelques faits d’arrière-scènes du film

Mais poursuivons ici le magnifique itinéraire d’où nous est venu le célèbre film. En mai 1983, un article produit par Ehud Yonay, du magazine California, raconte l’histoire de l’école TOP GUN de la base aérienne de Miramar. En 1985, avec un budget de 15 M$ US, Paramount Pictures s’intéresse au projet d’un film à ce sujet. Il sera produit par Don Simpson et Jerry Bruckheimer. Il sera réalisé par Tony Scott avec de grandioses efforts, des coûts dépassés et une aide précieuse de l’US Navy. Au plan technique du film, c’est le contre-amiral Pete « Viper » Pettigrew, ancien aviateur de l’US Navy, pilote vétéran durant la guerre du Viêt Nam et instructeur à l’école TOP GUN, qui prodiguera de judicieux conseils. D’ailleurs, on peut y voir son petit caméo dans une scène fugace de bar avec Charlie (Kelly McGillis). Pour la petite histoire, on dit que pendant l’un de ces tournages, celui-là en mer et en mode contre-jour, le porte-avions a changé de cap, ce qui a invariablement donné des couleurs autres. Tony Scott aurait donc demandé au capitaine du porte-avions s’il pouvait reprendre le même cap et la même vitesse de croisière des dernières prises de vues. Le capitaine du porte-avions l’aurait informé que le coût serait de 25 000 $. Le réalisateur aurait accepté cette dépense afin de poursuivre le tournage d’un autre petit cinq minutes qui apparaîtrait dans le film. Pour ce tournage, les Mig-28 n’existaient pas réellement. En réalité, ce furent des F-5 E Tiger II qui étaient intégralement peints en noir et numérotés avec des chiffres impairs.

Martin Hivon

Martin Hivon, pilote canadien, sur le pont d’envol de l’USS John C. Stennis (CVN-74). (Photo : Martin Hivon)

Expériences d’un pilote de CF-18 Hornet avec l’US Navy

Lors de la rédaction de ce reportage, le magazine Aviation s’est entretenu avec Martin Hivon, pilote de CF-18 Hornet. Pendant plusieurs années, au plan opérationnel avec l’Escadron 425 Alouettes, il a servi comme pilote. Il a également agi comme pilote d’essai sur ce même type d’appareil. M. Hivon a fondé Aviation MH et enseigne maintenant la voltige aérienne, en plus de faire des spectacles aériens. À la base de Bagotville à temps partiel, il garde encore la main sur le CF-18, à titre d’instructeur civil sur les simulateurs de vol. Mais entre 2002 et 2005, Martin Hivon fut envoyé aux États-Unis pour un échange comme pilote avec l’US Navy. Il a été affecté à la Naval Air Station Lemoore, située sur la côte ouest de Californie et base principale pour les F/A-18 Hornet et les F/A-18 E-F Super Hornet. Au début des années 2000, Martin Hivon a aussi participé à l’entraînement de pilotes de F-14 Tomcat qui effectuaient des transitions d’affectations vers les F/A-18 Hornet. Martin Hivon cite : « Il faut être crédible comme instructeur de F/A-18 avec l’US Navy. » Il mentionne également le fait qu’il est important de bien connaître son métier, mais que ce n’est pas tout. Il ajoute : « Il faut, bien sûr, être soi-même qualifié pour les opérations sur un porte-avions. » Martin Hivon s’est donc accompli en réussissant avec succès sa qualification de vol sur les porte-avions de l’US Navy. Encore aujourd’hui, M. Hivon fait partie d’un très petit nombre de pilotes de CF-18 Hornet qui se sont qualifiés pour des vols à partir de porte-avions! Sur sa période d’échange avec l’US Navy, ce pilote expérimenté raconte avoir fait trois déploiements de courte durée sur des porte-avions américains, dont l’USS John C. Stennis (CVN-74), l’USS Abraham Lincoln (CVN-72) et l’USS Ronald Reagan (CVN-76) qui, au début des années 2000, était le plus récent des porte-avions de classe Nimitz. « C’est vraiment une expérience assez incroyable d’avoir la chance de voler sur un porte-avions de plusieurs milliards de dollars qui sent le « char neuf », nous dit-il en riant. Au cours de l’interview que Martin Hivon nous a si aimablement donnée, il nous a mentionné le fait d’avoir lui-même bénéficié de l’information développée par la célèbre école TOP GUN. Pour être en mesure d’enseigner correctement aux étudiants américains de F/A-18, il a reçu de ses collègues-instructeurs plusieurs briefings classifiés concernant les différentes tactiques de combats aériens qui sont utilisées par les pilotes de l’US Navy. Il explique : « C’est d’ailleurs l’un des buts premiers des programmes d’échanges des pilotes alliés. Nous apprenons à mieux travailler ensemble et à mieux uniformiser nos techniques et tactiques autant lors d’exercices que lors d’opérations de combats réels. » Mais, dit-il, en terminant l’entrevue, son rêve d’adolescent d’hier n’était autre que celui de devenir un astronaute ou un pilote de combats sur des porte-avions. Le film TOP GUN aura été pour lui une révélation, une inspiration. Ce fut un songe tout éveillé afin d’atteindre ce but, comme l’ont rêvé probablement plusieurs jeunes passionnés de sa génération en visionnant ce film mythique.

Écusson 2500 hrs

Écusson officiel porté par les pilotes de F-14 qui souligne les 2500 heures de vol avec le F-14 Tomcat.

Écusson Top Gun

Écusson officiel de la Navy Fighter Weapons School, ou Top Gun. (Photo autorisée par le National Naval Aviation Museum de Pensacola, Floride)

Pour sa généreuse contribution au reportage, le magazine Aviation tient à remercier tout spécialement Martin Hivon, pilote de chasse émérite, instructeur, propriétaire et pilote de MH Aviation. Pour les photographies de F-14 Tomcat, des remerciements lui sont également adressés ainsi qu’à Marc-André Valiquette, auteur. Pour l’aide précieuse apportée dans l’orientation de ce reportage, un très grand merci est aussi adressé à Kevin Dixon de Public Affairs Specialist, Commander for Navy Region Southwest, San Diego, CA, à Madame la LT JG Chloe Morgan de Public Affairs Officer Communication and Outreach Division Naval History Heritage Command et à Hill Goodspeed, historien à la Naval Aviation Museum à la Naval Air Station Pensacola, Floride.

 

 Photographies : Martin Hivon, Marc-André Valiquette et Martin Cormier